C’est devenu la nouvelle question d’usage à la machine à café. Exit le "T’es parti où en vacances ?", bienvenue au "Et toi, tu as téléchargé l’appli Coronalert ?". Lancée fin septembre, l’application de tracing belge pour lutter contre la propagation du coronavirus a été installée par plus de 800.000 utilisateurs.
Au moment de sa présentation au grand public, il y a une semaine, le porte-parole du centre de crise Benoît Ramaker avait notamment appelé les entreprises à inciter leurs employés à l’utiliser. "Cela nous donne une force de frappe supplémentaire contre le virus ". Encore faut-il que les patrons y voient un allié et non pas un ennemi…
Un appel à désactiver l’appli
Au Royaume-Uni, le géant de l’industrie pharmaceutique GSK a demandé à une partie de ses 16.000 employés de désactiver l’application de traçage au sein de l’entreprise, révèle mardi The Guardian. Très populaire outre-manche, l’application britannique a déjà été téléchargée par plus de 15 millions de citoyens. Un succès qui effraye certaines firmes, craignant de voir des salariés mis en quarantaine à la chaîne. Officiellement, GSK, qui rappelons-le quand même est un des acteurs de taille dans la recherche d’un vaccin contre le coronavirus, estime que les mesures sanitaires prises au sein de l’entreprise sont suffisantes pour éviter les risques de contamination.
Contactée, la directrice de la communication externe chez GSK Belgique, Elisabeth Van Damme, précise que cette décision a été prise pour éviter des "faux positifs". "L’application ne prend pas en compte les plaques de plexiglas installées entre les employés par exemple, ce qui risque de fausser les données". En Belgique, l’entreprise pharmaceutique n’a encore rien communiqué à ses employés à ce sujet. "Nous considérons que c’est un choix personnel".
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Au-delà de GSK, la BBC pointe des consignes similaires chez le fournisseur britannique de carburant Rix Petroleum et plusieurs établissements scolaires. Chez nous, de telles directives pourraient-elles fleurir dans les prochaines semaines ? Juridiquement parlant, c’est possible, estime l’expert juridique à SD Worx, Jean-Luc Vannieuwenhuyse. "Si l’entreprise considère qu’elle a déjà pris des mesures nécessaires, c’est son droit. Rappelons tout de même que les employeurs ont des responsabilités vis-à-vis du bien-être de leurs salariés". Tout comme Facebook, Coronalert pourrait donc bien être refoulée de certaines sociétés.
"Nous n’avons fait aucune communication concernant cette application", commente Olivier Willock, l’administrateur délégué de Beci, l’organisation patronale bruxelloise. "C’est peut-être une question que nous devons effectivement aborder". En off, un autre acteur nous glisse : "Il y a une certaine prudence dans le secteur concernant Coronalert. Nous ne sommes pas à l’abri d’un bug qui provoque l’envoi d’un message demandant à des centaines de personnes d’aller se faire tester par erreur. Ce n’est pas sûr que les employeurs aient vraiment envie d’insister pour que leurs salariés l’installent, si ça les plonge dans l’embarras ensuite".
Manque de procédure
A la Fédération des entreprises de Belgique (FEB), on pointe surtout le manque d’une procédure claire en termes de tracing et de testing à appliquer dans le monde du travail. "Le comité fédéral souhaite impliquer les employeurs à ce sujet et nous avons répondu positivement, mais pour le moment rien n’est fait. La coordination est rendue difficile par les différents niveaux de pouvoir", explique le conseiller Kris De Meester. "En attendant, on essaye de trouver la bonne balance. Il faut être prudent et ne pas mettre tout un service en quarantaine pour rien".
Et si, au contraire, une entreprise veut obliger ses employés à télécharger l’appli ? "Les autorités ont été claires. Cet outil n’est pas obligatoire, il relève de la vie privée des gens. Un employeur ne peut donc pas l’imposer à ses salariés", souligne Jean-Luc Vannieuwenhuyse. Néanmoins, libre à celui-ci d’installer l’application sur les GSM de société. "Mais encore une fois, rien n’oblige l’employé à l’activer et à l’utiliser", précise l’expert juridique.