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L'ancien député bruxellois et échevin Serge de Patoul accusé d'attouchements par des étudiantes de l'UCLouvain

L'ancien député DéFI Serge de Patoul accusé d'attentat à la pudeur par des étudiantes de l'UCLouvain

© RTBF

Par Philippe Carlot

Les faits remontent au mois d'octobre 2014. En soirée, une dizaine d'étudiants assistent à un séminaire donné par le professeur Serge de Patoul. Pendant qu'une partie des participants s'adonnent à un exercice, l'enseignant y assiste dans une cabine d'enregistrement en compagnie d'un.e étudiant.e sur une base volontaire. 

"L'objectif était que l'on fasse une présentation", explique l'une des plaignantes, "et il y avait un local à côté qui donnait sur la salle principale, un peu comme on retrouve à la police, avec une vitre teintée et des caméras qui filment la présentation. L'objectif était que l'on puisse se regarder filmé pour voir notre intervention orale et la commenter : "est-ce que je bouge trop, etc".  

Des caresses et des attouchements

En entrant à son tour dans la cabine, Virginie (c'est un prénom d'emprunt) croise l'étudiante qui en sort, une de ses amies. "C'est vrai que quand Serge de Patoul demande qui veut être le suivant, elle me regarde un peu avec des yeux...mais bon... et je dis "ah, moi". Virginie ne capte pas le message silencieux de son amie qui semble lui dire "n'y vas pas".

La jeune femme entre donc dans la pièce où se trouve le matériel d'enregistrement et se dirige vers le fond du local. "Et là il vient et il met sa main et il commence vraiment à me toucher dans le bas du dos, à me caresser quoi, on va dire ça comme ça. Moi je suis extrêmement surprise et en fait, j'ai franchement eu un peu peur. Je ne m'y attendais pas donc je suis restée très statique et je me souviens qu'il me parlait, qu'il me posait des questions, il parlait beaucoup. Moi, je ne disais rien, je ne savais plus parler. En fait, j'étais tellement choquée que je n'ai pas réagi". 

Quelques jours plus tard, Virginie prend contact avec Annick Detry, "qui était un peu la coordinatrice de notre section en sciences humaines, sciences sociales. Je l'appelle et quand je prononce les premiers mots "Serge de Patoul", sa première phrase a été "oh non, il a recommencé". 

Deux plaintes en justice

Annick Detry fait remonter les plaintes des deux étudiantes vers les autorités académiques. Pour pouvoir agir, l'UCLouvain invite les deux victimes à déposer plainte auprès de la justice, ce qu'elles font. Serge de Patoul est convoqué et entendu. Selon le vice-recteur aux affaires étudiantes de l'époque, Didier Lambert, l'enseignant aurait reconnu les faits et été licencié pour faute grave. Les deux étudiantes sont entendues par la police, de même qu'Annick Detry et au moins une autre enseignante de la même Faculté que Serge de Patoul, qui sera également convoqué pour audition. 

Quand nous la rencontrons en février de cette année, Virginie ignore quel sort la justice a réservé à sa plainte de 2014. Elle se renseigne donc auprès du Parquet du Brabant wallon et apprend que le dossier n'a fait l'objet d'aucune poursuite. Serge de Patoul ayant quitté l'UCLouvain, ses pratiques ont-elles cessé? 

Dans la sphère politique aussi

Ce n'est pas ce qui nous revient de la part du milieu politique bruxellois. Une ancienne collaboratrice de DéFI, le parti de Serge de Patoul, nous dit ne pas avoir été victime d'attouchements déplacés de sa part mais avoir eu connaissance de faits concernant d'autres employées du parti. 

Jeune députée Ecolo élue pour la première fois en 2019, Marie Lecocq a participé à une délégation à l'étranger dans laquelle Serge de Patoul se trouvait aussi. Elle témoigne avoir été mise en garde contre l'ex-député DéFI "à la fois de la part de personnes qui me sont proches mais qui ne sont pas forcément dans le milieu politique, mais aussi de la part d'anciens députés ou de personnes qui suivent un petit peu la politique bruxelloise, ça semblait tout à fait de notoriété publique." 

Serge de Patoul dément

Nous avons bien sûr contacté Serge de Patoul pour recueillir son point de vue. Il l'a résumé dans le mail que nous reproduisons intégralement ci-dessous :

  • "en 2014, deux étudiantes se sont plaintes (sic) de geste déplacé dans le cadre d’un séminaire de micro-enseignement lors d’un travail d’observation. Ce travail d’observation se faisait dans une cabine où j’étais avec des étudiants en parallèle face au lieu à observer. N’étant pas en vis-à-vis avec les étudiants, il m’arrivait d’attirer l’attention des étudiants par le fait de taper légèrement sur leur main ou sur leur bras ou sur l'épaule quand les étudiants étaient assis en faisant un commentaire oral. Si je reconnais être un peu tactile, je n’ai pas compris la perception qui a été fait de ces gestes. Il est à noter que les évaluations anonymes du séminaire faites par les étudiants ont toujours été très positives.
  • j’ai toujours voulu garder une indépendance par rapport à la politique. Avec ma réélection en 2014 ce qui me menait à l’âge de la pension, j’avais mon indépendance. Comme ma charge de travail ne permettait plus de faire de la recherche ce qui est indispensable dans le cadre d’un enseignement universitaire, j’ai démissionné de ma charge d’enseignement. 
  • à la suite des plaintes des deux étudiantes, j’ai rencontré les autorités académiques de l'université. J’ai été auditionné par la police. Je n'ai plus entendu parler de ces deux plaintes".

 Un point pose problème dans l'argumentaire de Serge de Patoul : s'il est exact que sa réélection lors des régionales de 2014 lui assurait une indépendance financière et lui permettait de quitter sa charge d'enseignement à l'UCLouvain, le timing contredit son explication. Les élections régionales se déroulent toujours en mai-juin. Serge de Patoul sait donc depuis le printemps qu'il est réélu. 

Or, l'année académique débute en septembre-octobre et Serge de Patoul l'entame puisque les faits se sont déroulés début octobre. La version de l'UCLouvain semble donc la bonne, même si Serge de Patoul a sans doute mis à profit les quelques heures entre la notification de son licenciement et l'envoi du courrier recommandé lui signifiant la faute grave pour remettre sa démission. 

Caroline Persoons réagit

Ancienne députée régionale, échevine de la culture à Woluwe-Saint-Pierre et membre du même parti que Serge de Patoul, Caroline Persoons a réagi à nos informations sur sa page Facebook. Voici un extrait de ce qu'elle a écrit ce lundi 14 mars: 

"Il y a quatre ans, en lien avec ce qui est révélé aujourd'hui, j'ai sacrifié ce qui constituait une partie essentielle de ma vie : j'ai décidé de mettre fin à mon engagement politique, à ma vie professionnelle. J’ai l’impression d’avoir été Cassandre, alertant sans cesse sur des faits, des choix qui n’étaient pas bons mais comme Cassandre, j’ai eu le malheur de ne pas être entendue à l'époque. Quand on n'est pas écouté, pas entendu, on doute de soi-même et l'on peut perdre pied. Personnellement, j'ai eu la chance d'être soutenue par mes proches - merci, vraiment, à ma famille et à tous mes précieux amis.
Je pensais à ces jeunes filles, meurtries, non respectées.
J'avais de belles valeurs ancrées en moi et j'ai eu le courage de les respecter. J’ai pris mes responsabilités. Sans esprit de vengeance, sans animosité, sans calculs. Juste pour rester qui je suis. En pensée avec les victimes.
En septembre 2018, lors de la campagne électorale communale - à laquelle je ne participais pas, j'écrivais ma lettre d'adieu politique. Extrait : "Pourquoi arrêter maintenant ? Cette décision est l’aboutissement d’une longue réflexion et d’un cheminement personnel. Je l’ai prise pour respecter mes valeurs, pour rester droite, fidèle à qui je suis. Être lucide n’est pas toujours simple; certaines de mes valeurs essentielles étaient bousculées par la désignation de la tête de liste et donc la composition de la liste Défi WSP. Cela était devenu pour moi plus que problématique... J’ai dès lors décidé d’arrêter de lutter au niveau politique, en interne, au niveau communal (et par la suite, aux autres niveaux). J’ai besoin de ma force ailleurs, pour d’autres batailles, pour d’autres beaux projets. En renonçant à ces élections communales, je tourne une page, ou plutôt un chapitre, de ma vie politique, de ma vie personnelle."
J'ai choisi de vivre les yeux ouverts, comme l’a si bien écrit Marguerite Yourcenar. Aujourd'hui, je vous l'avoue, je tremble car j'avais raison de trouver ces faits inadmissibles.
Je suis fière de mes choix, qui m'ont changée, transformée. Je me suis construit un présent, un futur."

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