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Kowari, entre néo-classique et electronica

© Gilles Dewalque

Il y a quelques années, les musiciens Louan Kempenaers et Damien Chierici faisaient connaissance autour d'un projet commun de composition de musique de film. De cette rencontre est né le duo Kowari, entité mutante à la croisée parfaite entre musique néo-classique et électronique. Aujourd'hui, les deux compères débarquent avec Trail, un premier album instrumental, sensoriel et profond qu'ils défendront en live lors des Nuits Botanique le 9 mai prochain. Soyez aux aguets ! 

Salut ! Votre premier album “Trail” sortira le 06/05. À quoi ressemble une journée dans la vie de Kowari à quelques jours du grand saut ?

Louan : Alors, ce matin on était en tournage pour une live session, ce midi on était en réunion promo, là on est à la RTBF. C’est un peu la course ! Pour le moment on ne dort pas beaucoup, mais on dort bien quand on dort (rires). 

Damien : C’est très prenant, c’est assez excitant. C’est le tout début et les choses ont l’air de vouloir se mettre en place pour le moment. 

Louan : On est rassurés d’avoir eu un retour sur le premier titre qu’on a sorti, qui a bien tourné. Tous les retours ont été positifs, ça nous a permis de souffler un peu. 

Damien : On avait un peu la pression avant de sortir “Yam”. On s’est rencontrés en 2019, il y a eu la pandémie entre temps, donc on était un peu dans le vide. Là c’était la première chose concrète qui sortait donc ça faisait du bien de pouvoir se présenter. Il nous aura quand même fallu deux ans. 

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Comment est né votre duo ? Quel a été l’élément déclencheur de votre collaboration ?

Louan : On travaillait sur une bande originale ensemble, c’est comme ça qu’on s’est rencontrés. On s’est rendu compte que c’est plutôt cool ce qu’on faisait comme musique à deux. C’était pendant l’été 2019. On s’est revus à ce moment-là en se disant “voyons voir si on peut faire d’autres morceaux”. À chaque fois qu’on se voyait, il y avait un truc qui naissait. C’était très prolifique. Du coup on s’est dit qu’on allait enregistrer tous ces morceaux pour pouvoir les proposer en musique de film, en musique de court-métrage, etc. On voulait faire de la musique à l’image et de l’habillage pour des productions audiovisuelles. Au fur et à mesure, on s’est dit que ce serait vachement cool qu’on en fasse quelque chose d’autre, quelque chose qu’on puisse proposer en live. Et de fil en aiguille, on a lancé un projet à deux. 

Damien : L’élément déclencheur ça a été Jaune Orange – dont on fait partie – qui fêtait ses 20 ans en 2019. Ils organisaient une soirée et ils avaient besoin d’un groupe qui allait jouer 30 minutes. Comme on avait quelques morceaux, on s’est lancés : tout se goupillait bien, on s’est dit “OK, on fait cette date”. Ça nous a forcés à préparer les morceaux pour la scène, et c’était une super première. 

Louan : Du coup on a lancé Kowari, on est partis début 2020 pour enregistrer l’album dans un chalet et puis tout a été mis en pause. 

Justement, comment s’est déroulé le processus de composition et d’enregistrement ?

Louan : On a enregistré l’album début 2020, mais pas la version définitive. On est partis dans un chalet à deux avec notre ingénieur du son Hugo Vandendriessche. 

Damien : On est partis une semaine en mode chill, on allait se promener dans les bois et aux alentours, c’était cool. 

Louan : On jouait au coin du feu le soir mais on jouait tard dans la nuit aussi. C’était vraiment en mode cool, on se disait “on joue, et on verra ce qui ressort”. On avait enregistré une dizaine de morceaux de manière vraiment bien, mais c’était juste les pistes violon et piano. On avait pris des synthés et on a commencé à bidouiller, mais c’était vraiment le premier jet. On a seulement retravaillé le truc en 2021. 

Damien : En 2021 on est retournés dans un autre chalet (rires), où on a fait toues les prods électroniques. Puis on est passés chez Jean Vanesse en juillet 2021 pour faire les mix, et lui a peaufiné les prods électroniques. 

Louan : Jean a eu ce rôle de producteur à l’ancienne, il est venu rediriger certains morceaux. C’est avec lui qu’on a vraiment trouvé le son qu’on voulait avoir. 

© Gilles Dewalque

Vous êtes respectivement pianiste et violoniste. Est-ce que vous avez touché à la partie électronique de la production ?

Louan : On avait commencé a faire toutes les prods, on y avait rajouté des synthés, des boites à rythmes, etc. Mais c’est vraiment avec Jean qu’on a peaufiné le truc. Il a créé une sorte de cohérence dans tout le projet.

Damien : Jean c’est l’architecte qui est allé reprendre tous les éléments pour créer un fil conducteur. Ne fut-ce que par rapport aux boites à rythmes : on avait l’habitude de ne pas mettre les mêmes kicks. À un moment donné, il nous a dit qu’il fallait qu’on trouve un bon son de kick pour tout l’album. 

Le projet est né en 2019, et sort près de 3 ans plus tard. Comment a-t-il évolué ? Quel a été le chemin parcouru ?

Damien : Ça a fortement évolué. Au départ, on est allés trouver notre ingénieur du son Hugo, on lui a demandé s’il voulait accompagner un groupe piano-violon. Au départ c’était vraiment ça, c’était plus acoustique, plus classique. Du néo-classique pur avec un focus musique de film. C’était un truc à la Yann Tiersen (rires).

Louan : Ça a d’ailleurs été un reproche à nos tous débuts. Notre musique rappelait trop celle de Yann Tiersen. Maintenant, on en est très loin ! 

Damien : Ça faisait du bien d’avoir ce retour. Même pas rapport à nos envies, on a eu plus envie d’électronique petit à petit. 

Louan : Tous les titres qui sont dans cet album ci n’ont pas été enregistrés en 2019, il y a quand même eu une réelle évolution de nouveaux morceaux. Le deuxième album est déjà prêt, les titres sont en cours de mixage. Ça va aller très rapidement, et on joue certains de ces morceaux en live.

Comment est-ce que vous définiriez votre musique ?

Damien : On a découvert le terme indietronica (rires). 

Louan : C’est malheureux, je travaille aussi dans le milieu de la musique, et je trouve que maintenant il y a tellement de noms pour définir la musique, on catégorise tout. À la base notre projet c’était plutôt de la musique de film donc on se plaçait dans la musique cinématographique. En même temps ça ne veut rien dire, c’est un terme hyper large. La musique de Blade Runner n’est pas celle d’un Seigneur des Anneaux (rires). Donc ça ne veut pas dire grand chose. Au tout début on était partis sur de la musique néo-classique, plus à la Nils Frahm etc, mais en vrai la néo-classique c’est plus acoustique, plus lent. Certaines de nos prods sont très électro.

Damien : Très électro, mais toujours avec un switch vers des instruments classiques !

En effet, il semble y avoir une dualité intéressante entre sonorités électroniques et organiques dans votre projet. 

Louan : Pour le moment, on définit notre musique comme néo-classique / electronica. Ce que ça veut dire, on ne sait pas, mais c’est ce qu’on dit (rires)

© Gilles Dewalque

Quels sont les éléments caractéristiques de votre musique ?

Damien : Il y a toujours le piano et le violon. Contrairement à la musique électronique où le beat est souvent construit en premier puis les éléments sont posés au-dessus, ici c’est un peu la démarche inverse. On crée d’abord les mélodies piano-violon et par au-dessus on construit un beat pour rendre le morceau plus électronique. 

Louan : Il y a une caractéristique assez récurrente dans nos morceaux, c’est qu’il y a des passages très calmes, posés piano-violon, puis des grandes envolées. Là, on essaye de ne plus trop faire ça. Souvent, ça montait jusqu’au final, mais maintenant on essaye de faire de nouvelles constructions (rires). Mais au tout début, c’était vraiment notre marque de fabrique. Mais dans tous les morceaux il y a du piano et du violon, qui sont parfois traités comme des éléments dans des morceaux électroniques : on met des effets, on met des cut-offs sur les pianos, sur les violons, etc. On joue quand même avec nos instruments. Le squelette des morceaux vient souvent de nos jams.

Quelle est la dynamique créative au sein du duo ?

Louan : Ça dépend un peu des chansons, souvent l’un de nous vient avec une idée. On essaie de developper un thème, et à partir du moment ou ça nous plait on construit les choses. 

Damien : C’est ce qui est super avec le duo. On fait tous les deux partie de groupes où il y a plein de monde, et là c’est juste des discussions. C’est tellement simple, on est que deux à devoir choisir. Il n’y a pas de débats, on ne doit pas convaincre plus de monde que l’autre (rires). C’est hyper simple, et hyper sain. 

Louan : Quand on n’est pas d’accord – et c’est déjà arrivé – on enregistre l’idée de l’autre, on écoute et on se rend compte que ça ne fonctionne pas bien. Évidemment on est là “je te l’avais dit”, et inversement (rires).

Vous êtes tous les deux membres de groupes rock et folk (Aucklane, Dan San, etc). Comment ces projets ont-ils influencé la musique de Kowari ?

Damien : Quand on fait des pauses, on écoute plutôt des playlists rock. Quand on prend l’apéro, on va plus souvent se mettre du Ghinzu (rires). On n’a pas spécialement été bercés par la musique électronique. 

Louan : Non, c’est assez récent. Même moi dans ma culture musicale, j’étais déjà adulte quand j’ai commencé à m’y intéresser. Je n’ai pas grandi avec ça, clairement. Mes premiers amours ça a été le rock, la britpop, et tous les groupes rock belges des années 2000. On joue tous les deux dans des groupes rock, des groupes folk. Cela dit, on a tous les deux une vraie formation classique. Damien a une vraie formation classique, moi j’ai fait 10 ans d’académie et j’ai commencé le conservatoire. Mais ça a toujours été un truc à côté, dès mes 13 ans j’étais dans le rock à fond les ballons. Et le fait de retrouver un truc dans lequel on a grandi, c’est cool. Moi j’ai toujours voulu travailler dans la musique de film et le piano est fort revenu ces dernières années. En travaillant avec Damien je me suis rendu compte que je m’éclatais à faire ça. 

Damien : Par rapport aux autres projets, c’est assez facile. C’est très naturel. 

C’est drôle que vous disiez ça, votre musique a plutôt l’air compliquée ! 

Louan : C’est plus compliqué à faire, mais on ne théorise pas vraiment les choses. Et ça c’est sans doute ce que les autres styles de musique nous ont appris, c’est que justement on n’est pas du tout dans la réflexion. On reste quand même dans le feeling. 

Damien : Avec quand même l’envie de faire une musique assez facile d’écoute. Si on voulait paraitre virtuoses, ce n’est pas ce qu’on ferait. Notre idée c’est de rester accessible, et de trouver le beau thème.

© Gilles Dewalque

Est-ce que certains artistes vous ont influencés lors de la conception de cet album ?

Damien : Moi j’ai découvert Lambert, qui est un projet que je ne connaissais pas. C’est bêtement en faisant écouter nos premières démos qu’on m’a dit “va écouter Lambert!”. C’est un mec qui fait du néo-classique, c’est vraiment bien. Après ce n’est pas ça qui a influencé l’album.

Louan : Moi je crois que c’est quand j’ai découvert Nils Frahm en live et que je me suis un peu plongé dans tout ce qu’ils font, lui et ses paires. Tous les artistes du label Erased Tapes Records, un label londonien tout a fait ancré dans la musique de niche néo-classique : il y a Nils Frahm, il y a Ólafur Arnalds, Penguin Café, etc. Ce qui est cool, c’est qu’ils ont des artistes très classiques, puis ils ont des trucs comme Rival Consoles. C’est vraiment ce mix-là qui me plait. Je les ai vus en concert et je me suis dit “Ça déchire”. C’est clairement des gens qui ont un backgroud classique et qui ont décidé de s’intéresser aux machines et à toutes les possibilités que nous offrent la musique actuelle. C’est un courant vers lequel on tend. Je dirais aussi que Rone fait partie de mes plus grandes influences. C’est un des artistes que j’ai le plus écouté ces dernières années. 

Ce sont des artistes qui expérimentent énormément.

Louan : C’est ça, ce sont un peu des rats de studio (rires). Nils Frahm il peut passer une semaine dans son studio à chercher le son ultime. Nous, on est plus spontanés. Après je dis ça mais l’album a quand même mis deux ans à se faire. Mais je dirais que ces gens-là sont vraiment des référents. Max Cooper, Thylacine, ce sont des gens que j’écoute beaucoup aussi. 

Vous avez mentionné vouloir faire de la musique de film. Est-ce que vous l’avez fait ?

Louan : On a réalisé la BO d’un film, on a aussi tous les deux travaillé sur des BO, pas spécialement ensemble mais on l’a fait. Moi j’ai fait des BO de documentaires, j’ai des BO qui sont dans des court-métrages, dans des séries, etc.

Damien : Moi j’ai un morceau dans Pandore, le générique de la toute fin ! On continue à avoir un pied dans la musique de film, mais on est pas ancrés dedans. Par contre pour le live, l’image est très importante. On travaille en ce moment avec un artiste visuel qui est plutôt dans les arts numériques, les installations, etc. Il en fait partout à travers le monde. On lui a fait écouter notre musique et on lui a proposer de travailler avec nous. Il est parti dans des trips avec des lasers, des projections très futuristes, et c’est vraiment un truc qui nous plait. Il crée sur la musique et ça amène une dimension sensorielle supplémentaire au live. 

Louan : Il y a aussi Edouard qui est au live, et on travaille sur un spectacle en mode ciné-concert avec des images d’archives, etc. Ça ne fait pas partie de ce qu’on présente maintenant, mais il y a des morceaux de l’album dans le spectacle évidemment. C’est un vrai spectacle ciné-concert avec des projections videos : nous, on joue dans l’ombre avec les projections par dessus. Ce sera lancé en septembre. Mais donc on a vraiment une réelle attache avec tout ce qui est video, projection, etc.

Damien : On se remet au service de l’image. On essaye de créer des émotions supplémentaires par rapport aux images d’archive. 

© Gilles Dewalque

Kowari est un projet instrumental. Est-ce que l’image vous permet de faire passer un message supplémentaire ? 

Louan : Oui, quand même. Ça a beaucoup évolué par rapport aux premières idées qu’on a mises en place et ce qu’on va présenter maintenant. Parce que justement, au-début on faisait que de la projection vidéo, on était vraiment dans le réel. Les gens étaient vite captivés par l’image, mais ils ne nous regardaient plus. On a fait plusieurs essais pendant des résidences, et les gens disaient que c’était génial mais qu’ils ne nous avaient pas du tout regardés (rires). Ce n’est pas grave – et c’est pour ça qu’on aime garder ça dans l’idée d’un vrai ciné-concert où les gens sont assis et regardent une projection – mais c’est aussi pour ça qu’on a changé notre manière de prévoir le live en tant que Kowari où il n’y aura pas de projection non-stop. Il y aura aussi un travail de lumière, ce sera très dynamique. C’est moins concret, c’est un support. 

Damien : Ça fonctionnera pour un public debout ! Ici on a envie que les gens puissent faire la fête sur nos morceaux. 

J’imagine que votre concert aux Nuits Botanique sera plutôt dans cette lignée là, donc ?

Louan : Oui, ce sera en mode fête. Même dans la manière de jouer : là on met plus en avant les éléments électroniques, les différentes machines qu’on utilise tandis que l’autre version est vraiment axée sur le piano et le violon.

Dans tous les cas, vous serez seulement deux sur scène ? 

Damien : Oui. On ne s’ennuie pas ! On travaille beaucoup en boucles. C’est d’ailleurs une des caractéristiques de nos morceaux, on prévoit souvent cet effet de loop. On crée une première ligne puis par au-dessus on en crée une deuxième, on passe à une autre, etc. 

Louan : On a un gros fly case avec plusieurs machines qui tournent en même temps, plusieurs synthés, etc. On s’amuse bien ! 

Dernière question : qu’est-ce que signifie Kowari ?

Louan : C’est le totem scout d’une pote. On a trouvé que ça sonnait bien, et que visuellement c’était joli. C’est simplement ça (rires). 

Damien : Le Kowari est “un petit animal à la queue soyeuse” (rires). 

Louan : C’est un petit mammifère qui a une queue en plumeau, comme dans Le Roi Lion ! La souris qui est entre les doigts de Scar, c’est un Kowari. 

© Gilles Dewalque

Kowari présentera son premier album Trail lors des Nuits Botanique le 09/05. Une performance à ne pas manquer !

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