Kenza Isnasni : "On donne tellement de place aux discours qui divisent, alors que toute une partie de la population aspire à vivre en paix"

INVITÉ Kenza Isnasni

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Par RTBF

Le 7 mai 2002, vers 4 heures du matin, un crime raciste secoue la commune de Schaerbeek, à Bruxelles. Ahmed Isnasni, 47 ans, et Habiba El Hajji, 45 ans, sont assassinés par un individu connu pour son adhésion aux thèses de l’extrême droite et sa proximité avec Johan Demol, élu du Vlaams Blok, devenu le Vlaams Belang. L’auteur des faits, un homme de 79 ans, périt intoxiqué par les flammes de l’incendie qu’il a lui-même provoqué dans tout l’immeuble de la rue Vanderlinden.

19 ans plus tard, la fille des deux victimes, Kenza Isnasni, continue son combat contre le racisme. Au micro de la RTBF, elle explique pourquoi, face aux discours de haine encore diffusés aujourd’hui, il est nécessaire de continuer la lutte.

C’est toute l’humanité qui a été touchée

"A l’époque, on a osé qualifier ce crime de conflit de voisinage ", explique Kenza Isnasi en parlant de l’assassinat de ses parents. "On a découvert tout d’un coup que le racisme tuait, qu’il pouvait mener à la mort. Et ça a été quelque chose de bouleversant pour mes frères et moi-même, ma famille, et pour toute une population", continue-t-elle. "Il s’agissait de comprendre que c’est toute l’humanité qui a été touchée, pas seulement Habiba et Ahmed ".

Aujourd’hui, Kenza Isnasni déplore que l'"on donne tellement de place à des discours qui nous divisent, qui sèment la terreur". Alors que, ajoute-t-elle, "toute une partie de la population aspire à vivre en paix […] Il y a tellement de belles énergies. Il faut réussir à voir la beauté de l’humanité, la mettre en avant, lui laisser sa place."

Elle évoque ses parents en disant qu’Habiba et Ahmed "avaient des rêves pour leur famille, se sentaient très bien en Belgique et ont contribué à la construction de ce pays. Ce pays qui était le nôtre, et qui est toujours le nôtre," continue-t-elle.

J’ai envie de croire qu’on peut encore vivre ensemble

Récemment, Kenza Isnasni a créé la fondation "Habiba-Ahmed" pour entretenir la mémoire de ses parents. Parmi les objectifs de la fondation : inaugurer une rue Habiba-Ahmed à Schaerbeek. Elle explique : "C’est un appel pour que tous ces discours [haineux] cessent. C’est un appel de devoir de mémoire contre le racisme, un appel à la vigilance et à la reconnaissance. Parce que Habiba et Ahmed représentent toute une génération de parents qui ont contribué à la construction de cette société belge en arrivant dans les années 60".

Aujourd’hui, le parti auquel était affilié le meurtrier des parents de Kenza Isnasni, le Vlaams Belang (Vlaams Blok à l’époque) est dans les sondages le premier parti de Flandre. Sa réaction : "Il y a encore beaucoup de chemin. C’est vraiment pour cette raison que je me suis engagée avec la fondation Habiba-Ahmed. J’aurais souhaité qu’il n’y ait pas cette fondation, qu’on se dise qu’on a pu réussir ce combat et qu’on va dans la bonne direction. Malheureusement, ce n’est pas le cas. On doit ouvrir des blessures, on doit se faire parfois violence. C’est un travail qui est nécessaire aujourd’hui."

Kenza Isnasi reste néanmoins optimiste : "J’ai envie de croire qu’on peut encore vivre ensemble, vivre en paix. Pour les vingt ans, le 7 mai 2022, je souhaite donner rendez-vous à toute la société belge pour être ensemble et porter un message d’espoir."

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