Contrairement au personnage de 'Guignol', où l’on fait crier les enfants dans le but de les exciter (une histoire qui a son sens aussi, par ailleurs), le kamishibaï, c’est davantage qu’un imagier et bien plus qu’un simple théâtre. C’est à la fois l’un et l’autre puisqu’il fonctionne, en enrichissant l’un de l’autre, comme un véritable théâtre d’images dans lequel les images défilent lentement !
Le kamishibaï – littéralement, l’art dramatique sur papier - est à l’origine un genre narratif japonais né dans les temples bouddhistes du XIIe siècle, à travers lequel les moines utilisaient des parchemins combinant des images et des textes pour raconter des histoires à un public souvent dans sa majorité analphabète. Tout naturellement, le kamishibaï est devenu progressivement une sorte de théâtre ambulant où des artistes racontent des histoires en faisant défiler des illustrations devant les spectateurs avant de devenir au fil des siècles un merveilleux outil didactique pour raconter des histoires en images aux petits enfants qui ne sont pas en mesure de les lire par eux-mêmes.
Le support du kamishibaï est un petit théâtre de bois qui s’ouvre et se ferme comme un véritable petit retable portatif. En focalisant l’attention sur l’histoire mise en scène et en ritualisant le début et la fin de l’histoire, il permet au petit enfant de s’immerger littéralement dans le récit et de voyager dans l’histoire en se mettant au rythme de la narration.
Parfois associé au théâtre d’ombres quand il met en scène des ombres chinoises, le kamishibaï est sans doute mieux indiqué que notre théâtre de marionnettes pour enseigner l’art de la contemplation, le goût de l’introspection narrative et le plaisir de l’imprégnation douce d’un récit.
Comment fonctionne-t-il ?
Véritable fenêtre qui donne à voir l’histoire à partir d’images qui défilent lentement, le Kamishibaï s’ouvre de manière théâtrale pour signaler à l’enfant que l’on va entrer dans un monde imaginaire et se referme à la fin de l’histoire de façon tout aussi spectaculaire pour indiquer qu’il faut maintenant revenir à la réalité. Ce double rituel est fondamental pour que l’enfant comprenne deux principes essentiels de l’imaginaire : le principe de séparation et le principe d’ancrage dans la réalité selon lesquels d’une part, les frontières des mondes réels et imaginaires doivent demeurer suffisamment étanches pour que l’on puisse entrer dans l’imaginaire et se créer un monde nouveau et, d’autre part, il faudra bien songer à revenir ensuite à la réalité en sachant néanmoins que l’on n’a pas pu, par le seul pouvoir de l’imagination, la modifier en quoi que ce soit…
Beaucoup d’écoles maternelles le pratiquent déjà. Et Bruno Humbeeck est content de lire que le Pacte d’excellence, mis en place dans l'enseignement de Fédération Wallonie-Bruxelles dès septembre 2022, le conseille.
C’est ce temps lent des images qui laisse le temps au cerveau de s’en imprégner pour que le travail d’imagination puisse s’effectuer sans brutalité en ne forçant pas l’enfant à “sauter” d’une image à l’autre comme c’est le cas dans les dessins animés, les jeux vidéo et tout ce qui sur les écrans cherche à provoquer l’intérêt immédiat de l’enfant sans nécessairement prendre soin de l’installer suffisamment dans le temps pour capter durablement son attention…