Le meurtre de Julie Van Espen avait suscité une forte émotion le 4 mai dernier. Cette étudiante anversoise de 23 ans avait été retrouvée morte dans le canal Albert qu’elle avait longé à vélo pour aller rejoindre des amis. L’arrestation le jour même et surtout le profil de son présumé meurtrier avait renforcé le trouble : Steve Bakelmans était en liberté conditionnelle alors qu’il avait été condamné à 4 ans de prison pour viol en 2017. Après 7 mois d’enquête, le Conseil supérieur de la Justice (CSJ) a constaté divers dysfonctionnements dans ce dossier.
" Nous avons constaté des dysfonctionnements c’est-à-dire des situations non-conformes à ce que le justiciable est en droit d’attendre de la Justice ". Magali Clavie, la présidente de la commission d’avis du Conseil supérieur de la Justice ne tourne pas autour du pot. " Il y a eu des lacunes et des faiblesses dans la manière dont le dossier de Steve Bakelmans a été géré, on pense au retard pris par le Parquet général au niveau de la Cour d’appel, au fait que la chambre qui devait le traiter a été fermée, que certaines pièces utiles ne se trouvaient pas dans le dossier, donc oui il faut reconnaître qu’il y a eu des dysfonctionnements mais cela ne veut pas dire qu’il y a eu des fautes. " Il n’empêche, le juge du tribunal correctionnel d’Anvers ne disposait pas d’informations suffisantes pour procéder à une évaluation approfondie des risques et le dossier n’a pas été considéré comme prioritaire par la Cour d'appel alors qu’il aurait dû l’être.
La mort de Julie aurait-elle pu être évitée ?
La question se pose dès lors : sans ces mauvais fonctionnements constatés aussi bien en première instance que devant la Cour d'appel, Julie serait-elle toujours en vie ? L’enquête du CSJ refuse de tirer cette conclusion. "Il n’y a pas eu une seule décision qui puisse être directement liée à la mort de Julie Van Espen", explique Christian Denoyelle, président du collège néerlandophone du CSJ.
Sa collègue francophone Magali Clavie confirme : " Aucun des éléments constatés ne peut être mis en lien direct avec le décès de Julie. Il faut bien se garder de tirer ce genre de conclusion parce que c’est absolument réducteur et que cela ne sert à rien, à part jouer aux devinettes."
Mais on pourra tirer des leçons pour l’avenir. "C’est la mission du Conseil supérieur de la Justice d’améliorer le fonctionnement de la Justice et donc malheureusement au départ d’un cas comme celui-ci, on espère pouvoir, grâce à nos recommandations, éviter de nouveaux drames semblables à celui de Julie."
Le manque de moyens de la Justice : "réel mais ça n’explique pas tout"
Au lendemain de l’arrestation de Steve Bakelmans, des magistrats avaient pointé le manque de moyens dont ils disposaient. Magali Clavie le reconnaît mais nuance. "Ce manque de moyens est effectif et réel, notamment la pénurie de juges qui a pu justifier la fermeture momentanée de la chambre qui devait connaître du dossier du suspect mais ce manque de moyens n’explique pas tout. Il n’est pas à mettre en lien avec toute une série d’autres faiblesses qu’on a constatées dans le dossier et qui ont plutôt à voir avec une mauvaise manière de fonctionner."
Le ministre de la Justice Koen Geens a tenu à remercier le Conseil supérieur de la Justice pour son rapport. Il s’est engagé à tenir compte des recommandations spécifiquement adressées à son cabinet et son administration et il a exhorté chaque rouage de l’appareil judiciaire à faire de même, surtout en matière de violence à caractère sexuel. Cela concerne "tant la chaîne de prévention que l’enquête, le jugement et son suivi, le but étant de tendre vers une société plus sûre et soucieuse."