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Judith Kiddo, pop-indé solaire et fantasque

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Parfois, il suffit d’une belle punchline, d’une suite d’accord qui fait mouche ou d’un beat bien placé pour se laisser emporter par la musique d’un artiste et découvrir la richesse de son univers. C’est ce que j’ai ressenti en écoutant “Settle Down”, le tout nouveau single de Judith Kiddo. Avec ce titre à l’intersection parfaite entre synth-pop et rock indé, l’actrice et chanteuse bruxelloise nous livre l’essence même de son projet : un mélange d'influences sans filtre ni barrière, infusé à la fantaisie et au second degré. Rencontre. 

Salut Judith ! Comment tu vas ?

Franchement, là c’est un peu le grand relâchement (rires). J’ai eu beaucoup de choses à faire en même temps pour le groupe ces deux derniers mois. Et là tout ce que j’ai mis en place est enfin prêt. Je suis prête pour le concert aux Nuits Botanique samedi, mon clip est sorti hier, je suis trop contente. 

On a trop hâte de te voir jouer le 07/05 aux Nuits Botanique. Peux-tu m’en dire un peu plus sur ce que tu as préparé ?

On sera trois. Je serai accompagnée de deux musiciens, deux amis que j’adore. Il y a César Laloux à la batterie. Il a aussi une SPD, c’est une machine dans laquelle tu peux mettre des sons de batterie électronique. Dans ma musique, il y a les deux. Puis il y a Clément Marion qui fait un peu le multi-man : il joue tous les instruments (rires). Là, sur scène, il fait du synthé et de la guitare. Il chante aussi, il fait les choeurs. Et il y aura des invités, mais je peux pas en dire plus ! 

Tu mentionnes cette dualité entre beats électroniques et organiques. Est-ce que c’est quelque chose que l’on va retrouver sur l’album à venir, Ready to Heal ? 

Complètement. Il y a des batteries qui ont été enregistrées en studio, et un mélange de trucs Logic Pro. J’aime vraiment bien ça parce qu’il y a le côté pop actuel, plutôt même années 80 mais qui revient beaucoup ces temps-ci avec entre autres, des beats électro. Mais je suis très attachée au côté organique des choses, j’écoute pas mal de musique des années 70. Ça se mélange bien aussi avec les guitares. Je suis attachée à ce mix. 

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Ton single “Settle Down” est sorti il y a quelques jours. C’est un morceau plutôt pop, avec des éléments rock indé. Est-ce que cela représente l’univers musical de l’album ?

Complètement. C’est toujours un univers multi-facettes : pop-indé avec des accents rock qui viennent plutôt des guitares. Je voulais écrire une chanson sur mes angoisses, qui sont tout à fait gérables mais parfois j’ai l’impression d’être dérangée ou déconcentrée par les bruits autour de moi, comme si il y avait toujours une petite sensation d’inconfort. Si on écoute ou si on lit les paroles, c’est ça qui revient. Je l’ai tourné d’une manière un peu surréaliste, ce sont juste des mots balancés comme ça. J’avais aussi envie de faire un truc très rythmique, donc il y a aussi un côté presque rappé. Pour moi, la musique ça a toujours été très instinctif : au départ je suis plutôt actrice que musicienne. J’ai donc découvert la musique en composant mes premières chansons. Même si j’ai toujours chanté et que j’ai toujours rêvé d’être chanteuse – depuis que j’ai six ans je chante à fond – j’ai du mal à expliquer mon processus d’écriture de chanson parce que je le découvre encore moi-même. 

En 2020, tu dévoilais ton EP Petit Chien, produit et arrangé par Lucien Fraipont alias Robbing Millions. Est-ce que cette collaboration est toujours d’actualité ?

Oui, on a continué de travailler ensemble, on s’entend toujours très bien. Il m’a accompagnée aussi sur l’album qui est d’ailleurs presque fini. Ce sont des chansons qu’on a écrites ensemble et j’espère qu’on continuera d’en écrire d’autres. Je vais aussi essayer de m’entourer de nouvelles personnes, j’aimerais bien rencontrer une productrice, et moi-même développer les skills de productrice. Ça reste mes premiers débuts, mais je veux vraiment developper tout ça pour être plus indépendante encore, et rencontrer d’autres personnes tout en continuant de travailler avec Lucien. 

C’est fou parce que tu parles de débuts, mais ton premier EP avait quand même bien marché ! 

C’est vrai, je suis un peu le cul entre deux chaises par rapport à ça. Avant que je sorte quoi que ce soit, j’avais fait quelques concerts qui ont vraiment marché : j’avais fait les Nuits Botanique, c’était mon cinquième concert. D’ailleurs je suis trop contente d’y retourner, je suis attachée à cet endroit par rapport à mes débuts. Donc oui, l’EP c’était un an après les premières dates, et il y avait encore cette étincelle. Et puis il y a eu le covid (rires). 

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À l’époque, tu chantais principalement en français. Avec “Settle Down”, tu passes à l’anglais. Pourquoi ?

Je fais moitié-moitié. Sur Petit Chien c’était déjà le cas, c’est juste que j’ai sorti les chansons qui étaient en français. Mais j’ai toujours écrit dans les deux langues. Et là pour l’album, ça va être la même chose. 

Comment est-ce que tu choisis la langue dans laquelle tu écris ? Est-ce que le français te permet d’être plus honnête, et l’anglais d’expérimenter un nouveau terrain de jeu ?

C’est marrant, j’ai l’impression que c’est plutôt l’inverse. J’essaye d’être honnête anyway (rires), que ce soit vraiment personnel et assez direct même si il y a un côté un peu absurde. Bizarrement, c’est plus facile d’être ultra frontale en anglais, j’ai l’impression que c’est une langue qui est faite pour ça. La façon dont les mots résonnent, il y a aussi certaines phrases qui paraissent clichées mais qui sont toutes faites pour être chantées et pour exprimer des choses universelles, que tout le monde ressent. Et ça, je ne veux pas le quitter. Et puis finalement, j’ai toujours chanté en anglais : quand j’étais petite, je ne chantais quasiment jamais en français. Je chantais toujours les trucs des autres, en anglais. Des trucs anglo-saxons, des trucs américains, ou même Björk ! 

Waw, tu chantais Björk quand tu étais petite ? 

Je chantais Björk quand j’étais petite, oui (rires) ! En fait j’ai une grande sœur qui avait acheté l’album Post, qui est sorti en 1995. Je suis contente, grâce à ma grande soeur j’ai grandi avec des trucs solides qui m’ont beaucoup inspirée. 

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As-tu été inspirée par des artistes en particulier lors de la conception de tes nouvelles chansons ?

Pour cet album spécifiquement, Kate Bush m’a quand même bien inspirée. Dans les trucs plus récents, il y a Caroline Polacheck. Mais en même temps, j’ai l’impression de l’avoir découverte après avoir écrit mes chansons. Parfois, on se rend compte qu’on trouve des liens avec des choses qu’on aime bien. Et on se dit “Ah cool, ce que je fais n’est pas complètement fait au hasard”. 

Ça te conforte aussi dans tes choix artistiques, j’imagine ?

Exactement, je me sens un peu moins seule (rires). 

Ton univers est fantasque, presque ludique. Est-ce que c’est quelque chose qui te représente ?

Oui, c’est ma personnalité. C’est quelque chose qui me tient beaucoup à cœur, j’ai l’impression qu’il faut rester créatif quelle que soit la musique que tu fais. Ce n’est pas facile de créer des choses qui sont nouvelles : on a tendance à dire que tout a déjà été fait, et je pense que ce n’est pas vrai. D’où ce désir de rester proche de soi : c’est la meilleure façon de créer quelque chose d’orignal. La fantaisie, c’est super important pour moi. Parfois, quand j’écoute de la musique, je trouve qu’il manque un univers. Les choses peuvent être très lisses ou conformistes, et ça me rend triste parce que justement, les trucs dans lesquels j’ai évolués, comme Bjork par exemple, c’était des trucs de ouf. Donc ça existe encore, mais j’ai l’impression qu’il faut un peu plus chercher. Voilà pourquoi je reste fidèle à ma propre fantaisie.

Ça te nourrit aussi ?

Ouais, à fond. C’est aussi cool parce qu’en tant qu’actrice je travaille pour les autres et c’est génial, mais là je fais mon truc à moi. C’est super précieux. 

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Comment est-ce que tes deux carrières s’entremêlent ? Est-ce que chaque pôle t’apporte des choses différentes ?

C’est marrant parce que comme tu dis, c’est relativement polarisé. J’ai l’impression que dans le cinéma je fais plutôt des rôles de badass, de fille un peu vénère. Parfois, je me bats (rires). La semaine dernière, j’étais en tournage, je faisais une fille qui se bat contre les vieux gars, les agresseurs. Et je me suis dit “Ah mais c’est trop bien parce que c’est une partie de ma personne qui existe, et que je n’ai plus à mettre dans ma musique parce que malgré moi, elle transparait, on me donne des rôles comme ça”. Du coup, je peux me permettre de faire des trucs un peu plus fun et délirants dans ma musique. Après, j’ai pas envie d’être catégorisée à uniquement ça dans le cinema, mais dans les trois derniers films que j’ai faits, c’était ça. Je me suis dit “très bien” (rires). 

Tu as accès à plusieurs formes d’expression. Cela t’aide peut-être à compartimenter les différentes facettes de la personnalité ?

C’est vrai que ça aide beaucoup, notamment pour toucher plus de gens. On a vite tendance à vouloir mettre les artistes – et particulièrement les femmes – dans une case super définie. Les choses sont très souvent cloisonnées. Dans la musique, je suis beaucoup de choses à la fois, et je l’assume complètement. Dans la partie cinéma, c’est encore autre chose. Et c’est très bien que ça se passe de cette manière-là. Après, je parle de cinéma mais c’est plutôt une formation de théâtre que j’ai, et ça c’est vraiment quelque chose que j’aimerais amener sur scène en plus de la musique. Donc voilà, je ne fais pas du tout de scission entre les deux. C’est en développement. 

En plus de ça, tu réalises aussi tes clips. Celui de “Settle Down” vient de sortir, peux-tu m’en dire un peu plus ?

Oui, je l’ai réalisé avec l’aide de mon ami Zeno Graton. On avait fait notre tout premier clip ensemble pour “Pour Quelques Dollars”, puis on en avait fait un deuxième et la c’est le troisième qu’on fait ensemble. Je voulais vraiment réaliser. J’ai eu l’idée de l’histoire, on l’a imaginée ensemble, puis j’ai imaginé les costumes, etc. J’ai beaucoup travaillé, quoi (rires). Je ne vais pas dire qu’on a un univers commun, mais on a des délires communs. On s’est beaucoup amusés à l’écrire ensemble.

“Délirant” est sans doute le meilleur adjectif pour définir ce clip ! 

C’est ça, c’est du Judith Kiddo. Tu sais, mes initiales ça fait “Just Kidding”. C’est pour rigoler, mais il y a aussi beaucoup de réflexions. Je ne sais pas si c’est mega clair mais le clip il traite des feux de foret, c’est une foret qui prend feu, les animaux s’échappent et c’est le carnage. Du coup l’idée, c’est de traiter un fond qui est chargé, qui est grave avec une forme pop. 

Tu as eu l’occasion de travailler avec des musiciens de différents milieux, dont Clément Marion (Le Colisée, David Numwami) ou encore Lucien Fraipont (Robbing Millions, Aksak Maboul). Qu’est-ce que ça t’a apporté ? 

C’est hyper riche. J’adore. J’ai toujours écouté des trucs extrêmement différents, et j’ai l’impression que j’arrive à trouver mon propre chemin pour réunir un maximum de choses. C’est un peu mon but. Donc oui, ça m’a apporté énormément de richesse, et puis ce sont d’excellents musiciens, on s’amuse trop ! 

Est-ce qu’au niveau de la composition, tu ressens une évolution par rapport à tes débuts ?

À fond, je me lâche un peu plus à la guitare. Avant, j’étais terrifiée de jouer de la guitare sur scène, ça me faisait trop flipper (rires). Maintenant, je me sens plus à l’aise. Et puis au niveau de la composition, je me sens beaucoup plus à l’aise aussi. Je fais des trucs qui sont toujours fidèles au style de l’EP mais un peu plus riches – j’espère –, et plus funky. C’est plus dansant. Je crois que j’ose aussi amener des sujets plus profonds. Le premier EP était très personnel aussi, mais là je creuse plus profond dans tout. J’ai grandi, et puis l’air de rien les deux années qu’on a passées enfermés chez nous, ça nous a apporté beaucoup d’introspection et ça je pense qu’on le retrouve dans pas mal d’albums qui sont sortis. C’est hyper intéressant, c’est le bon côté de ce que nous avons traversé, toutes et tous. 

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