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Journée internationale des droits des femmes : la pub est-elle toujours aussi sexiste ?

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Par Faustine Persoons

Ce mardi c’est la journée internationale des droits des femmes. Et c’est vrai que l’on s’attendait à un nouveau florilège de publicités qui surfent sur la vague marketing de cette journée, en tombant parfois (souvent ?) dans la misogynie primaire. On ne va pas dire que ce genre de publicités a totalement disparu, mais force est de constater qu’il y en a un peu moins que d’habitude.

On s’est demandé si la représentation des femmes dans la pub était toujours aussi archaïque. Et franchement on a été étonnés.

La publicité, elle est partout, tout le temps, à chaque instant. Pas besoin de sortir de chez soi, surfer sur les réseaux sociaux suffit à découvrir la nouvelle gamme de déodorants 96 heures sans odeurs et sans traces jaunes. La pub a souvent représenté un idéal trop parfait, les dents sont trop blanches, l’enfant est trop angélique et les corps sont trop sveltes. Et puis la publicité, c’est aussi beaucoup de femmes représentées de manière sexiste, voire misogyne.

Il y a les cas d’école basiques comme les célèbres publicités Moulinex qui ambitionnaient de décharger les femmes de la cuisine avec leurs appareils électroménagers dans les années 1960.

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On y voit une femme, sourire aux lèvres, balançant son tablier de cuisine avec comme légende "Moulinex libère la femme !", comme s’il n’y avait évidemment aucune question sur le fait que la cuisine était d’office le lieu des femmes.

Plus récemment, en 2019, c’était Bicky Burger qui remportait la palme du sexisme et du bad buzz avec cette affiche représentant une femme giflée par son mari parce qu’elle lui avait amené un "faux Bicky". Dans cet exemple, les annonceurs s’autorisent carrément à rire sur la violence conjugale.

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Rappelons tout de même que cette publicité qui date d’octobre 2019 avait suscité une importante levée de boucliers tant sur les réseaux sociaux que dans les médias. Preuve peut-être que les consommateurs sont plus conscientisés ?

La femme, une cible marketing de choix

Alors les choses ont-elles évolué ?

Selon le Conseil supérieur de l’audiovisuel, les femmes sont sous-représentées de manière générale dans la publicité. En 2017, au sein des communications commerciales en télévision, on dénombrait 47,42% de femmes contre 52,88% d’hommes.

En revanche, pour certains produits, elles sont surreprésentées. C’est le cas des produits de soins de beauté, où l’on retrouve 82% de femmes contre 18% d’hommes. A l’inverse pour les produits informatiques ou de télécommunication on compte 82% d’hommes contre 18% de femmes.

Une des raisons tient au fait que de manière générale, les femmes ont "un rôle au niveau de la consommation qui est extrêmement important. La PRA (principal responsable des achats) est une femme. Une série d’études de marché définit la femme comme la personne principale qui décide et est responsable des achats. C’est pour cette raison qu’elle est fortement mise en avant par les annonceurs", explique Jean-Marc Segati, responsable dans l’agence de publicité Nextage à Bruxelles. Elle reste donc une cible marketing privilégiée pour les publicistes.

Marie-Noëlle Bas, présidente de l’association Chiennes de garde qui lutte contre les violences symboliques sexistes dans l’espace public, abonde dans le même sens : "Elles sont les destinataires, les clientes. Et on les fait donc rêver sur des corps inaccessibles, style poupée Barbie. Alors que nous sommes toutes extrêmement diverses, et cela pose des problèmes d’avoir une représentation soi-disant idéale à longues jambes, blondes et grosse poitrine alors que nous sommes, pour la plupart, petites et qu’on a du mal à se débarrasser de nos kilos en trop".

Vers un mieux ?

Pendant des années, "dans la publicité, les femmes n’avaient que deux visages… Soit les femmes à la maison, donc le côté domestique ou le côté sexuel", ce qu’il y a de moins en moins, souligne Marie-Noëlle Bas.

Elle ajoute, "oui, c’est évident, il y a un mieux. Aujourd’hui, il n’y a plus de corps de femmes nues pour vendre des yaourts, des voitures etc. ce qui n’a rien à voir avec le produit".

Jean-Marc Sagati, actif dans le milieu de la publicité depuis les années 1980, note également cette évolution : "des phrases qui me choquaient, comme "le panier de la ménagère de moins de 50 ans" aujourd’hui on ne les entend plus. On a éradiqué les stéréotypes. Avant, les annonceurs, par conformisme, n’osaient pas se démarquer mais depuis cinq bonnes années c’est plutôt le contraire".

Même sur des publicités sur de la lingerie où l’objectivation du corps des femmes était monnaie courante, "là il y a eu des progrès. Quand Aubade, il y a 20 ans mettait des femmes à quatre pattes avec un regard langoureux en petite culotte et soutien-gorge, il y a aujourd’hui princesse TamTam qui a mis, l’année dernière, quatre jeunes femmes qui sautent en l’air de façon très joyeuse et pas sexualisée du tout", pointe Marie-Noëlle Bas.

Et c’est vrai qu’on a observé, en ce 8 mars moins de publicités clichées que d’habitude. Même si on est encore tenté d’en pointer. La pépite, on l’attribue à la mairie du 13e et 14e arrondissements de Marseille, qui propose cuisine, défilé et talons hauts pour l’occasion… Mais ce genre de bourde ne passe plus en 2022.

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Pas si vite…

D’autant que si les choses ont évolué dans le bon sens, la publicité n’est pas non plus complètement exempte de sexisme.

Malheureusement, même si les femmes ne sont plus exposées comme des trophées ou habillées d’un jupon et dotée d’une cuillère en bois, le sexisme se déplace. Marie-Noëlle Bas précise "aujourd’hui, le sexisme est beaucoup plus ambigü. On use de phrases à double sens, d’un prétendu humour qui se joue au détriment des femmes. L’histoire n’est donc pas terminée."

Comme dans cet exemple, pointé par pépites sexistes où la marque Cabaïa propose dans ces étiquettes d'appeler sa mère dans les indications de nettoyage.

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Le sexisme dans les publicités se fait donc une nouvelle jeunesse en se montrant de façon moins flagrante.

De plus, certaines causes comme le féminisme peuvent être des prétextes marketing. C’est ce qu’on appelle le feminismwashing, l’idée que les annonceurs surfent sur certaines causes pour leur campagne de publicité.

"Le feminismewahsing est uniquement du marketing pour faire vendre. Mais c’est mieux de voir 4 jeunes femmes qui représentent la société plutôt que de voir une femme à quatre pattes, le regard langoureux", ajoute Marie-Noëlle Bas.

Du coup que fait-on ? Pour Marie-Noëlle Bas, la sensibilisation est le maître mot : "sensibilisation, sensibilisation, sensibilisation. Il faut aller dans les agences de pubs, dans les écoles de commerce, dans les écoles de marketing, montrer que le sexisme tue. Le sexisme est le terreau de l’ensemble des inégalités et violences envers les femmes."

Revoir le Izi News sur le purple washing

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