Ce mardi, l’icône des années folles, Joséphine Baker, entrera au Panthéon en France. Ça peut sembler anecdotique mais ce n’est jamais que la sixième femme à y faire son entrée. Et c’est la première femme noire et la première Américaine. L’édifice date de la fin du XVIIIe siècle et Joséphine Baker est décédée il y a maintenant 46 ans. Il en aura fallu du temps. Joséphine Baker c’est mille vies en une : star du music-hall en France qui a fait danser tous les mondains parisiens, résistante de la France libre pendant la seconde guerre mondiale, activiste et militante antiraciste et intersectionnelle, rien ne l’a arrêté.
Et oui, parce qu’on pourrait s’en moquer, mais entrer au Panthéon ce n’est pas rien. D’abord on appelle une "panthéonisation". Mot compliqué pour dire des choses simples, des choses inscrites sur la façade du monument : "aux grands hommes, la patrie reconnaissante". C’est donc dans ce lieu que sont honorés les héros nationaux. Il y en a 80, de Victor Hugo à Emile Zola en passant par Marie Curie ou encore Simone Veil. Des héroïnes, avec Bakker, il n’y en a que six.
En grande majorité, les héros du grand récit national sont des hommes d’Etat, des héros de guerre ou des écrivains. Emmanuel Macron a voulu casser les codes en élargissant le profil des personnes "panthéonisées".
"Artiste de music-hall de renommée mondiale, engagée dans la Résistance, inlassable militante antiraciste, elle fut de tous les combats qui rassemblent les citoyens de bonne volonté, en France comme de par le monde […]. Elle est l’incarnation de l’esprit français", a souligné le chef de l’Etat français.
Mais qui était l’icône Joséphine Baker ?
De la ségrégation aux planches parisiennes
Joséphine Baker est née en 1906 dans le Missouri aux Etats-Unis dans une famille particulièrement pauvre. A l’âge de 13 ans, elle est contrainte d’abandonner l’école pour effectuer des travaux domestiques.
J’ai appris par la douleur et la désillusion que j’étais différentes des autres
A cette période aux Etats-Unis, c’est aussi la ségrégation qui fait la loi. Les mouvements pour les droits civiques n’ont pas encore eu lieu. Le racisme est le socle social et la suprématie blanche une pensée courante.
Dans une interview donnée à l’Invité du dimanche en 1962, elle expliquait : "moi je suis née à Saint-Louis, et à l’époque il y avait un grand problème de racisme, disons les choses comme elles sont ! […] Ce n’est pas normal qu’on ait fait apprendre qu’il y avait une différence entre les hommes à cause de leur couleur de peau. Tout ça c’est faux". Et d’ajouter, "j’ai appris par la douleur et la désillusion que j’étais différente des autres".
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Alors après avoir tenté sa chance à New-York, elle embarque pour la France. Elle a été choisie pour mener un spectacle : "la revue nègre".
Et à son arrivée en France, là, tout change pour Joséphine. Elle quitte un pays ségrégationniste pour un autre qui en fait une vedette. Là elle s’étonne que le fait d’être noire ne l’empêche pas de s’accomplir, elle dit en 1962 : "J’ai appris, à ma grande joie que j’étais enfin comme une autre, qu’il n’y avait pas de différence et que j’étais jugée pour ma propre valeur et pas parce que j’étais noire".
Alors il ne s’agit pas de dire que le racisme en France n’existait pas dans les années 1960 mais la France n’était pas régie par un régime ségrégationniste comme ce fut le cas aux Etats-Unis.
Elle n’a alors que 19 ans en arrivant à Paris. Elle en devient la vedette en acceptant avec réticence d’apparaître seins nus. "Si je veux devenir une star, je dois être scandaleuse", justifie-t-elle.