Ce mardi 30 novembre, Joséphine Baker entre au Panthéon, mausolée situé à Paris et qui a pour vocation de rendre hommage aux hommes et femmes qui ont marqué l’Histoire de France. Entre ici Joséphine, toi, ton œuvre, tes engagements, et tes refrains qui sont éternels…
"J’ai deux amours"
Nous sommes dans l’entre-deux-guerres en plein Paris quand Joséphine Baker interprète la mythique chanson j’ai deux amours, écrite par Géo Koger et Henri Varna sur une musique de Vincent Scotto. Les trois hommes ont composé cette chanson dans la voiture qui les amenait au Casino de Paris, où les trois hommes se rendaient pour rencontrer Joséphine Baker.
La revue intitulée "Paris qui remue" était organisée en parallèle de l’exposition coloniale, célébration en grande pompe de l’empire colonial français qui s’étendait de tout son long en passant par l’Indochine, l’Afrique noire, l’Algérie…
Joséphine s’était fait repérer en interprétant une autre chanson de Vincent Scotto. "La petite tonkinoise", chanson originellement écrite au masculin, à destination des comiques troupiers…
La petite tonkinoise se voulait un air qui mettait joyeusement en scène le fantasme de la femme colonisée qui ne résiste pas au charme de l’uniforme et l’exotisme du beau blanc moustachu…
Joséphine Baker comprend très vite à l’époque la carte qu’elle a à jouer… Celle de la beauté venue d’ailleurs avec la puissance érotique que cela sous-entend, mais aussi la femme reconnaissante du pays qu’elle intègre. Il faut dire qu’elle fuit l’Amérique ségrégationniste de son Missouri natal et d’un monde du spectacle étriqué de New York pour arriver en France.
Elle intègre la revue nègre où elle danse le charleston comme personne, vêtue d’un pagne ceinturé de bananes sorties…
Le spectacle génère le scandale et la fascination… Elle s’intègre au style music-hall parisien en chantant à toutes les sauces l’amour de la capitale.
Et l’image érotique qui revient obsessionnellement, les sous-entendus polissons étant très présents dans la chanson des années 30 et 40…
Une artiste engagée, une femme de tempérament avec ses qualités et ses contradictions
En dehors de la scène c’est une guerrière acharnée, elle a milité toute sa vie pour la liberté et l’égalité. Figure de la Résistance à la deuxième guerre mondiale, espionne, arme de la lutte antiraciste, elle s’est battue aux côtés de Martin Luther King et de la Lica (Ligue internationale contre l’antisémitisme). Elle adopte douze enfants de plusieurs nationalités différentes pour composer sa "tribu arc-en-ciel", avec laquelle elle vivra de sévères galères avant d’être recueillis in extremis à Monaco par la princesse Grace…
Femme à double tranchant, Joséphine est généreuse mais lunatique. Précise et exigeante… Parfois incohérente, on sait aujourd’hui qu’elle était bisexuelle, elle chassera néanmoins son fils Jarry Bouillon Baker, homosexuel, parce qu’il aurait risqué "d’infecter ses frères".
Encore aujourd’hui, elle est sujette à discussion au sein de toutes communautés… Louange et polémiques. Incomprise ou incohérente ?
En mars 1975, Joséphine a 69 ans et remonte sur les planches de Bobino. Dans la salle, la foule ! Au parterre, Alain Delon, Mireille Darc, Dalida, Mick Jager… Le rideau s’ouvre… Et il faudra attendre 40 minutes après le lever de rideau pour que les standing ovations et les applaudissements se calment et qu’elle puisse enfin commencer à chanter.
Un mois de spectacle qui sera stoppé net le 12 avril 1975. Joséphine Baker quelques jours avant son 70e anniversaire.
Brusque, fantastique, paillettes, humaniste, référence, colonisée, perle noire, résistante… Rarement une artiste drainera un tel champ lexical…
"J’ai deux amours" de Géo Koger, Henri Varna, sur une musique de Vincent Scotto, interprété par Joséphine Baker. C’était dans l’air du temps… Ça l’est toujours.
► À lire aussi : Joséphine Baker au Panthéon : de la ceinture de bananes à la Résistance, portrait d’une femme libre
► À écouter aussi : Joséphine Baker : de la ségrégation au Panthéon
Ce mardi 30 novembre, la Trois vous propose le documentaire "Joséphine Baker, première icône noire".