Ensemble pour la planète

Jonas Verhaeghe : l’incroyable aventure d’un écolieu en BD

© Jonas Verhaeghe

En février 2021, Jonas Verhaeghe et sept autres jeunes utopistes se lancent, sur un coup de tête, dans une nouvelle vie à La Chapelle-Montligeon en Normandie. Ensemble, ils achètent une grande maison, couleur ocre, entourée d’un terrain d’un hectare à l’orée des bois et s’aventurent dans une vie en communauté. Tous concernés par les questions écologiques et guidés par l’envie de prendre soin de la terre et du vivant, ils sont parvenus à y construire un laboratoire d’expérimentations vers un modèle plus résilient. Un projet semé d’embûches que Jonas a décidé de relater en BD.

Jonas est un artiste touche-à-tout, fanatique de bandes dessinées. Originaire de Louvain-la-Neuve, en Belgique, il commence assez jeune à se questionner sur l’état de santé de notre planète. Complètement bouleversé par le film "Une vérité qui dérange" sorti en 2006, il prend conscience que les vivants devront faire face à de multiples crises liées au réchauffement climatique. "Je suis alors devenu un adolescent casse-couilles. Je cachais les clés de mes parents pour qu’ils n’utilisent plus la voiture pour aller chercher le pain, par exemple."

© Jonas Verhaeghe

D’un bousculement « théorique » à la pratique

Après avoir obtenu un diplôme universitaire "pour suivre le modèle familial", Jonas s’inscrit dans une école d’art et travaille ensuite en tant qu’infographiste dans différentes entreprises. À l’âge de 27 ans, il mène une vie plutôt classique, rythmée par le boulot en semaine et les sorties le week-end avant de bifurquer. "Ça ne me convenait plus. Je ressentais le besoin de me reconnecter à la nature." Il s’enfuit alors en Haute-Savoie. Un département qu’il connaît plutôt bien puisqu’il y a déjà fait de nombreuses randonnées. Là-bas, il est entraîneur de tennis de table et infographiste à la mairie. "Aller vivre en Haute-Savoie a été transformateur. Ça m’a permis d’être la personne que j’étais réellement à l’intérieur, mais que je ne laissais pas forcément s’exprimer dans mon entourage en Belgique."

Reparti d’une page blanche et déterminé à affirmer ses choix de vie et de consommation, Jonas n’est plus assailli de questions ou commentaires provocants. "J’ai tout de suite pu exprimer, à mes nouveaux amis, que j’étais végétarien et que j’essayais de vivre et consommer de manière respectueuse de l’environnement. J’ai tout de suite été compris et accepté, car je n’avais pas de passif avec eux."

D’années en années, Jonas sent qu’il a besoin d’apporter davantage de sens dans ce qu’il entreprend, de ramener un minimum de beauté dans le monde. "J’ai progressivement diminué mes heures de travail. Durant la crise sanitaire du Covid-19, j’ai finalement tout quitté pour me consacrer pleinement à mes envies artistiques, mais aussi pour créer et m’installer dans un écolieu qui tendait vers l’autonomie." Entre slam, écriture, illustrations et la volonté de vivre une vie en toute sobriété, Jonas veut jongler entre les projets qui le font vibrer.

© Jonas Verhaeghe

Les Quatre Vents, un écolieu en Normandie

Avant de se lancer pleinement dans cette "nouvelle vie" et pour marquer une véritable coupure, Jonas part faire un long voyage à vélo, direction la mer noire. Mais tout s’accélère. "Bloqué dans mon périple à Bratislava à cause de la pandémie mondiale, je déroulais machinalement mon fil d’actualité Facebook dans une chambre d’hôtel. Et là, je suis tombé sur une annonce de "maison autonome" à vendre à La Chapelle-Montligeon. Les propriétaires avaient aménagé de nombreuses choses pour tendre vers cette autosuffisance que je recherchais." Panneaux solaires, cuve de récupération d’eau de pluie, serres pour cultiver, etc. "Ils avaient même acheté une partie de la forêt d’à côté pour pouvoir se chauffer au bois. Jackpot !" Jonas envoie directement l’annonce à deux amis rencontrés quelques mois auparavant sur l’AlterTour. "Ils ont tout de suite été emballés et sont parvenus à motiver deux autres personnes. Trois jours plus tard, ils ont visité le lieu. Après une visioconférence, on s’est décidés à faire une offre !"

Dans la foulée, trois nouvelles personnes intègrent le projet. "On était huit. On ne se connaissait pas vraiment, on ne connaissait pas du tout la région et il nous manquait encore plein d’argent…" Mais les propriétaires, séduits par le projet d’écolieu, acceptent de diminuer le prix de vente. Les huit joyeux lurons se lancent alors dans une campagne de prêt participatif et récoltent 40.000€ supplémentaires. La somme nécessaire pour acquérir la maison, sans passer par les banques. "Les deux mois, entre l’offre et l’installation ont été très intenses ! Il a fallu mettre en place les statuts juridiques et les faire valider par un notaire. Il a fallu définir notre raison d’être, une sorte de charte. Se répartir les sept chambres, etc." Des semaines éprouvantes, mais guidées par une grande excitation.

Expérimenter et tendre vers l'autonomie

Dans leur "raison d’être", les huit nouveaux cohabitants ont établi trois piliers. "Il me semble en tout cas, car c’est parfois remis en question…" Le premier est l’aspect expérimental, le cœur du projet. "On voulait essayer plein de choses. L’important n’était pas forcément le résultat, mais plutôt le processus." Le second pilier est l’autonomie alimentaire et énergétique. "On essayait, le mot essayer est important, de tendre vers cette autonomie. Grâce aux panneaux solaires, aux cuves de récupération d’eau de pluie, au bois pour se chauffer, au potager pour se nourrir." Et enfin, le dernier pilier était la communication, l’envie de montrer un autre modèle, une autre façon de vivre. "On a très rapidement communiqué avec les médias locaux. Et ça a fait effet boule de neige. Une vidéo sur notre écolieu, partagée par Brut, a fait plus de 180.000 vues. On a ensuite accueilli France Télévisions, etc. On ne voulait pas dire que notre modèle était le meilleur. Mais que c’en était un parmi d’autres. On voulait inspirer les gens, pour que chacun se crée son propre modèle de vie et non celui dicté par la société."

Cette volonté de communiquer, Jonas la prolonge à travers sa BD "Les Quatre Vents". "J’y raconte notre histoire avec des anecdotes marrantes et notre vie en communauté. Et puis, j’y ai ajouté beaucoup d’encarts où je donne des outils d’apprentissage concernant le maraîchage, la gouvernance partagée, la communication non violente, les statuts juridiques, etc." Pratique pour se lancer dans la vie en écolieu.

© Jonas Verhaeghe

Financement participatif

Après avoir approché quelques maisons d’édition, en vain, Jonas a pris la voie de l’autoédition. C’est la raison pour laquelle il a récemment lancé un financement participatif pour la publication de sa BD. "Plus qu’un soutien, c’est une précommande. Chaque contributeur aura droit à un livre. C’est tout simplement le meilleur moyen pour ne pas imprimer des centaines de livres qui ne seront jamais écoulés." Il s’occupera lui-même de la distribution dans six grandes villes où il a de nombreux amis. Parmi elles, bien évidemment, figure Bruxelles.

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Nouveau chapitre du côté de Cherbourg

Après un peu plus d’une année de vie en communauté, de rires et de rencontres enrichissantes, la maison des Quatre Vents est aujourd’hui en vente. "Les relations humaines ont pris une place énorme dans ce projet. C’était très intense. On voulait faire plein de choses ensemble, sans doute trop. On n’avait plus suffisamment d’espace pour se retrouver seul et ça pouvait créer des tensions. L’alchimie n’a pas pris comme on l’espérait." Pour autant, aucun des cohabitants ne le voit comme un échec, mais plutôt comme un apprentissage. Le premier pilier de leur raison d’être. "J’en parle plus longuement dans la BD, mais je veux remettre en question la notion de réussite et d’échec. On associe souvent la réussite à la durée, d’une relation de couple par exemple. Et quand les gens se séparent, on l’associe à une crise, un problème. Pour moi, c’est une ouverture, une opportunité de reconstruire quelque chose de neuf."

Tous ont pris des chemins différents, mais restent profondément connectés à la nature et au vivant. Jonas vit désormais proche de Cherbourg-en-Cotentin, avec sa copine, dans un écolieu en création. "Tout en laissant à chacun son espace privé. L’idée est d’installer quatre foyers en habitat léger, autour d’une maison commune." Jonas, en tant que bon Belge, rêve d’y produire ses propres bières artisanales. "Je commence une formation de microbrasseur en septembre. J’aurai suffisamment de place pour installer une petite cuve et lancer la production !"

Ce modèle alternatif est pour lui une nécessité face aux défis futurs, mais aussi une forme de remède. "Cette vie, je ne pourrais plus la quitter. Elle me permet de nouer tant de liens. C’est primordial pour ne pas baisser les bras et déprimer… Ce partage, ces alliés que j’ai rencontrés me permettent de vivre heureux."

Jonas Verhaeghe, slam

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