Cher Jim,
Je ne sais pas toi, mais moi j’adore les histoires des pochettes d’album. Quand elles signifient quelque chose. Et nous avons de la chance, chez les Doors, chaque illustration de disque a une histoire. Le premier album sorti en janvier 1967 s’intitule tout simplement The Doors. Sur la pochette, on pouvait voir un montage photo. La moitié de ton visage en grand à gauche et les 3 musiciens vus de dessus en plus petit à droite. Une mise en avant du chanteur que tu avais très mal prise.
Résultat, concept différent pour la pochette du deuxième album, " Strange Days ", sorti au mois de septembre 1967. Les Doors ne sont plus présents sur la pochette, à part en tout petit sur une affiche. On voit plutôt une bande d’artistes étranges dans une vieille ruelle de New York.
Le groupe est de nouveau visible sur la pochette du 3ème disque " Waiting For The Sun " de juillet 1968. Les quatre musiciens sont alignés sur fond de coucher de soleil dans les collines de Hollywood. Tu es au milieu du groupe mais tu n’es pas du tout mis en avant comme c’était le cas sur le premier disque. Tu es même légèrement en retrait.
Nouvelle photo de groupe pour " The Soft Parade " de juillet 1969. Cette fois-ci, vous êtes tous les 4 derrière un appareil photo qui semble photographier l’acheteur du disque. Mais le groupe est tout petit devant un fond sombre. Et tu n’es pas particulièrement mis en avant sur la pochette. Même si le choix de cette photo n’est pas innocent. Tu y es glabre, mince et sexy. Mais quand l’album sort, même si tu n’as que 25 ans, tu es plus gros, barbu et moins séduisant.
Et puis, il y a la photo du disque " Morrison Hotel " de février 1970. Une photo qui vous montre tous les quatre derrière la vitrine d’un mystérieux " Hôtel Morrison ". C’est un véritable hôtel, plutôt miteux. C’est Ray Manzarek qui l’a découvert par hasard dans le centre de Los Angeles. Dans un quartier plutôt populaire. Au numéro 1246 de South Hope Street. Ray le découvre à la fin de l’année 1969. Au mois de décembre 1969, Ray, le photographe Henry Diltz, un des photographes de Woodstock, et toi allez prendre quelques clichés préparatoires dans le lobby de l’hôtel. Quelques jours plus tard, le photographe y retourne avec vous quatre. Contrairement à ce qui se serait passé aujourd’hui, rien n’est vraiment préparé. Vous entrez dans l’hôtel et vous demandez au concierge si vous pouvez prendre une photo pour un disque de rock. Le concierge dit qu’il faut demander l’autorisation du gérant. Mais comme le gérant n’est pas là, impossible. Pas de photo. Henry Diltz et vous êtes déçus, évidemment. Seule possibilité : sortir de l’hôtel et prendre une photo de la vitre depuis l’extérieur. Vous sortez dans la rue. Mais à ce moment-là, le photographe voit que le concierge de l’hôtel quitte son comptoir et monte dans un ascenseur. Vite ! Ni une, ni deux. Il rentre avec vous dans le hall de l’accueil et prend rapidement quelques clichés au grand angle à l’intérieur pour qu’on puisse voir le sapin de Noël qui orne l’entrée. On est au mois de décembre 1969. Puis Diltz a une autre idée. Il vous demande de prendre la pose juste derrière la vitre de l’hôtel et lui sort du bâtiment, traverse la rue et prend une photo extraordinaire. Celle qui sera choisie pour illustrer l’album " Morrison Hotel ". On vous y voit tous les 4 derrière la vitre où est écrit " Morrison Hotel " juste en dessous de stores jaune sale. Toi, Jim, tu es au milieu de l’image à genoux derrière un panneau indiquant le prix des chambres à 2$50. Manzarek et Densmore sont assis dans des fauteuils de chaque côté. Et Krieger se penche derrière toi et devant le sapin de Noël dont on distingue les guirlandes à l’arrière-plan. Vous regardez Henry Diltz directement à travers la vitre. Sans le moindre sourire, comme toujours chez les Doors. Vous prenez cette photo puis vous vous enfuyez. Les Doors ont leur pochette.
Un peu plus loin, vous découvrez un autre endroit intéressant. Un bar pour vieux ouvriers, le Hard Rock Café. Au numéro 300 de la 5ème rue. Façade rouge sale, double porte en bois, fenêtres presque entièrement occultées, comptoir en zinc, tabourets et vieux clients à casquette aux visages burinés. Vous vous installez au comptoir, vous commandez des bières, vous discutez avec les aînés et Henry Diltz prend des photos à l’intérieur du café, des Doors au comptoir, puis des clichés de la façade. Avec ou sans les Doors. Le dos de l’album " Morrison Hotel " montre une photo de la façade du Hard Rock Café. Et à l’intérieur du disque, on peut voir les Doors au comptoir, et toi tu as une bouteille de bière à la main.
Ces deux lieux véritables, le Morrison Hotel et le Hard Rock Café, vont donner leur nom aux deux faces du disque. La première s’intitule Hard Rock Café, la seconde Morrison Hotel.
C’est ce disque des Doors qui va inspirer les fondateurs d’une célèbre chaîne de bars liés au rock installés dans toutes les grandes villes du monde. Les fameux Hard Rock Café. Le nom vient d’un petit bar pour vieux ouvriers de Los Angeles. Un bar immortalisé par le cinquième album des Doors.