Belgique

Jeudi en Prime : Duel MR-PTB à propos de la gestion des finances wallonnes

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Un face-à-face était au programme de l’émission Jeudi en Prime, sur la Une. D’un côté, le ministre wallon du Budget, le MR Adrien Dolimont et de l’autre, le chef de groupe PTB au Parlement wallon Germain Mugemangango ont discuté de l’état des finances wallonnes et de la politique menée par la Région.

La Wallonie vit-elle au-dessus de ses moyens ?

La Wallonie est-elle au bord de la faillite ? Vit-elle au-dessus de ses moyens ? Fait-elle les bons choix ou reporte-t-elle des décisions inévitables pour sa survie ? C’est le principal thème sur lequel les protagonistes de l’émission Jeudi en Prime se sont affrontés.

"Oui, la situation est préoccupante", reconnaît d’emblée Adrien Dolimont (MR), mais il rassure, "la trajectoire est maîtrisée". Le ministre du Budget rappelle qu’une commission d’experts a été mise en place, la commission externe de la dette, qui a fait des recommandations en matière de gestion des finances publiques.

"On reste dans la trajectoire des experts", estime-t-il. Pour lui, il n’y a pas de nécessité de "viser l’austérité". Il faut plutôt "faire des efforts qui soient réguliers" pour éviter l’austérité à l’avenir.

En face, le chef de groupe PTB au Parlement wallon riposte. "Il y a des choix faits par le gouvernement qui sont des mauvais choix", explique Germain Mugemangango, "par exemple le fait qu’on consacre toute une partie des moyens publics à soutenir des multinationales sans qu’il y ait des résultats pour les Wallons et les Wallonnes".

Le député PTB donne l’exemple d’AGC, "une entreprise qui a capté 60 millions d’euros de subsides régionaux, 100 millions de subsides fédéraux pour finalement fermer AGC Fleurus avec 200 emplois à la clé". Pour le chef de groupe PTB, qui donne aussi les exemples d’Hamon et de GSK, "le gouvernement fait le choix […] de soutenir les multinationales au lieu de soutenir les travailleurs et les indépendants".

Germain Mugemangango épingle au passage l’aide prévue pour la facture énergétique des artisans boulangers venus manifester aux portes du Gouvernement wallon. "Monsieur Borsus, ministre de l’Économie, du même parti, le MR, dit 'sur une facture de 10.000 euros, je vous aide à concurrence de 1000 euros", explique le chef de groupe PTB. "Alors que quand on est une multinationale, on peut avoir 7,5 millions par filiale", ajoute-t-il.

De l’autre côté de la table, le ministre du Budget défend la politique du gouvernement. "Sous-entendre qu’on donne de l’argent aux multinationales pour que les actionnaires se mettent de l’argent en poche, c’est faux", rétorque Adrien Dolimont. "Ce sont des milliers d’emplois, c’est logique qu’on essaye de les soutenir", ajoute-t-il.

"Cela ne fonctionne pas !", répond Germain Mugemangango. "Si vous prenez les trois exemples que j’ai donnés (AGC, Hamon et GSK, ndlr), les entreprises ont détruit 2500 emplois pour avoir capté 265 millions d’euros d’argent public", ajoute le député PTB.

Trop de dépenses publiques en Région wallonne ?

De manière générale, les dépenses publiques en Belgique sont importantes. La Wallonie ne fait pas exception. Grosso modo, 55% du Produit Intérieur Brut, ce sont des dépenses publiques. Dans l’aide économique, l’administration et l’enseignement, par exemple, on dépense plus que la moyenne européenne.

"Il faut que l’argent dépensé soit dépensé de manière efficace", estime le ministre du Budget, Adrien Dolimont. "On n’est plus à un moment où l’argent est gratuit et tombe du ciel". À ceux qui proposeraient, "pour réinvestir, d’engager davantage de personnes au niveau de l’administration", Adrien Dolimont répond qu’il faut plutôt "évaluer les politiques que l’on mène pour être certain que l’argent dépensé, l’argent de monsieur et madame tout le monde soit dépensé à bon escient".

Sur ce, Germain Mugemangango évoque la politique menée par la Région en matière de gestion des routes. "Votre gouvernement a décidé de sucrer 20 millions dans le budget de l’état des routes", explique-t-il. "Ce n’est pas de la bonne gestion puisque maintenant, le Gouvernement wallon va devoir payer trois millions d’euros de dédommagement aux personnes qui ont eu des problèmes avec leur voiture sur les autoroutes", ajoute-t-il.

Le ministre MR et le député PTB sont aussi en désaccord sur la décision de regrouper différents organismes publics d’investissement wallons, la Sogepa, Sowalfin et la SRIW. "Un bel exemple de rationalisation", pour Adrien Dolimont. "Sans aucune transparence", estime Germain Mugemangango.

Et le Plan de relance wallon ?

Que reste-t-il du Plan de relance wallon ? La crise du Covid, les conséquences de la guerre en Ukraine, notamment, ont contraint le Gouvernement à le redéfinir et à faire des choix. Une priorité a été accordée à des projets pour un montant de 2,5 milliards d’euros. Mais en a-t-on encore les moyens ?

"Cela fait partie de la trajectoire et investir, on doit investir", répond le ministre Dolimont. "Les choix doivent être faits pour rester dans la trajectoire et c’est ce qu’on a déjà fait au niveau des projets menés", ajoute-t-il. "Ce qu’on doit voir, c’est l’investissement, est-ce qu’il va apporter quelque chose à la Wallonie ?", poursuit le ministre. "Il y a 1,4 milliard d’euros qui est mis au Plan de relance pour le budget de cette année", précise Adrien Dolimont.

Que pense l’opposition PTB des choix faits par le Gouvernement ? Un choix étonne le chef de groupe PTB, celui fait par le Gouvernement wallon dans le dossier des inondations de juillet 2021. "Le gouvernement s’est endetté de deux milliards d’euros de plus en payant à la place des assurances les indemnisations pour les personnes qui sont sinistrées", critique Germain Mugemangango.

"Il y a un cadre légal", répond le ministre Dolimont. "Il faut arrêter de faire croire qu’on peut faire tout et n’importe quoi, le grand capital qui est vraiment méchant, la lutte des classes, il faut arrêter", rétorque le ministre du Budget.

Pas de nouvelles taxes, assure le ministre du Budget

On le voit, la Région wallonne tente de maîtriser ses dépenses. Doit-elle chercher de nouvelles recettes, sous forme de taxes, par exemple ?

"Non, je pense qu’on a assez de place disponible dans les dépenses publiques. On doit d’abord regarder à ça", répond le ministre Dolimont. "Pas de nouvelles taxes", ajoute-t-il. "Vous vous rendez compte de la pression fiscale qui existe déjà aujourd’hui et vous souhaitez que pour équilibrer le budget wallon, on puisse lever de nouvelles taxes, non !", poursuit le ministre du Budget.

Pour ce dernier, même si un déficit budgétaire est prévu pour 2023, même si à l’horizon 2030, la dette wallonne sera, selon les estimations, de 50 milliards d’euros, la trajectoire budgétaire fixée est respectée. Le ratio dette/recettes est même meilleur que ce que les experts avaient recommandé. Quant à la dette, "on a un stock de dette de 94% en taux fixe", rassure le ministre. Reste, dit-il, à "analyser et remettre en question chaque dépense et voir si elle répond à l’objectif de base".

En face, du côté du PTB, on regrette les choix faits "par les partis traditionnels", lors de la dernière réforme de l’État. "On est face à des compétences qui ont été transmises à la Région wallonne, comme les allocations familiales, sans les moyens nécessaires pour assurer le suivi de ces compétences", explique Germain Mugemangango. Il épingle aussi, au passage, la concurrence fiscale entre régions, par exemple avec des taxes automobiles différentes.

Quant aux économies à faire, le député PTB s’en prend aux privilèges des parlementaires et des ministres, un point qui n’a pas encore été tranché au Parlement wallon, après l’affaire du greffier. Il s’en prend aussi aux aides économiques.

"L’Iweps, l’Institut wallon des statistiques dit qu’au bout de vingt ans, on ne sait pas démontrer qu’il y a une plus-value en termes d''emploi avec cette politique économique là", déclare Germain Mugemangango.

"Sur les vingt dernières années, il faut une évaluation des politiques menées et force est de constater que ça n’a pas vraiment marché au vu des statistiques qui ont été données", répond le ministre Dolimont. "Il faut avoir cette culture de l’évaluation. Tant qu’on ne l’aura pas en Wallonie, on n’avancera pas", ajoute le ministre du Budget.

Pour se redresser, la Wallonie doit miser "sur notre matière première, la matière grise. Il faut travailler et se démarquer par rapport à ça au niveau international. Il y a des entreprises qui y arrivent", conclut Adrien Dolimont.

"On a des travailleurs et travailleuses en Wallonie d’une très grande compétence", répond pour le PTB, Germain Mugemangango. "Il faut leur donner la possibilité de s’exprimer sur le plan économique, social et écologique en investissant dans des emplois durables, contrôlés par la collectivité et qui sont publics", conclut-il.

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