Jean Seyll crée des vêtements sans créer de problème avec Lucid

© Lucid

Par Titouan Marichal via

Jean Seyll est un jeune entrepreneur belge qui veut casser les codes de l’industrie textile en proposant une alternative durable, locale et honnête. Sa toute nouvelle marque, Lucid, propose des vêtements confectionnés en Belgique à partir de matières 100% recyclées. Un projet qui part d’un ras-le-bol de soutenir une industrie destructrice alors qu’il est possible de créer des alternatives convaincantes.

Originaire du sud de la Belgique, proche de Neufchâteau, Jean Seyll a grandi au contact de la nature. Sensibilisé à la cause environnementale assez jeune, il ne dispose pourtant pas de toutes les connaissances nécessaires pour changer ses habitudes de consommation, profondément ancrées dans notre société. "Je ne faisais pas forcément attention à ma consommation de viande, à réduire mes déplacements en avion ou encore à mes achats vestimentaires, etc. Car je n’étais pas suffisamment éduqué aux problématiques environnementales et sociales qui y étaient liées. Pour moi, les gens responsables de la déforestation en Amazonie étaient ceux qui abattaient les arbres, point. Je n'avais pas conscience qu’ils répondaient aux besoins que je créais."

En 2016, lors de la rédaction de son mémoire pour valider son master d'ingénieur de gestion à l’UCL, Jean découvre le concept l’économie circulaire. "J’ai découvert des tonnes de projets ayant un impact positif sur notre planète. Par exemple, des bières faites à partir de pains invendus de supermarchés. Ce qui était considéré comme un déchet, en étant transformé, était revalorisé. Je trouvais ça incroyable !" Il en est convaincu, il peut lui aussi, à son échelle, faire bouger les lignes. "À partir de ce moment-là, j’ai voulu activement participer à la transition vers une société plus juste et durable."

© Jean Seyll - Lucid

Pour avoir toutes les cartes en main, Jean entreprend un master complémentaire en gestion du développement durable, à l’ESCP. "Ce master était une étape supplémentaire dans ma volonté de transition. Tout ce que j’apprenais avait un impact direct sur ma façon de consommer. Je suis devenu vegan. J’essaye de limiter au maximum mes déplacements en avion. J’ai commencé à chiner mes vêtements, etc." Rapidement, il découvre un nouveau monde qui, selon lui, comprend aussi certaines limites. "Je n’arrivais pas toujours à trouver mon bonheur dans les magasins de seconde main. Par exemple, dénicher un bon pantalon est un parcours du combattant, il faut parfois y consacrer plusieurs jours. Pour les gens qui veulent faire un effort, ce genre d’obstacle est parfois démotivant." Dans ces conditions, certaine personnes peuvent alors être tentées de retourner vers l’industrie textile plus " classique ". Une industrie qui émet plus de CO2 que l’aviation et le transport maritime combinés, selon un rapport de la fondation Ellen MacArthur. Une industrie qui utilise 4% de l'eau potable disponible dans le monde, selon le même rapport. Une industrie qui vend plus de 100 milliards de vêtements chaque année, dont une majorité finit dans des incinérateurs ou dans des décharges (Greenpeace). Ce qui pollue l’air et les sols et qui représente un énorme gâchis de matières premières. Une industrie largement délocalisée. Et la liste est encore longue…

Naissance de Lucid

"C’est lors d’une période sombre de la vie estudiantine, la rédaction de mon mémoire, que débute l’histoire de Lucid. J’y ai travaillé deux années complètes. J’ai appliqué tout ce que j’avais appris de l’économie circulaire à l’industrie textile. En analysant la littérature scientifique et en côtoyant les spécialistes du recyclage textile, je me suis construit une réelle expertise." Voulant passer de la théorie à la pratique, Jean se lance ensuite le défi de créer des vêtements 100% recyclés, en collaboration avec les acteurs les plus locaux possible. Lucid est né, avec la volonté d’inspirer positivement et ainsi participer à la transition environnementale et sociale.

Impact environnemental et social vertueux

Lucid propose des vêtements entièrement produits à partir de matières 100% recyclées. L’objectif est double : réduire le volume de ressources que l’on extrait aux réserves de la planète et redonner une valeur à ce qui est trop souvent considéré comme un déchet.

"Notre partenaire, Belda Llorens situé en Espagne, récupère les chutes de coton et les réduit en fibres courtes en gardant la couleur initiale. Ces fibres sont ensuite mélangées à des fibres de polyester recyclé issu de bouteilles plastiques usagées pour donner un fil assez résistant." Ce fil est ensuite transporté vers le nord de la France, dans l’entreprise familiale Malterre. Là-bas, il est tricoté en textile utilisable pour des vêtements. La confection, elle, se fait en Belgique à Philippeville, dans un atelier de travail adapté du C.A.R.P. "Ça nous permet de garantir de bonnes conditions de travail et de soutenir un partenaire qui œuvre pour bâtir une société durable et inclusive puisqu’il emploie des personnes fragilisées par le handicap." Enfin, les vêtements sont brodés à Namur, chez Quatrième dimension. Toujours plus local.

Vous l’aurez compris, la marque belge met un point d’honneur à la traçabilité de ses vêtements mais aussi à la transparence de sa solution. "Elle n’est pas parfaite, car toute activité humaine a un impact sur l’environnement. Mais ici, il est étudié, mesuré et minimisé."

© Lucid

Pas parfait, mais Lucid y travaille

La meilleure solution pour réduire notre impact est évidemment de ne pas consommer ou de porter ce qui est déjà disponible sur le marché. Lucid se positionne plutôt comme une alternative pour mieux consommer, et assume pleinement les limites de son projet. "Actuellement, nos vêtements sont, par exemple, composés de 45% de coton recyclé et de 55% de polyester recyclé. Ça nous permet d’avoir des fils assez résistants et de prolonger la durée de vie du vêtement. Mais qui dit polyester dit microplastiques qui s’échapperont au lavage et finiront dans les océans." Ce choix est cependant entièrement assumé car cette problématique n’est pas incurable. "Il existe des sacs de lavage, comme les guppyfriend, qui retiennent jusqu’à 90% des microplastiques." Après quelques lavages, le plastique est visible dans le sac, peut être récupéré et jeté à la poubelle. De plus, afin de lutter contre la pollution des microplastiques, qui représente environ 25% des 10 tonnes de plastique déversées chaque année en mer, la France a récemment introduit l’obligation d’équiper les machines à laver neuves d’un filtre à microfibres plastique dès 2025. Une loi qui pourrait, à l’avenir, devenir européenne.

Ambitions futures

Lucid est en constante recherche de la manière la plus écologique de produire des vêtements. Pour l’instant, c’est donc le recyclage qui les a convaincus, mais la jeune marque nourrit de belles ambitions. "Comme mettre en place des collections à partir de stock dormant ou encore utiliser des matières premières toujours plus locales, comme le chanvre une matière aux multiples vertus environnementales, etc." 

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