Jupiler Pro League

Jean-Sébastien Legros (Seraing) sur le Gril : "En quelques mois, j’ai pris dix ans dans la tronche…"

Sur le Gril

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Par Erik Libois
Jean-Sébastien Legros (coach Seraing) en mode selfie
Jean-Sébastien Legros (coach Seraing) en mode selfie © Tous droits réservés

Il y a Tom Cruise, il y a Jean-Sébastien Legros. Catapulté à l’automne comme T1 de Seraing pour une nouvelle " Mission Impossible ", il lutte avec les armes du bord avant un maintien sans doute inévitable. Il évoque Koki Machida, le VAR, Felice Mazzù, le foot amateur, Pep Guardiola, le mauvais matériel, Toby Alderweireld, les critiques de la presse et Christophe Lepoint. Mais aussi les cierges de Banneux, Hein Vanhaezebrouck, les restos avec José Jeunechamps, Anthony Moris, la gestion du stress, Jean-Sébastien Bach, les petits contrats, Ferran Jutglà et le choc psychologique. Et bien sûr…. le duel au sommet Dison-Rochefort. Jean-Sébastien Legros (Seraing) passe " Sur Le Gril ".

Banneux ? Oui j’y habite… mais si c’est votre question, je ne vais pas brûler des cierges à Notre-Dame. Je suis croyant, oui… mais en la bonté de l’Homme. (sic) Pas en Dieu. " Le sourire acide, l’humeur philosophe, Jean-Sébastien Legros nous accueille dans un Pairay désert. La neige pointe à l’horizon, mais la grisaille règne sur les lieux depuis belle lurette.

On est dans le dur, je ne vais pas le nier… " commence l’entraîneur de Seraing en relisant le classement de D1A : les Métallos naviguent en queue de peloton, à 7 points du premier sauvé et à 6 matches de la fin… " Mais moi, je viens chaque matin avec le sourire : je mesure la chance que j’ai de travailler en Pro-League, surtout compte tenu de la vitesse que ma carrière a prise. J’ai arrêté comme joueur il y a trois ans… et me voici entraîneur en D1A ! Je sais d’où je viens et je sais la chance que j’ai d’être là (sic). Je le répète chaque jour à mes joueurs : ‘votre passion vous paie, la Belgique est une belle vitrine pour vous, allez jusqu’au bout et à fond, car c’est votre intérêt aussi de vous mettre en évidence !’ Mais c’est vrai que je viens du foot amateur, avec des gens qui bossaient en journée… Le footballeur professionnel est, disons, un cas à part. " (sic)

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" En foot, le groupe doit toujours être devant l’individu "

À 42 ans, Jean-Sébastien Legros a derrière lui une carrière de médian dans les divisions inférieures (Visé, Eupen, La Calamine, FC Liège). Avant d’embrasser la fonction de coach à… Dison (D2 amateurs), avec qui il a fêté deux promotions successives.

" C’est très particulier pour moi car jusqu’ici, je n’avais connu que le succès… même si c’était au niveau amateur ! Mais la défaite est aussi un apprentissage : je suis convaincu que quoi qu’il arrive, je sortirai grandi de cette saison. Cette année va me rendre plus humble, plus sage, plus philosophe (sic) : elle ne me brisera pas, au contraire elle me renforcera. Car c’est de la galère qu’on ressort plus fort ! (sic) Même si ça creuse : ma femme me l’a encore dit l’autre jour, en quelques mois j’ai pris dix ans dans la tronche ! (sic) Mon management est basé sur la proximité et le dialogue. Je suis à l’écoute, je suis direct… mais je peux aussi être très franc : je déteste les faux-semblants. S’il le faut, je peux recadrer un joueur devant le groupe… avec parfois des mots parfois très crus. Mais casser pour casser, non : ça n’a pas de sens. En revanche, je déteste l’égoïsme et les gens qui jouent leur carte personnelle : le groupe est toujours devant l’individu. "

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" On ne sait pas tuer les matches… "

Embrigadé dans le projet sérésien en début de saison, comme T2 de José Jeunechamps, Legros s’est retrouvé aux manettes fin octobre après le licenciement de son mentor. " Je ne m’y attendais pas du tout : on nous a téléphoné alors que nous étions tous au restaurant avec nos épouses… et je pensais que j’allais sauter avec José ! J’ai réfléchi quelques heures, j’ai consulté José… puis je me suis lancé. Je ne le regrette pas ! "

Mais sans grande réussite : JSL a pris 11 points en 16 matches (0,7 point/match) alors que son prédécesseur tournait à 14 unités en 15 sorties (0,9).

Le classement ne ment pas : on a 19 points et on est derniers… On est à deux doigts de basculer, c’est une évidence… (Il marque une pause) Mais je constate que, lors de nombreux matches, tout s’est joué sur des détails : hormis à Charleroi et contre Genk, on a toujours joué avec, on était dans la bagarre ! (sic) L’organisation est en place, le jeu est correct, les appels sont bons, mais dans les 20 derniers mètres, il nous manque cette dose d’expérience et de réalisme… que nos concurrents ont ! Nos attaquants ne tuent pas les matches… Si on a le niveau de la D1A ? (Il réfléchit) Peut-être pas comme équipe… mais je sais que plusieurs de mes joueurs auraient leur place dans n’importe quel autre club de la série. C’est pour eux aussi que je veux me battre, pour leur assurer un avenir ! On luttera jusqu’au bout : on doit le faire pour nous, notre image, celle de notre club et notre ville. Si on descend, des gens vont perdre leur emploi et le club aura des soucis financiers… "

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" Je sais d’où je viens, je ne me lamenterai jamais "

Le vilain canard de l’élite, un club qui n’a pas sa place en D1A… " : les mots de l’opinion, des autres clubs et de la presse sont durs avec le club du Pairay. Un peu comme pour Mouscron par le passé.

Que notre stade n’est pas sexy, qu’on n’a pas de supporters, que notre terrain est mauvais : je peux tout entendre… mais je réclame un minimum de respect. On n’a volé à personne notre place en D1A ! Et quand je vois l’une ou l’autre décision, notamment d’arbitrage, j’ai l’impression qu’on dérange… Le climat que l’on véhicule autour de notre club est trop négatif… Mais attention : si on descend, vous ne m’entendrez jamais dire que c’est à cause de ça ! Alors oui, je ne bosse pas dans les conditions optimales, mon matériel n’est pas le meilleur, et ainsi de suite… Et alors ? Je viens du foot d’en bas et je n’ai pas à me plaindre car j’ai connu plus difficile encore, des clubs où je devais m’occuper de tout. Se lamenter ne sert à rien et brûle inutilement de l’énergie. La différence avec le monde professionnel, ce sont les médias qui mettent une pression extérieure, ce sont les influences extérieures et les jeux d’agents. Je ne suis pas naïf, je connais la chanson… Si on descend, mon contrat prend fin et si je dois retourner à ma vie d’avant (NDLA : il est prof d’éducation physique), je le ferai sans problème : il n’y a pas de sot métier… (sic) Mais maintenant que j’y ai goûté, j’aimerais rester dans le foot pro, je ne le nie pas : je ne m’y sens pas comme un intrus (sic). Même si je sais que les places sont chères… "

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" Un de mes joueurs m’a dit que j’avais le style Mazzù… "

Au milieu des Mark Van Bommel, Karel Geraerts, Wouter Vrancken et Felice Mazzù, Jean (" Je préfère qu’on dise ‘Jean’que ‘Jean-Sébastien’ : c’est le prénom choisi par ma Maman… mais je ne sais pas si c’est à cause de Jean-Sébastien Bach, moi la musique classique n’est pas mon truc ! " s’esclaffe-t-il…) vit son apprentissage en mode express. L’année passée, il coachait encore Dison en D3 amateurs…

C’est ma grande fierté : avoir gagné le duel contre Rochefort qu’on présentait comme l’ogre de la série ! (clin d’œil) Au milieu des autres coaches de D1A, j’ouvre les yeux, j’écoute et j’engrange. Mais je ne suis pas le genre à aller chercher le contact ou à poser des questions : je suis un peu dans ma bulle. Même si j’ai bu une chope avec Felice Mazzù après un match, et on a bien connecté. Il est enseignant comme moi, il vient aussi du foot amateur et je dis chapeau pour son parcours. À Dison, un de mes joueurs, Axel Leers, qui s’était entraîné avec le noyau A carolo du temps de Mazzù, m’a dit que j’avais une approche humaine assez semblable à celle de Felice. Quel compliment pour moi ! En Allemagne, on n’a pas peur de nommer des personnes qui n’ont pas un grand nom comme joueur : en Belgique, les dirigeants ont moins cette culture et cette vision… Mais je salue mes patrons qui ont osé me faire confiance. Même si c’était peut-être un choix financier… " (Il éclate de rire)

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LES PETITS PAPIERS

Le moment venu des petits papiers : parmi une quinzaine de papiers mystères, il en choisit 5 au hasard. Et commente.

PAPIER 1 : PEP GUARDIOLA (sourire banane) " J’ai grandi footballistiquement avec cet entraîneur-là, c’est impossible de ne pas être marqué par ce que Pep Guardiola réussit. J’adore son football et son style, beaucoup plus que celui de José Mourinho. Guardiola ferait sûrement mieux que moi à Seraing avec les mêmes joueurs (clin d’œil). En tout cas, moi je ne ferais sûrement pas aussi bien que lui à Manchester City, même avec les joueurs dont il dispose… (sourire) Attention : je fais de mon mieux ici, mais je veux dire qu’il y a toujours plus compétent que soi. On me dit souvent que je me vends mal, mais j’essaie surtout de rester humble. Le métier de coach est très intense, c’est un boulot qui bouffe. On est constamment dans la réflexion, et c’est très difficile de déconnecter. Quand j’étais joueur, je prenais mon sac et une fois l’entraînement fini, j’avais ma vie. Coach, vous n’arrêtez jamais ! Quand vous gagnez, vous profitez un instant… puis vous vous lancez dans le prochain match. Quand vous perdez, vous remettez tout en question. Comme entraîneur, les plaisirs sont intenses… mais très éphémères. Et si à la fin, vous êtes virés, vous savez que c’est la règle du jeu. À tout moment, je peux recevoir un coup de fil où on me dit : ‘tu es gentil, mais on va essayer autrement…’ C’est comme ça, je le sais. "

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" Je ne me reconnais pas dans les pompiers de service "

PAPIER 2 : TOBY ALDERWEIRELD. Je pense qu’il est blessé pour notre match de samedi, non ? (clin d’œil) Toby Alderweireld arrête l’équipe nationale, et je pense qu’il faut respecter son choix car il a justement cette honnêteté de dire que c’est pour lui le moment de passer à autre chose. Sans doute qu’il sent qu’il n’a plus les ressources pour tirer l’équipe vers le haut. Mais je ne peux que saluer sa grande carrière… même si le nouveau Sélectionneur va devoir gérer cette transition avec les anciens qui partent : les changements trop abrupts ne sont jamais bons… J’ai toujours apprécié Alderweireld car c’est une force tranquille, un garçon qui dégage de l’assurance et de belles valeurs. C’est un vrai joueur d’équipe qui doit être un fameux pilier pour son coach. En plus de tout cela, c’est un super joueur de foot… Avoir un profil pareil au quotidien, ça doit être le pied ! Pour moi, il peut signer chez nous… et pour 4 ans, malgré son âge ! (clin d’œil) Qui je prendrais encore à Seraing si je pouvais choisir 3 joueurs de Pro-League ? Les Unionistes Anthony Moris et Koki Machida et le Brugeois Ferran Jutglà ! Celui-là, il sait jouer dos au but et en profondeur, c’est un profil très dynamique qui sait combiner, répéter les efforts… et surtout la mettre au fond ! J’aurais pu aussi prendre Lyle Foster… mais il a quitté Westerlo pour Burnley. (clin d’œil) Mais avec ces trois-là dans mon équipe, je pense qu’on est encore en D1A la saison prochaine… (grimace) Le premier nom que je couche dans mon onze de base à Seraing ? Christophe Lepoint, que ce soit derrière ou au milieu… même si je le préfère dans l’entrejeu. C’est mon bras droit dans l’équipe ! "

PAPIER 3 : CHOC PSYCHOLOGIQUE. (Il réfléchit) " A court terme ça peut marcher, mais sur la durée je ne crois pas trop au choc psychologique lié à un changement d’entraîneur… D’ailleurs, si j’ai appris une chose cette année, c’est que je me vois plus comme un coach qui construit que comme un pompier de service. Même si je sais qu’en disant ça, je ne me vends pas… (clin d’œil) Pour mettre en place un projet, il faut du temps. Et c’est le souci dans le foot et dans le monde actuel en général : ça consomme, on prend, on jette… puis on se rend compte qu’on n’a pas avancé. Moi, comme joueur déjà, je fonctionnais ainsi : quel que soit l’entraîneur, même si je ne partageais pas d’affinités avec lui, je me donnais toujours à fond en mettant le collectif avant ma petite personne. Je n’ai jamais joué en retenue… "

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" L’arbitrage ? Vanhaezebrouck ou Legros, ce n’est pas la même caisse de résonance… "

PAPIER 4 : LUCIEN D’ONOFRIO (sourire). " Je connais, bien sûr, mais sans plus : je lui ai serré deux fois la main dans ma vie… Son neveu, je connais mieux, puisque Francesco, le fils de Dominique D’Onofrio, fait partie de mon staff. Mais Lucien, non. Alors voilà, je sais bien qu’on parle toujours de l’ombre de Luciano D’Onofrio ici à Seraing… Dans un monde idéal, le coach est au centre du projet car il est le vrai connaisseur sportif. Je ne suis pas naïf et je ne fais pas l’autruche : il y a toujours des joueurs qu’il faut mettre en vitrine ou valoriser car ils représentent un capital pour le club. Des joueurs en prêt ou en fin de contrat sont moins intéressants, forcément… Mais je n’ai jamais subi de pression interne dans ce domaine. "

PAPIER 5 : ARBITRAGE (sourire) " On a eu quelques soucis avec le VAR, contre l’Union, contre le Cercle, contre Courtrai, mais vous ne m’entendrez jamais dire que si on descend, c’est à cause de l’arbitrage… (Il marque un silence) D’ailleurs contre le Standard, on était les premiers étonnés que Christophe Lepoint ne soit pas exclu… Mais disons que la fameuse zone grise nous a souvent été défavorable et qu’avec 3 ou 4 points de plus, on serait encore en lutte pour le maintien. Après, c’est vrai que l’arbitrage fait souvent débat… et quand c’est Hein Vanhaezebrouck qui allume la mèche, toute la Belgique sort du bois. Quand c’est Jean-Sébastien Legros, ce n’est pas la même chose… (Il grimace) Mais, c’est logique, c’est le jeu de l’intox et des influences : Seraing est le petit Poucet, on n’a pas la même caisse de résonance… Je ne demande aucun cadeau, je demande juste qu’on nous traite comme les autres… "

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" On peut inquiéter tout le monde "

Le décompte est lancé, le glas est en approche. Avec l’Antwerp dès ce samedi, Seraing va affronter un calendrier final démentiel : tous les premiers classés, à l’exception du Standard et de Genk !

Je prends ce programme comme un beau challenge : ce sont de beaux matches à jouer, pour les joueurs et pour moi. On doit aller de l’avant, même si on sait que la tâche sera très compliquée. On doit sortir de ces matches sans regrets, avec la conviction d’avoir tout donné, quitte à perdre face à plus fort que nous. Mais je sais qu’on est aussi capables d’inquiéter les meilleures équipes : on l’a prouvé dans d’autres rencontres. Je n’ai pas peur et je ne ressens aucun stress chez mes joueurs. Du moins pas du stress négatif… Et heureusement qu’on a du stress positif… sinon on va prendre la déconfiture ! (sic) Mais on n’est pas crispés. On va jouer à fond, et on verra. Sans regrets. "

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