Le ministre wallon du Budget et des Finances, le MR Jean-Luc Crucke, était l’invité de Matin Première. Au micro de Thomas Gadisseux, il a évoqué les perspectives pour le redressement économique de la Wallonie, à l’heure où la région dispose de 20% de finances en moins et que la dette wallonne avoisine les 26 milliards, selon l’agence de notation Moody’s.
"La dette wallonne directe s’élève à 14 milliards. Les 26 milliards comprennent les garanties qu’on donne à des organismes externes", recadre le ministre. "Nous sommes donc face à une contradiction : alors que le volume de la dette augmente, la charge de celle-ci, que l’on supporte annuellement, est maîtrisée. Le but est de nous prémunir par rapport à demain au cas où les taux d’intérêt devaient monter ou si jamais l’inflation devait intervenir".
D’ailleurs, pour favoriser la maîtrise du budget wallon, Jean-Luc Crucke a annoncé ce mardi la mise en place d’une commission externe de la dette et des finances publiques : les experts devraient guider la Région dans la maîtrise du budget en vue de la fin de la solidarité entre la Flandre et la Wallonie, d’une éventuelle réforme de l’état et de l’après-covid.
Alors que la commission devra dicter le chemin à suivre, le gouvernement reste toutefois décidé à ne pas faire peser les conséquences du coronavirus sur le citoyen. "Il est clair que la dette a un coût et qu’il faut la rembourser. Nous devons toutefois étudier la vitesse à laquelle on peut la rembourser. Il s’agit de voir de quelle manière peut-on gouverner et gérer cela. C’est exactement ce qu’on fait avec les experts", explique le ministre. "Nous devons rester sérieux. Nous avons été extrêmement solidaires vis-à-vis des citoyens et des entreprises durant le covid. Ensuite, il va falloir faire des choix en termes de sélectivité et aussi par rapport aux urgences, comme la lutte contre le réchauffement climatique ".
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En effet, ce sont 20% des finances qui manqueront en Wallonie, ce qui risque d’obliger à renoncer à des projets. "Nous devrons faire des choix et nous en avons déjà fait. En 2020, par exemple, à deux reprises, plutôt qu’aller chercher l’argent sur les marchés, on a opté pour des choix internes et reporté certains investissements. Mais à ce stade, il faut surtout favoriser la croissance pour qu’à l’avenir il ne faille pas aller chercher de l’impôt supplémentaire dans la poche du citoyen".
Pour la relance, le secteur aérien reste important
Ministre des Finances et du Budget, Jean-Luc Crucke a également en charge les aéroports wallons. C’est d’ailleurs sur ce secteur que l’on misait pour la relance économique de la Wallonie. Une relance qui paraît quelque peu en danger, au vu du ralentissement du trafic aérien.
"Reconnaissons que les deux aéroports wallons ont des configurations différentes. Liège est en boom et possède un créneau qui permet de voir l’avenir avec sérénité. Charleroi, lui, a besoin de clients passagers. Il souffre pour l’instant mais il pourra repartir le plus rapidement possible parce qu’il a du low cost", explique le ministre, tout en rappelant la nécessité de revoir le modèle "pour que les gens puissent continuer à fréquenter l’aéroport" et pour joindre le "mariage entre le rail et l’aérien", favorisant les connexions entre les gares et les aéroports de Wallonie.
Pour Jean-Luc Crucke, il s’agit d’un véritable repositionnement qui touche à l’ensemble de l’aéropôle carolo. "C’est l’une des merveilles de la Belgique et non seulement de la Wallonie", abonde le ministre. "Quand les entreprises s’y installent, elles le font dans l’optique de l’avenir. On a un point d’attractivité et il faut qu’on soit plus souple en termes d’accueil."
Eviter la troisième vague est toujours la priorité
Pour l’instant, toutefois, pour le ministre, il faudra continuer de remettre la vie économique wallonne sous cloche "tant qu’il le faudra". "La pire des choses serait une troisième vague, que nous ne pourrions pas supporter. Tout ce qui est fait aujourd’hui vise à l’éviter et c’est la priorité", rappelle-t-il. "Entre-temps, les mesures prises à l’échelle du pays et de la Wallonie permettent à la majorité des professions de poursuivre. Contrairement à l’effet yo-yo dans les pays voisins, cela permet de garder un certain tissu et un espoir", même s’il reconnaît que "ce n’est pas optimal".
Jean-Luc Crucke ne donne alors aucune perspective, notamment en termes de dates "de reprise". "Il y a une volonté avec l’ensemble du gouvernement de passer à travers la crise et je vois le vaccin comme le bout du tunnel".
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A ce propos, il a également commenté la sortie du ministre Clarinval, qui a demandé des perspectives pour la réouverture des métiers de contact. "David Clarinval a voulu rappeler la situation des régions frontalières, où d’une part de la frontière les magasins sont ouverts et de l’autre ils sont fermés. Il a voulu rappeler que les Belges et les indépendants en particulier ont fait des efforts et l’ont fait à juste titre car on voit les résultats. Alors, il faut pouvoir repartir et donner des éléments de réponse". Si le comité de concertation de ce vendredi ne réservera sans doute aucune surprise en ce sens, Jean-Luc Crucke rappelle que le challenge est de savoir si à l’avenir on est en mesure de rouvrir les métiers de contact et si ce n’est pas le cas, de donner des explications claires.
Le vaccin permet "de voir le bout du tunnel"
Le vice-président du MR s’est également exprimé par rapport aux critiques exprimées par le réformateur Daniel Ducarme à l’égard du ministre de la Santé Franck Vandenbroucke.
Il l’affirme : le MR reste du côté de la solidarité gouvernementale, tout en gardant de différentes sensibilités, affirme le ministre qui ne "souhaite pas rajouter du bruit au bruit".
Quant à la stratégie vaccinale, il ne se dit pas surpris des changements adoptés ces derniers jours. "Les autorités l’ont fait lorsqu’on a eu l’ensemble des informations quant aux fournitures de vaccins. L’information est qu’hier, Pfizer a confirmé la livraison de vaccins, ce qui a permis de conforter le timing et le tempo des vaccins en termes de choix prioritaires, à savoir celle des maisons de retraite. Il faut accepter la logique des priorités : les personnes âgées qui sont les plus fragiles et qui surchargent le plus les unités covid sont celles qui ont été protégées en premier lieu. La science et la raison se sont donc réunies. Acceptons-le".
Et face à la difficulté de certains de comprendre la stratégie et à un éventuel manque d’informations, le ministre reconnaît la nécessité de faire un effort de communication, mais ne remet pas en cause les priorités, défend les choix des autorités et reconnaît le travail acharné de sa collègue wallonne au ministère de la Santé, Christie Morreale.