Belgique

Jean-Claude Marcourt, président de la commission d’enquête Inondations : "S’il y a des responsables, il y a des responsables"

La commission d’enquête consacrée aux inondations survenues cet été démarre ses travaux ce jeudi au Parlement wallon. Objectif pour les députés : examiner les causes de ces crues meurtrières, la gestion de la crise par les autorités et formuler des recommandations. Pour Jean-Claude Marcourt (PS), président du Parlement wallon et de cette commission, si cette catastrophe a eu de telles conséquences dramatiques (plus de 30 morts), c’est peut-être parce qu’en Wallonie, "il n’y a pas une culture de la crise, pas de réflexe de crise" face à une situation d’une telle ampleur.

La plus grande catastrophe depuis la Deuxième guerre mondiale

Invité de Matin Première ce jeudi, l’ancien ministre wallon de l’Economie a rappelé que cette commission doit d’abord répondre aux questionnements des sinistrés. "Ce n’est pas tellement le parlement, qui doit attendre quelque chose mais toute la population", a-t-il expliqué. Les députés devront "déterminer pourquoi on en est arrivé là" face à "la plus grande catastrophe que la Wallonie a connue depuis la Deuxième guerre mondiale". But, au terme des réunions, prendre des recommandations "pour que cela ne puisse plus se reproduire en tout cas, pas en ces mêmes termes".

S’il y a des responsables, il y a des responsables

La mise en place de cette commission n’a pas été simple. Le ministre-président wallon, Elio Di Rupo (PS) était favorable à la constitution d’une commission spéciale, aux pouvoirs moins élargis que ceux d’une commission d’enquête.

"On a pu voir qu’un consensus au travers des six semaines de juillet et d’août s’est constitué autour de la commission d’enquête. Nous avons décidé de faire cette commission d’enquête. Certains hésitaient parce qu’aujourd’hui, un juge d’instruction a été désigné, pour faire justement la lumière au niveau pénal. Pour certains, il y avait une crainte que les deux rôles ne puissent empiéter l’un sur l’autre. Mais nous prendrons toutes les mesures pour qu’ils n’en soient rien".

La commission qui démarre ses travaux dispose d’une capacité d’enquête. Va-t-elle désigner des coupables ? Elle va, dit Jean-Claude Marcourt, "faire la lumière. S’il y a des responsables, il y a des responsables. Quand on parle de coupables, je pense qu’il faut parler de responsabilité. Certaines ont peut-être failli, je n’en sais rien."

Comment éviter que cela ne se reproduise?

"Même si, en tant que Liégeois", ajoute Jean-Claude Marcourt, "j’ai vécu dans ma chair le drame qui est arrivé dans la province et bien au-delà de la province puisque plus de 200 communes ont été impactées dans ces inondations, il y a peut-être eu des défaillances. Mais la culpabilité pénale, c’est du ressort du juge d’instruction, ce n’est pas notre rôle de dire voilà un coupable et il faut le punir. Nous, ce qui nous importe, c’est de faire la transparence, d’établir ce qui s’est passé, de vérifier que tout le monde a fait son devoir. Et si certains ne l’ont pas fait, de le pointer. Mais au-delà de ça, c’est de dire comment éviter que cela ne se reproduise."

En tant que Liégeois, Jean-Claude Marcourt ajoute ce matin que lors de la catastrophe, ce n’est pas la colère qui est montée en lui, "c’est la désolation. Même si le 15 juillet, un ordre d’évacuation a été donné, c’est surtout quand je vois, à Pepinster, à Limbourg, à Verviers, à Theux, à Chaudfontaine, à Trooz, notamment dans ma région et bien au-delà (à Rochefort notamment), la désolation et ces vies brisées, les 38 personnes qui ont perdu la vie, les milliers de personnes qui ont tout perdu, l’histoire d’une vie, qui tombent dans la précarité… Ce sont ces personnes qui m’intéressent aujourd’hui et c’est pour ces personnes que je vais travailler. Elles ont le droit, au-delà de la compassion, de comprendre pourquoi elles ont été victimes d’une telle catastrophe."

Des économies à la Protection civile qui ont eu "un impact"

Le manque de moyens de la Protection civile (cadre incomplet, manque de volontaires…), réformée sous l’ancien gouvernement fédéral, a été mis en avant après les inondations. Que pourra en dire la Wallonie, dont ce n’est pas la compétence ?

"Nous allons voir le rôle des uns et des autres, de la Croix Rouge, à l’armée, aux pompiers, aux services de police, dans le respect de la loyauté fédérale. Il ne m’appartient pas de dire : voilà ce qu’il faudrait faire demain au niveau de la Protection civile. Les économies faites au niveau de la Protection civile sous le gouvernement précédent ont un impact sur l’organisation des services. Cela a-t-il eu un impact sur la catastrophe? Nous allons voir comment on peut l’établir. Mon rôle n’est pas de réformer l’administration fédérale."

Lors des crues, certains sinistrés ont attendu plus de 48 heures avant d’être secourus, notamment dans des communes le long de la Vesdre. "Cela peut arriver partout", réagit le socialiste liégeois. "Il n’y a peut-être pas, mais c’est à nous de la vérifier, une culture de la crise. Nous n’avons probablement pas été préparés. Il n’y a peut-être pas de réflexe de crise lorsqu’on a une crise d’une telle ampleur."

"Pourquoi n’avons-nous pas les moyens utiles pour répondre à une telle catastrophe ?", s’interroge également Jean-Claude Marcourt. "Si certains viennent expliquer que c’est un défaut de moyens budgétaires, il faudra alors se poser la question de savoir pourquoi ces choix budgétaires ont été faits et comment y répondre."

Les déclarations d’Hervé Jamar

Une récente interview au Soir du gouverneur de la province de Liège, Hervé Jamar (MR), a également fait réagir. Sa gestion de la crise est critiquée. Dans l’entretien, le libéral explique son absence. "On ne pourra jamais me reprocher de prendre neuf jours de congé par an et de travailler bénévolement j’espère", a-t-il déclaré.

Réaction de Jean-Claude Marcourt ? "Je ne vais pas polémiquer autour de cela. Je pense que Madame (Catherine) Delcourt, qui est commissaire d’arrondissement (NDLR : qui a assuré le remplacement d’Hervé Jamar) et aujourd’hui commissaire spéciale a pris les choses en main et fait le maximum. Je pense que si j’avais été à la place du gouverneur, je n’aurais pas fait ces déclarations. Mais nous aurons à l’entendre. Les droits de la défense doivent être respectés, je ne commenterai pas cette déclaration."

Ce qui va coûter cher, c’est le 'one-shot'

La Wallonie subit la crise du Covid et doit désormais assurer la reconstruction des zones sinistrées par les crues. Coût estimé : entre 1,3 et 1,7 milliard d’euros. Les finances seront là, assure l’ancien ministre wallon de l’économie.

"Ce qui va coûter cher, c’est le 'one-shot', c’est le coût de reconstruction. Cela va aussi générer énormément d’activités professionnelles, de retours pour l’Etat fédéral qui touchera la TVA, les cotisations sociales sur les travaux… Il y a un flux positif. Mais à côté de cela, il faut de manière récurrente, réinvestir dans la transition écologique, puisqu’on ne peut pas nier qu’une partie des causes de la catastrophe viennent du changement climatique. Et au-delà, qu’on puisse se dire que le potentiel économique de notre région doit être au cœur de plan de relance économique."

 

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