Les livreurs à vélo ont colonisé nos centres-villes, nous les croisons roulant à tombeau ouvert pour livrer dans les temps, ou bien attendant la commande près des lieux stratégiques où les restaurants sont nombreux. A quoi ressemble leur quotidien, entre débrouille et déboires ? Comment gèrent-ils le risque d’accident alors que leur statut ne leur offre quasiment aucune protection sociale ? Réponses avec Jean-Bernard Robillard, ex-livreur à vélo. Il se bat aujourd’hui pour que les livreurs puissent devenir des salariés des plateformes de livraison.
Le modèle de l’ubérisation du marché du travail, que les plateformes nous présentaient comme l’avenir du monde du travail, a pris un sérieux coup dans l’aile, mais la question du statut de ces travailleurs n’est toujours pas réglée.
Jean-Bernard Robillard est le personnage principal
du documentaire télé consacré à son combat,
Shift, diffusé ce lundi soir sur La Trois.
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Jean-Bernard Robillard a adoré son métier de livreur à vélo, il a même gagné le maillot à pois des livreurs Deliveroo il y a quelques années, avant que son combat pour les livreurs ne l’amène en justice.
J’ai adoré, parce qu’on est seul sur son vélo, on arpente la ville la nuit… Il y a quelque chose d’assez romantique derrière l’image du coursier. Il y avait du challenge et puis on sent une espèce de liberté comme ça… Mais c’est une liberté dont on se rend compte qu’elle est assez illusoire au final.
Il souligne aussi la solidarité entre coursiers, la communauté qui se forme entre eux. "D’ailleurs Deliveroo a beaucoup joué sur cet aspect de communauté pour essayer de fédérer les coursiers autour de son projet", précise-t-il.
Jean-Bernard Robillard a beaucoup filmé ses courses, grâce à une petite caméra placée sur son casque. Et on voit bien les risques qu’il prend au quotidien !
"Cela fait partie du métier. […] Le fait de rouler vite entre les voitures crée vraiment un gros choc d’adrénaline et on finit par vraiment aimer ça."
De salarié à indépendant forcé
Il a quand même connu de nombreux accrochages, dont 5 gros accidents sur un an et demi, en particulier une dent cassée, que la mutuelle a couverte, parce qu’à l’époque, les travailleurs de la plateforme étaient salariés.
Aujourd’hui, les choses ont changé : la plupart des livreurs sont soumis à un régime spécial, le régime De Croo ou P2P, qui ne leur permet pas d’avoir un statut, puisqu’ils ne cotisent pas à la sécurité sociale. Un livreur qui tombe et se casse quelque chose n’a donc droit à rien du tout, s’il n’a pas le statut de salarié ou d’indépendant.
Le régime De Croo ou P2P n’est absolument pas un statut mais bien un régime fiscal, insiste Jean-Bernard Robillard. Ce régime permet de défiscaliser 6340 € à l’année. C’est le maximum de revenus autorisé, cela suppose donc que l’on fasse d’autres choses à côté pour gagner sa vie.
Et cela entraîne une pratique qui pose question : certains doivent acheter des faux comptes pour pouvoir travailler davantage. Soit ils l’achètent entre 700 et 1000 €, soit ils doivent donner 30% de leurs revenus – alors qu’ils ne gagnent déjà pas grand-chose – à ces personnes qui ont créé ces faux comptes sur les applications.