"Je crois que seuls mes yeux et mes oreilles n’ont pas été violés. Ils me disaient ''Tais-toi ! On était en poste en Biélorussie et ça fait longtemps qu’on n’a pas eu de femme. Alors, ferme-la'. Ils menaçaient sinon de détruire tout le quartier, de tuer tout le monde, mes voisins, ma fille".
Ils pouvaient nous tuer à n’importe quel moment
Cette femme s’est donc sacrifiée durant ces deux semaines et demie. Elle a tout fait pour survivre et surtout sauver sa fille ainsi que ses voisins en tentant en vain de calmer ceux qu’elle définit d’un mot "psychopathes" : "Je savais qu’il avait déjà tué beaucoup de mes voisins et qu’ils pouvaient nous tuer à n’importe quel moment : enfants, grands-mères ou un animal. Pour eux, c’était du pareil au même. Ils ne cessaient de me demander : 'Où est-ce qu’il y a des jeunes ?' Je répondais que je ne savais pas. Je leur disais que tout le monde avait fui la ville. Oui, ils m’ont dit qu’ils tuaient et qu’ils violaient des enfants".
Au côté de Katarina, il y a sa fille de 13 ans qui raconte : "Ils me demandaient de regarder ma mère se faire violer pour que j’apprenne, disaient-ils, pour qu’ils puissent nous utiliser toutes les deux. Une nuit, ils sont venus à 8. Je dormais, ils sont venus dans le lit, ils m’ont touchée, mais finalement ils sont allés voir ma mère. Ils l’ont violée les huit en même temps".
Katarina poursuit : "Ils me reprochaient de ne pas avoir suffisamment peur. Ils me disaient 'Tu penses vraiment qu’on ne va pas violer ta fille alors qu’on viole d’autres enfants, filles et garçons ?' Et moi, je tentais de les implorer en leur disant 'Oui, j’ai peur, mais on peut être amis. Nous faisions partie d’un seul pays, l’Union soviétique'. Ils disaient que leur vie était horrible là où ils habitent. Alors je leur disais : 'Vous pourrez revenir ici, mais maintenant ne touchez à personne, cessez de tuer'. J’essayais de leur parler ainsi. Parfois cela marchait. Et puis tout à coup, leur regard tournait et ils redevenaient fous d’un coup, ils étaient totalement imprévisibles. J’ai vraiment eu le sentiment qu’on n’avait pas devant nous des soldats, mais des gens échappés de l’hôpital psychiatrique. On leur avait donné des armes et envoyé faire la guerre, mais ils ne sont pas normaux".
Des militaires systématiquement ivres et très jeunes
La mère décrit ces militaires systématiquement ivres, et qui pillaient du haschich dans les maisons, qui tiraient sur le portail pour signaler qu’ils arrivaient chez elle et qui restaient des heures durant dans sa cour à se balancer comme des pendules après l’avoir violée. Sa fille n’a pas échappé non plus à cette torture psychologique, explique-t-elle : "Un jour, ils m’ont fait rentrer dans la petite cour de mes voisins et le militaire m’a dit : 'Regarde, c’est ce que j’ai fait ce matin. C’est la femme que j’ai tuée'. Il y avait du sang qui coulait de sa bouche. 'J’ai attendu qu’elle souffre avant de l’achever'. Je lui ai dit : 'Vous avez vraiment fait ça ?' Il m’a répondu : 'Oui, j’aime tuer, ça m’excite'. Il avait 18 ans, cinq ans de plus que moi, donc. Ils nous ont montré leurs lunettes de vision nocturne. On a compris qu’ils voyaient exactement sur qui ils tiraient, qu’ils savaient ce qu’ils faisaient quand ils tuaient des civils. Il y a un soldat qui nous disait 'Ce n’est pas une guerre, c’est du terrorisme, c’est de la torture psychologique. Comme ça, votre président Zelensky va finir par comprendre qui on est'.