La suite du texte : "Hey hey dis-moi Monsieur Faubus / Dis-moi comment les blancs / Font pour vendre les nègres à l'argus / Et pour en brûler de temps en temps / Et moi je fais de mon mieux pour ne pas y penser / Et je me sens très souvent très embarrassé / Par la couleur de ma peau qui me démoralise un p'tit peu. Et c'est pourquoi je voudrais être noir".
Ici, la chanson prend une tournure politique. Je veux être noir est une chanson engagée, elle s’inscrit dans le sillage du mouvement américain des droits civiques. Quand il cite Monsieur Faubus, il pointe Orval Faubus, gouverneur de l’Arkansas qui s’est opposé à la fin de la ségrégation raciale jugée anticonstitutionnelle en 1954. Un homme qui a milité contre la présence des enfants noirs dans les écoles blanches. Et quand il l’interpelle pour lui demander "comment font les blancs pour vendre les nègres à l’argus, et pour en brûler de temps en temps", il fait référence à la vente des esclaves, à leur valeur (d’où l’argus), et au Ku Klux Klan qui signe ses actes en brûlant des maisons ou en faisant flamber des croix.
Si on observe ce qui se passe sur le front des luttes antiracistes, on se dit qu’avec Je veux être noir, Nino Ferrer est éveillé sur la question des discriminations : il est woke avant le wokisme. À l’époque de cette chanson, interrogé par Rebecca Manzoniil dans l’émission Pop ‘n Co sur France Inter, il disait : "Il y a une chose que je n'aime pas, c'est le racisme et la ségrégation raciale, que ce soit envers les noirs, els juifs ou les Algériens, ou qui que ce soit. Je ne peux pas supporter cela donc je fais une chanson contre la ségrégation raciale".
La suite de la chanson poursuit l’hommage à la culture noire. Nino Ferrer évoque le gospel : "Vous, les saints, les élus. Qui chantez tout de blanc vêtus". Il parle de La Nouvelle-Orléans, du Mississippi, de "belle couleur d’ébène" et de "cheveux crépus". Je veux être noir se situe entre le fantasme schizophrénique et l’autoportrait de l’artiste en éternel insatisfait... ce que Nino Ferrer était.