Les eurodéputés ont sévèrement critiqué jeudi l'attitude de la Commission et du Conseil (Etats membres) sur le plan migratoire, lors d'un débat en plénière au Parlement européen consacré au récent incendie qui a détruit le camp de Moria, sur l'île grecque de Lesbos. Face à la commissaire européenne compétente Ylva Johansson, dont on attend la semaine prochaine une proposition de nouveau "pacte migratoire" européen, la plupart des groupes politiques de l'assemblée ont exprimé leur sentiment que Moria et les autres camps sont surtout une "honte" pour l'Europe.
Moria est un enfer
Dans la manière dont l'UE gère ces dernières années les arrivées de candidats à l'asile via la mer Méditerranée, "on perd la dignité même du projet européen", a tranché Iratxe García Pérez, présidente du groupe S&D (sociaux et démocrates), l'une des premières à prendre la parole. "Depuis des années, le Conseil bloque une position commune qui se substituerait aux solutions d'urgence", rappelle-t-elle, soulignant que les députés avertissent depuis longtemps que "Moria est un enfer". "Mais rien n'a été fait".
Depuis des années en effet, l'UE ne parvient pas à accorder ses pays membres sur une réforme du règlement de Dublin et un mécanisme durable de répartition de la prise en charge des demandeurs d'asile. Cette tâche repose aujourd'hui quasi exclusivement sur les principaux pays d'arrivée, comme la Grèce et l'Italie, à l'exception d'efforts ponctuels de relocalisation à la suite de situations d'urgence (comme actuellement avec l'incendie du camp de Moria).
Ces derniers mois, le débat a régulièrement été ravivé quand des bateaux humanitaires ayant secouru des migrants se sont retrouvés longuement coincés en mer face au ras-le-bol des pays méditerranéens rechignant à les accueillir. Un nouveau "Pacte pour l'asile et la migration" promis par la Commission est cependant censé apporter une solution, après des années d'atermoiements. Ylva Johansson doit le présenter la semaine prochaine.
Entre-temps, les camps de migrants des îles grecques sont toujours surpeuplés. Des milliers de personnes y vivent dans des conditions dont on sait qu'elles sont déplorables.
Il ne faut pas améliorer les camps, il faut les détruire
Les élus européens n'ont pas manqué de le rappeler jeudi matin. "Il ne faut pas améliorer les camps, il faut les détruire", a tranché la Néerlandaise Sophia in 't Veld (groupe Renew), réagissant à l'annonce de la Commission que l'Europe aidera la Grèce à reconstruire à Lesbos un camp d'accueil. "Le Conseil brille par son absence, une fois de plus", a noté l'eurodéputée. Du même groupe, la libérale belge Hilde Vautmans a indiqué avoir visité plusieurs camps de migrants. "Ces camps sont une véritable honte pour l'Europe. Si nous mettions nos chiens et nos chats dans ces conditions, les organisations de défense des animaux feraient un véritable scandale. Or, ce sont des humains que nous mettons dans ces camps".
La commissaire européen Ylva Johansson l'a admis: les conditions de vie étaient "inacceptables" à Moria. "Je ne veux plus de Moria, bien sûr qu'on ne doit pas le recréer". Elle a cependant souligné ce que l'UE a déjà réalisé: "au début de mon mandat (fin 2019, NDLR) il y avait plus de 50.000 personnes dans les camps sur les îles grecques. Aujourd'hui ils ne sont plus que 25.000, même si c'est encore trop". Il y a eu des programmes de relocalisation de mineurs non accompagnés issus de ces îles, pour lesquels des Etats membres se sont portés volontaires. Après avoir accueilli 18 jeunes transférés depuis la Grèce début août, la Belgique s'est d'ailleurs portée candidate pour prendre en charge 12 MENA de plus, à la suite de la destruction de Moria. Cela s'ajoute à des efforts de relocalisation d'autres migrants vulnérables (la Belgique propose d'en prendre en charge 100 à 150 venant de Lesbos).
A Moria, dans l'urgence suivant l'incendie, "un nouveau centre est la priorité, un centre adapté", pour que l'hébergement et le traitement des demandes d'asile puissent reprendre, a cependant insisté la commissaire. Mais sur le long terme, "bien sur que nous avons grandement besoin d'une solidarité obligatoire. Cela fera partie du paquet que je présenterai la semaine prochaine".