Jacqueline Maillan aurait eu 100 ans !

Au théâtre, il n’y a que les fauteuils que je n’ai pas fait rire !

Ou alors ceux-ci ont le rire discret car, finalement, Jacqueline Maillan faisait rire tout le monde. Tant sur scène qu’au cinéma. Née le 11 janvier 1923, il y a tout juste un siècle, en Bourgogne-Franche-Comté, Jacqueline Maillan était aimée de tous. Et dire qu’elle a failli devenir puéricultrice…

Mais reprenons tout depuis le début. Après avoir eu deux filles, ses parents voulaient un garçon et ils ont eu… Jacqueline. Véritable garçon manqué, élève assez moyenne mais douée pour faire rire ses camarades, quand elle prend ses premiers cours de théâtre (pendant la Seconde guerre mondiale à Paris), Jacqueline Maillan ne rêve que de drames et des grands textes à déclamer. Pourtant ce sera avec la comédie et des vaudevilles qu’elle deviendra célèbre. Dès la fin des années 40, elle monte sur scène et joue au cinéma… d’abord pour des courts-métrages puis pour des longs. À ses côtés, un autre "petit jeune" débute, un certain Louis de Funès. Il faudra quand même 1963 pour qu’ils deviennent tous les deux connus par le public et reconnus pour leur talent et ce sera dans "Pouic-Pouic" de Jean Girault.

Les uns la surnomment La de Funès en jupons, les autres préfèrent l’appeler La Maillan. Mais qu’importe le surnom, Jacqueline cartonne partout où elle passe. Son nom est bankable comme on dit aujourd’hui. Elle attire les foules au théâtre. Avec plus de 40 pièces jouées dont "Folle Amanda" ou "Potiche" mise en scène par son fidèle ami de toujours Pierre Mondy, croisé pour la première fois au Cours Simon. Et quitte à enchanter la planète, Jacqueline pousse aussi la chanson… enfin, la chansonnette comme ici avec Bourvil dans cette reprise de "Je t’aime, moi non plus" de Serge Gainsbourg !

Si elle se fait plus rare au cinéma, elle tourne plus d’une trentaine de films. Devenue avec le temps l’une des actrices fétiches de Jean-Pierre Mocky, elle reste tout aussi délurée que fantasque et poignante aussi quand il faut dans "Les saisons du plaisir" (en opératrice 3615) ou "Y a-t-il un Français dans la salle ?"

Femme au caractère fort, toujours prête à dégainer une réplique qui tue, Jacqueline Maillan était tout le contraire en privé, plutôt taiseuse voire taciturne. Ses biographes et les journalistes qui l’ont rencontrée pour de longues interviews évoquent un lourd secret, une bisexualité difficile à accepter. Seul son défunt mari, l’auteur et compositeur Michel Emer, aurait été au courant. Au-delà des maux, pour les spectateurs, ils restent les mots de Jacqueline Maillan et son jeu toujours impeccable, n’hésitant jamais à se tourner en dérision comme dans "Papy fait de la résistance"…

Au début des années 90, Pierre Palmade lui avait écrit un spectacle intitulé "Pièce montée", soit un monologue à travers lequel Françoise dresse sur un ton drôlement amer les petits travers de sa famille et les moments heureux de sa vie (ou pas). Jacqueline était parfaite dans ce rôle, pince-sans-rire à souhait, caustique et tendre à la fois. Ce rôle, elle l’a joué jusqu’au bout. Elle est décédée le 12 mai 1992 d’une hémorragie interne. Elle avait 69 ans !