Le pain n'a jamais été aussi cher en Europe, atteste Eurostat
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Le pain n'a jamais été aussi cher en Europe, indique lundi l'office statistique européen Eurostat. Son prix a augmenté...
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Le 14 mars dernier, le président de la Fédération francophone de la boulangerie a bel et bien évoqué dans les médias le risque d’un pain à… cinq euros ! C’était trois semaines à peine après le déclenchement de la guerre en Ukraine et les marchés mondiaux des céréales étaient déjà déboussolés.
L’Ukraine est un des greniers à blé de la planète et la guerre enclenchée par Poutine a tout bouleversé. Elle a perturbé les semis de printemps ; elle a privé de bras les travaux aux champs : des hommes sont à la guerre ; elle gênera les moissons cet été : des installations ont été détruites et des terres sont minées. Et elle a bloqué quasiment toute exportation, alors que les silos à grain étaient pleins : les ports du sud de l’Ukraine, principale voie de sortie des matières premières, ont été bombardés ou bloqués. Quelques pays du sud (l’Egypte et d’autres d’Afrique) craignent de graves pénuries voire la famine (l’Erythrée…) parce que l’essentiel de leur blé panifiable venait d’Ukraine.
En Belgique, on redoute surtout l’effet domino et la flambée des prix, jusqu’aux comptoirs des boulangeries… En Belgique, nous n’importons pas directement d’Ukraine des céréales panifiables, celles dont on fait la farine, puis le pain. Mais nous n’en produisons quasiment plus. Les terres agricoles wallonnes sont consacrées pour 45% à la nourriture pour les animaux, pour un tiers aux ingrédients pour les biocarburants, et pour une dizaine de pour cent seulement aux cultures pour l’alimentation humaine. Nous achetons donc le grain pour la farine à l’étranger (essentiellement en France et en Allemagne), au prix fixé par les cours mondiaux…
Ce prix officiel du blé est tributaire des productions obtenues dans les différents pays producteurs et des stocks disponibles. Il est aussi sensible à la spéculation : des investisseurs achètent à l’avance des productions futures (au prix d’aujourd’hui) en tablant sur une revente, une fois récoltée, à un prix qui aura d’ici là augmenté… Mais le déclenchement de la guerre en Ukraine a surtout provoqué un réflexe beaucoup plus terre à terre : la peur de manquer. L’Ukraine et la Russie couvrent en temps normal à elles deux 25% des exportations mondiales de blé… Et la Russie est aussi un gros producteur d’engrais et de ses composants, sur lesquels tablent la majorité des agriculteurs dans le monde pour s’assurer de larges récoltes.
Résultat, alors qu’il n’y a pas encore de pénurie réelle, les prix se sont envolés : une tonne de blé panifiable se négociait autour de 250 euros début février (un prix déjà haut, conséquence de la reprise post-covid enclenchée quelques mois plus tôt) mais a atteint en mai, au cours mondial, le prix de 440 euros la tonne.
L’Union européenne elle-même a appelé les agriculteurs à produire plus. Elle l’a fait pour s’assurer une sécurité alimentaire et être prête à soutenir les régions et pays qui vont être en carence, mais au risque de perturber son propre programme De la ferme à la fourchette : moins d’engrais, moins de pesticides en Europe et une production plus raisonnée à l’horizon 2030. La Commission européenne a dès lors précisé dans son appel ne permettre aux agriculteurs de déroger à certaines obligations "qu’à titre exceptionnel". Parmi les pistes ouvertes : la remise en culture des jachères, ces terres agricoles qu’on a rendues à la nature pour l’équilibre biologique. Une piste qui fera sans doute pschitt en Belgique. Les jachères n’y représentent qu’un peu plus de 3% des terres agricoles, sont rarement situées aux endroits les plus accessibles ou productifs, et ont le plus souvent un intérêt largement reconnu par les agriculteurs eux-mêmes… Confrontés à l’inflation de tous leurs intrants (semences, engrais dont les prix sont passés de 160 euros/tonne en 2020 à 1000 euros (!) la tonne aujourd’hui, mazout pour les tracteurs…), les agriculteurs en Wallonie voient à vrai dire peu de possibilités, en pleine crise, de réorienter leurs productions vers des céréales panifiables aux normes de qualité très exigeantes.
Le boulanger pourrait-il un moment être contraint de doubler le prix du pain, symbole entre tous de l’alimentation de base ? Toute la chaîne de production qui y mène grince actuellement sous le poids des événements en Ukraine : prix des engrais à la hausse, cours du blé très élevés, augmentation des coûts de production de la farine dans nos moulins (entraînée par celle des matières premières), dépenses à la hausse pour la consommation des fours dans les boulangeries. Et les prix montent en effet aux comptoirs : 2,10 euros cet hiver pour le pain de base, 30 centimes de plus en début d’année puis 20/30 centimes encore en avril. Des augmentations maîtrisées jusqu’ici…
Impossible pourtant, à cette heure où la guerre s’enlise, d’être sûr que le pain à cinq euros restera une boutade, ou une provocation. Les boulangers, qui n’y croyaient guère en mars, sont aujourd’hui plus inquiets… Mais rappellent une troublante réalité : au fil des décennies, depuis cinquante ans, la part consacrée par les ménages à l’alimentation n’a fait que diminuer. De 45% au tournant des années 50, la moyenne est aujourd’hui descendue sous les 15%. Un équilibre qu’agriculteurs, boulangers et responsables des approvisionnements pointent ensemble : produire notre alimentation avec plus de sécurité passera sans doute par un rééquilibrage de nos dépenses.
L’Union européenne elle-même a appelé les agriculteurs à produire plus. Elle l’a fait pour s’assurer une sécurité alimentaire et être prête à soutenir les régions et pays qui vont être en carence, mais au risque de perturber son propre programme De la ferme à la fourchette : moins d’engrais, moins de pesticides en Europe et une production plus raisonnée à l’horizon 2030. La Commission européenne a dès lors précisé dans son appel ne permettre aux agriculteurs de déroger à certaines obligations qu’à titre "exceptionnel". Parmi les pistes ouvertes : la remise en culture des jachères, ces terres agricoles qu’on a rendues à la nature pour l’équilibre biologique. Une piste qui fera sans doute pschitt en Belgique. Les jachères n’y représentent qu’un peu plus de 3% des terres agricoles, sont rarement situées aux endroits les plus accessibles ou productifs, et ont le plus souvent un intérêt largement reconnu par les agriculteurs eux-mêmes… Confrontés à l’inflation de tous leurs intrants (semences, engrais dont les prix sont passés de 160 euros/tonne en 2020 à 1000 euros (!) la tonne aujourd’hui, mazout pour les tracteurs…), les agriculteurs en Wallonie voient à vrai dire peu de possibilités, en pleine crise, de réorienter leurs productions vers des céréales panifiables aux normes de qualité très exigeantes.
#Investigation, mercredi 1er juin vers 20h20 sur La Une et sur AUVIO.
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