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#Investigation : Provinces, le grand ménage

Palais provincial de Liège

© RTBF

Les 5 provinces wallonnes sont sous pression maximale car elles doivent désormais financer en grande partie les zones de secours : casernes de pompiers, service d’incendie, ambulances. Des sommes faramineuses qui étaient jusqu’à présent payées par les communes, avec une aide de la Région Wallonne et du fédéral. La donne a changé en 2020 : ces 2 niveaux de pouvoir ont décidé que ce serait aux provinces à mettre la main à la poche. En 5 ans, entre 2020 et 2024, Elles vont devoir payer 513 millions d’euros pour les zones de secours ! L’effort demandé est colossal : le budget annuel des 5 provinces wallonnes tourne autour d’1 milliard et demi d'euros. Dans chaque province, des mesures de restriction, des réorganisations ont été lancées. Les provinces vont se concentrer sur leurs grands secteurs d’activité que sont l’enseignement (34%), le social (14%), la santé (9%). Le personnel provincial est lui aussi impacté. Il faut dire qu’il est conséquent : 25.000 fonctionnaires provinciaux, soit 9000 Equivalents Temps plein. Aucun licenciement prévu, mais les départs à la retraite ne sont plus remplacés.

Encore trop de personnel politique ?

Conseil provincial de la Province de Hainaut
Conseil provincial de la Province de Hainaut © RTBF

Un autre secteur provincial pourrait faire des économies : le niveau politique. Il reste méconnu du grand public même si celui-ci vote pour les candidats provinciaux une fois tous les 6 ans. Chaque province a ses institutions et son administration. Au niveau wallon, cela donne : 5 parlements, 223 conseillers, 26 députés, 5 gouvernements ! La province de Hainaut par exemple, compte 56 conseillers provinciaux et 5 députés, les ministres de la province en quelque sorte. (Les provinces de plus d’1 million d’habitants ont 5 députés, les plus petites en ont 4). Des députés plutôt bien payés explique que Jean Faniel, le directeur du Crisp (Centre de Recherche et d’Information Socio-Politiques) : " la fonction des députés provinciaux les apparente aux ministres, mais leur salaire est bien calqué sur celui des autres députés : plus ou moins 6000 euros net par mois, Et jusqu’à 8000€ s’ils ont d’autres mandats rémunérés, mais il y a un plafond de rémunération ". Soit 1,9 million d’euros par an pour 26 députés qui ne gouvernent ... qu'à l'échelon d'une province ! ! Pourquoi ne peut-on pas réduire ce nombre ? Jean Faniel nous donne la réponse : "Un facteur politique entre en ligne de compte : la taille des coalitions. On sait qu’en Belgique il n’y a plus de parti en mesure de remporter une majorité absolue lors d’une élection, notamment provinciale. Il faut donc que 2 ou 3 partis se mettent ensemble pour gouverner. s’il y a 3 mandats à pourvoir il est difficile de se les répartir, s’il y en a 4 c’est plus facile et s’il y en a 5 c’est plus confortable. "

C’est donc la raison politique qui fixe le nombre de députés, et pas la notion d’efficacité. De toute façon, d’après cet expert, ça ne gêne pas grand monde. " On a l’impression que la division provinciale sur le plan politique, c’est quelque chose à part, avec son monde politique peut être un peu méconnu ou qui n’est connu que quand tout tourne mal. On a parfois aussi le sentiment -et il est avéré dans certains cas- que c’est là qu’on recase certaines personnes, que ce soit dans l’administration ou au niveau du monde politique. "

Il faut dire qu’on revient de loin. Bernard Moinet, député de la province de Luxembourg ( et qui a fait toute sa carrière à la province) se souvient : "à une époque assez lointaine, il y avait beaucoup plus de députés et moins de services que maintenant. C'était des députés coupes rubans, qui allaient aux inaugurations, réceptions et cetera ... Je pense que ça a fait du tort et donné une mauvaise image de l’institution. " À l’autre bout de la Wallonie, l’ancien député de la province de Hainaut Yves Lardinois confirme à sa façon : " il y avait des invitations pour aller partout, des tralalas. Par exemple, on était invité à une conférence où, pour être honnête, on parlait pour se gargariser.  Et puis après, il y avait une petite réception. Bon, on allait surtout pour la réception hein ! ". Ces pratiques festives sont révolues, nous a-t-on affirmé partout. Reste qu’elles ont sans doute contribué à ce manque de visibilité des provinces, ce déficit d’image. Nathalie Heyard, députée de la province de Luxembourg le confirme : " Je me rends compte parfois que même des députés ou des ministres ne sont pas au courant de ce qui se passe dans une province". Les citoyens non plus ne connaissent pas vraiment l’institution provinciale alors qu’ils bénéficient de certains de ses services au quotidien.

Et pourtant, les provinces ont leur utilité

Institut médico-pédagogique de Mont-Houffalize
Institut médico-pédagogique de Mont-Houffalize © RTBF

Un exemple : la province de Luxembourg a construit un centre d’accueil, le seul de la province, pour enfants infirmes cérébraux et polyhandicapés. 24 enfants de 0 à 18 ans. Un financement très important, entièrement pris en charge par la province. C’est là l’une des spécificités provinciales : chaque province a développé des actions de terrain répondant aux besoins de sa population. Des projets spécifiques qu’elle seule peut organiser et financer en toute autonomie. Le professeur de droit constitutionnel de l'ULG Christian Behrendt, auteur de 2 études sur les provinces, estime que ce niveau de pouvoir proche des gens a toute son utilité : "Il y a des situations où vous vous dites ça fonctionne bien, ils ont pensé à ça. Les provinces ont des structures qui ont toute leur pertinence. Je suis sorti de mes 2 études en me disant : il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain, il y a des choses à faire ".

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