De nombreux experts se sont penchés sur les théories conspirationnistes, ceux qui les propagent et ceux qui y adhèrent. Pour expliquer le phénomène, plusieurs disciplines peuvent nous être utiles. L’une d’elles, c’est la psychologie. Et en réalité, autant vous le dire tout de suite: nous sommes tous prédisposés à devenir complotistes. Pour Olivier Klein, professeur de psychologie sociale à l’ULB et spécialiste du complotisme, "les mécanismes psychologiques qui interviennent dans le conspirationnisme sont des mécanismes dont on est tous victimes".
L’un de ces mécanismes, c’est ce qu’on appelle le raisonnement motivé. Ce biais cognitif nous pousse à rechercher toutes les informations qui confirment nos croyances, et à rejeter, ou ignorer ce qui les remet en question. "Par exemple, si on est écolo, on sait que c’est mauvais pour la planète de prendre l’avion pour aller en vacances dans le Pacifique. Mais si on a très envie d'y aller, on va quand même trouver un tas de bonnes raisons d’y aller", explique Olivier Klein.
Autre réflexe psychologique, les gens qui adhèrent à des théories complotistes ont également tendance à voir de l’intentionnalité partout. Aucune place pour le hasard. Si tel événement a eu lieu, il y a forcément eu une intention cachée derrière. "Même si on montre des choses qui n'ont rien à voir avec un complot, comme des formes qui bougent de manière aléatoire, on a pu montrer que les complotistes ont plus tendance à considérer qu’une forme poursuit l’autre", analyse le psychologue.
Souvent, les personnes qui croient aux théories du complot sont très en colère.
Si les mécanismes psychologiques sont communs à tous, comment expliquer alors que certains basculent dans le complot et d’autres pas ? De nouveau, cela se passe souvent dans la tête : pour Olivier Klein, ce qui va activer ces mécanismes psychologiques qui vont mener jusqu’au complotisme, c’est souvent un sentiment viscéral d’injustice, de colère ou encore de détresse.
L’observation est la même chez Marie Peltier, historienne: "Ce qui m’a souvent frappé, quand je rencontre des personnes qui adhèrent à ces croyances, c’est qu’ils sont souvent très très en colère". Pour l’historienne, le complotisme amène ce qu'elle appelle une "politisation des affects". Les théories servent à donner une signification politique à ce sentiment de colère et d’injustice. "Ils se disent que s’ils sont mal, s’ils sont en colère, c’est parce qu’on les manipule, parce qu’on leur ment. Et c'est soulagement, parce qu'ils pensent alors avoir compris d'où vient leur sentiment."