Des nombreux propriétaires estiment que le certificat PEB surestime les consommations réelles des logements. Michel Breucker est l’un d’eux. En 2006, il rénove deux lofts. Il prend soin de les isoler par l’intérieur. Pas loin de 1500 m² de laine de roche dans toutes les parois. 10 cm sur les murs et 15 dans les plafonds. Il isole le plancher. Il place des protections solaires ainsi qu’une ventilation performante. Il a conservé toutes les preuves acceptables accompagnées de 3000 photos du chantier.
C’est absolument inexplicable
Quand il reçoit le certificat PEB des logements qu’il pense avoir rénovés dans les règles de l’art, c’est la douche froide. " On a eu un label E. C’est catastrophique. Nous avons sur notre certificat 239 kWh /m²/an. Et si on tient compte de nos factures sur plus de 10 ans, on arrive à 66 kWh/m²/an. C’est-à-dire que c’est 3 fois et demie moins. Donc, c’est absolument inexplicable. Le PEB devrait représenter la consommation énergétique du bâtiment ".
Michel Breucker met le doigt sur une réalité. Le certificat PEB est une mesure théorique car, comme nous l’avons écrit plus tôt, il se base sur des hypothèses et ne tient pas compte des habitudes de chauffage des occupants.
En réalité, il oublie pas mal de paramètres comme la nature ou la qualité de pose d’un isolant. Si les plaques d’isolation de votre toiture ne sont pas jointives et qu’il y a des ponts thermiques entre elles, autant dire qu’elles ne servent à rien. Pourtant, le certificat PEB partira du principe que la toiture est isolée si une facture en atteste.
Á épaisseur égale, un isolant en polyuréthane aura toujours une meilleure performance dans le logiciel PEB par rapport à un isolant naturel biosourcé. Pourtant, le polyuréthane est issu des énergies fossiles. Le certificat PEB ne s’occupe que de la performance du matériau sans prendre en compte son énergie " grise " ou si vous préférez son bilan carbone et sa recyclabilité.
On commence à comprendre les limites d’un système conçu initialement pour comparer des logements sur une base théorique. Si on utilise le certificat PEB pour obliger les citoyens à rénover leur logement, c’est une autre paire de manches.
Demain, il va effectivement servir à sanctionner les propriétaires de passoires énergétiques. C’est déjà le cas en Flandre. Depuis le 1er janvier 2023, les nouveaux acquéreurs doivent atteindre le label D dans un délai de 5 ans après l’achat.
En Wallonie et à Bruxelles, les échéances ne sont pas encore clairement fixées au moment où nous écrivons ces lignes. Mais, elles vont arriver bientôt. En Wallonie, on devrait commencer en 2026 avec des tranches de 5 ans comme en Flandre. L’objectif final sera le label A en 2050. À Bruxelles, à partir de 2033, les passoires énergétiques (label F ou G) seront interdites. 10 ans plus tard, tous les logements devront atteindre le label C. Ces dates font l’objet de négociation et devront être validées dans les mois à venir. Mais, on s’oriente vers un outil de plus en plus contraignant.
Il risque de ne pas conduire à des bons résultats
Des professionnels du secteur commencent à sentir une certaine tension qui s’installe sur le marché. " Le certificat PEB n’a pas été développé dans ce sens-là et il risque de ne pas conduire à des bons résultats et de pousser des gens à faire des travaux alors que ce n’est pas légitime par rapport à leurs consommations réelles ", analyse Boris Defays, un certificateur PEB.
Philippe Mercier de Test Achats ajoute que : " Toutes les études le montrent. Plus on a un bâtiment qui est en théorie très énergivore, plus l’occupant va s’adapter et va modifier son comportement pour arriver à maîtriser ses consommations. "
Une question de fond reste en suspens. Pourquoi le citoyen ne pourrait-il pas produire ses factures énergétiques pour démontrer la réalité des consommations de son logement ? Pourquoi le sanctionner si, dans la réalité, son logement n’émet pas beaucoup de gaz à effet de serre ? C’est d’autant plus étonnant que pour les bâtiments publics, on utilise les factures et les consommations réelles pour déterminer le certificat PEB. Force est de constater que ce n’est pas le cas pour les citoyens.
Certes, l’exercice se complique avec un poêle à bois. Mais, cela ne semble pas insurmontable. Un chantier énorme attend le législateur. Il va devoir améliorer la fiabilité du certificat pour qu’il devienne un reflet plus fidèle de la performance énergétique des bâtiments. Sans quoi, il pourrait perdre sa légitimité auprès des citoyens.
"PEB : la Performance Embarrassante des Bâtiments", une enquête à voir ce mercredi 8 février à 20h20 dans le magazine #Investigation sur La Une - RTBF.