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#Investigation : 20 ans après leur création, les titres-services sont à bout de souffle

20 ans après sa création légale, le système des titres-services et les aides ménagères sont à bout de souffle.

En cause, le coût du dispositif et la pénibilité du métier qui a un impact sur la santé. Le système a été mis en place pour lutter contre le travail au noir. Il a fait un carton : aujourd’hui, plus de 140.000 aides ménagères travaillent dans plus de 800.000 ménages. Mais le système a engendré des effets pervers.

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Taux d’absentéisme élevé

Les titres-services présentent un taux d’absentéisme le plus élevé de tous les secteurs. Dans son étude réalisée en 2020, Elisabeth Leduc, doctorante à Dulbea-ULB, précise que "le fait de commencer à travailler dans ce secteur augmente très fortement la probabilité d’être en incapacité de travail, au moins jusqu’à 5 ans après la date d’entrée dans le secteur".

Cathy et Marie, 2 aides ménagères que nous avons rencontrées, expliquent ressentir régulièrement des fortes douleurs au niveau du dos et du coude. Elles ne sont pas les seules. "Balayer, aspirer, porter des objets lourds, la répétition de ces gestes contribue au développement de troubles du système locomoteur", confirme Elisabeth Leduc.

La majorité des travailleuses se plaignent d’arthrite et douleurs musculaires au niveau du coude, du dos mais aussi du cou et des épaules. Les troubles musculosquelettiques ne devraient pas s’atténuer d’autant qu’aujourd’hui, un tiers des travailleuses a déjà plus de 50 ans. Par ailleurs, Elisabeth Leduc attire également l’attention sur l’utilisation de produits chimiques (diluants, chlore, ammoniaque) qui est, selon elle, à l’origine de maladies respiratoires et de la peau. Pour tenter de diminuer l’impact sur la santé, les entreprises de Titres-Services sont obligées d’organiser des formations.

Trop peu de formations

Pour prévenir des risques, depuis 4 ans, les entreprises de titres-services disposent d’un fonds pour financer des formations. Dans une entreprise d’insertion de la région namuroise, Christine André, la formatrice apprend aux nouvelles recrues comment acquérir les bons gestes et insiste sur l’importance d’utiliser un matériel adéquat. Elle met en garde les futures aides ménagères en leur disant de prendre "la douleur à bras-le-corps tout de suite, si vous la laissez partir en vrille à un moment donné on pourra faire des infiltrations, on pourra faire n’importe quoi, vous ne saurez plus gérer cette douleur-là et il n’y aura plus de solution".

Même si les formations sont obligatoires et subsidiées par les pouvoirs publics, trop peu d’entreprises forment leur personnel. Ainsi, dans le dernier rapport d’évaluation sur les titres-services en région de Bruxelles-Capitale en 2020, on constate que seuls 39% des subsides ont été utilisés. La principale raison avancée par les entreprises est le fait de perdre des heures de prestation. D’autant que le contexte économique a évolué : la demande des clients est croissante et aujourd’hui la pénurie de main-d’œuvre frappe le secteur, surtout en Région bruxelloise. Cela pourrait-il changer demain ?

De 9 à 10 euros

Le système des titres-services avait pour objectif de créer des emplois peu qualifiés de proximité, réduire l’emploi non déclaré dans le secteur des services domestiques, et favoriser un meilleur équilibre vie privée/vie professionnelle au sein de la population. Il s’est avéré efficace. Notamment, grâce au prix modique du titre-service qui est de 9 euros, l’heure de prestation. Les deux tiers de la valeur du titre, soit 14 euros, sont à charge de Régions. Mais vu l’indexation des subsides publics et le succès croissant, le système coûte, chaque année, de plus en plus cher aux Régions qui subsidient le dispositif depuis la 6e réforme de l’Etat en 2014.

Dès lors, pour assurer la pérennité des titres-services, le ministre bruxellois de l’Emploi, Bernard Clerfayt (DéFi) envisage une contribution plus importante de la part du client : "Le prix pour l’usager n’a pas été indexé depuis cinq ans. Tout augmente, donc on peut augmenter ce prix-là. Si on fait un calcul à la grosse louche les 9 euros de 2014, sous réserve de l’index à la valeur d’aujourd’hui, on a donc 9,90 euros, 10 euros, ce serait une indexation légitime". En revanche, en Wallonie, la ministre responsable Christie Morreale prévoit le maintien des 150 premiers titres-services à 9 euros.

Pour les autorités, assurer la survie financière du système et améliorer le bien-être des aides ménagères seront les deux défis majeurs à relever dans ce secteur.


Retrouvez notre reportage ce mercredi dès 20h20 sur La Une ou sur Auvio

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