Energie

Interruption potentielle des livraisons de gaz russe : les Belges paieraient plus cher malgré un approvisionnement stable

La Russie ne livre à la Belgique que 6% de son approvisionnement en gaz.

© Belgaimage

Par Maud Wilquin (RTBF Info)

Le 23 mars, le président russe Vladimir Poutine annonçait vouloir recevoir des "pays hostiles" un paiement en roubles et plus en euros ou en dollars pour les livraisons de gaz russe à l’UE. Une façon pour lui de réagir aux sanctions européennes. Suite à l’invasion russe en Ukraine, les Occidentaux ont en effet gelé quelque 300 milliards de dollars de réserves russes détenues à l’étranger. Du "vol", estime le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov. "Il est clair que livrer nos marchandises à l’UE, aux États-Unis, et recevoir des dollars, des euros, d’autres devises, ne fait plus aucun sens pour nous", justifie Vladimir Poutine.

Poutine: pour acheter du gaz russe les pays hostiles doivent ouvrir des comptes en roubles

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Le 31 mars, le président menaçait aussi de couper le robinet aux pays "inamicaux" qui ne suivraient pas sa volonté.

Pour l’économiste Bruno Colmant, le but de la manœuvre est surtout d’augmenter la valeur de la devise russe. "Le rouble était fortement déprécié depuis trois mois", affirme-t-il. Et ça marche. Le 7 mars dernier, 1 dollar valait 140 roubles et 1 euro, 152 roubles. Un record historique de faiblesse que l’on devait entre autres à un possible embargo sur le pétrole russe. Mais entre les menaces d’approvisionnement en gaz et l’annonce des Russes de réduire "radicalement" les activités militaires russes en direction de Kiev et Tcherniguiv en Ukraine, le rouble retrouvait le 29 mars dernier son niveau de fin février. Ainsi, 1 dollar valait 85,64 roubles.

Pas de problème d’approvisionnement pour la Belgique

Mais pour les Européens, il n’est pas question de régler les factures en roubles. Cela constituerait une rupture de contrat. "Si on change les éléments d’un contrat, alors tout se négocie", affirmait au cours d’un sommet européen le 24 mars dernier le Premier ministre belge, Alexander De Croo. "Alors le prix se renégocie aussi ! […] Je ne pense pas que ce soit (pour la Russie) une manière de contourner (les sanctions) mais, s’ils veulent changer les termes du contrat, alors plein d’éléments pourront être discutés."

Face à ce refus, Vladimir Poutine pourrait-il mettre sa menace à exécution ? "C’est possible", nous répond Bruno Colmant, "mais tout le monde serait perdant. Les Russes ne pourraient plus exporter, et nous, nous aurions une coupure."

Les exportations de gaz russe représentent aujourd’hui 45% des importations européennes en la matière. Couper le robinet pourrait donc avoir des répercussions à cette échelle. À l’échelle nationale en revanche, l’économiste se montre beaucoup plus rassurant : "Le gaz belge provient essentiellement de la Norvège (41%, ndlr) et des Pays-Bas (34,5%, ndlr)", assure Bruno Colmant. Seuls 6% de l’approvisionnement belge en gaz proviennent de Russie. Il ne devrait donc pas y avoir de problème d’approvisionnement.

Des propos que confirme également le cabinet de la ministre fédérale de l’Energie, Tinne Van der Straeten (Groen), d’autant que la Belgique "n’utilise qu’un tiers du gaz importé, les deux tiers restants étant destinés à l’exportation." "La situation actuelle montre que la diversification du gaz en provenance de différents pays producteurs est la bonne stratégie et nous permet d’avoir confiance dans la sécurité d’approvisionnement de la Belgique. Même sans le gaz russe, l’approvisionnement est assuré. La Belgique peut facilement importer du gaz naturel d’autres sources par différents canaux, par bateau et par gazoduc, dans toutes les directions possibles."

Et notre pays pourrait aussi voir le transit de gaz en provenance d’autres pays producteurs par nos gazoducs augmenter vers les pays voisins, plus dépendants des importations russes.

Une baisse ou une rupture d’approvisionnement venant de Russie aura un impact sur le prix du gaz naturel en Belgique

"Par contre, les prix du gaz pourraient augmenter et, par définition, ceux de l’électricité aussi puisqu’ils sont calqués sur les prix du gaz", ajoute Bruno Colmant. En effet, comme l’explique Laurent Jacquet, directeur du CREG (la Commission de Régulation de l’Électricité et du Gaz), "puisque le prix du gaz naturel sur les marchés de gros qui servent de référence à la Belgique est fixé au niveau de l’Europe de l’Ouest et est déterminé par le mécanisme de l’offre et de la demande, une baisse ou une rupture d’approvisionnement venant de Russie aura un impact sur le prix du gaz naturel en Belgique." Impossible toutefois de prédire à quel point ces hausses pourraient être importantes.

Enfin pour le cabinet de la ministre Tinne Van der Straeten, si le chantage russe démontre bien une chose, c’est que la Belgique doit devenir plus rapidement indépendante des énergies fossiles russes. "Et cela passera par une accélération de notre transition énergétique", nous assure-t-on. "C’est en ce sens d’ailleurs que le gouvernement a alloué à la transition énergétique un budget supplémentaire de 1,16 milliard d’euros le 18 mars dernier. Plus nous aurons des énergies renouvelables, moins nous serons dépendants de pays comme la Russie et moins les factures seront élevées."

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