La reine d’Angleterre l’a confirmé mardi en annonçant le programme législatif du nouveau gouvernement de Boris Johnson : le Royaume-Uni compte bien interdire les "thérapies de conversion" qui visent les personnes de la communauté LGBTQIA +. Ces pratiques, fondées sur des principes pseudoscientifiques, considèrent l’homosexualité (ainsi que la bisexualité et parfois la transidentité) comme une orientation sexuelle "pathologique" et consistent en plusieurs méthodes censées "réorienter" les personnes homosexuelles ou bisexuelles vers l’hétérosexualité, qui vont de la méditation forcée à des exorcismes parfois très violents.
Ces pratiques sont aujourd’hui majoritairement considérées comme fallacieuses, inefficaces et dangereuses, car elles renforcent les préjugés homophobes et peuvent affecter très durement la santé physique et psychologique des personnes, souvent très jeunes, qui y sont exposées. Si le sujet est régulièrement évoqué aux Etats-Unis, dans les milieux très religieux, il existe aussi en Europe. Pourtant en mars 2018, le Parlement européen a justement appelé les Etats membres à interdire les thérapies de conversion. Pour l’instant, c’est loin d’être le cas partout.
Les pays qui les ont interdites
L’Allemagne a suivi l’avis du Parlement européen puisque les thérapies de conversion y sont interdites depuis mars 2020, pour les personnes mineures et les adultes dans le cas où ils auraient été forcés à les suivre. Il est également interdit de faire la promotion de ces actes auprès du jeune public, sous peine d’être condamné à une peine de prison qui va jusqu’à un an. "L’homosexualité n’est pas une maladie, rappelait à l’époque le ministre fédéral de la Santé, Jens Spahn. Dès lors, le mot 'thérapie' seul est trompeur. Ces prétendues thérapies rendent les gens malades et non meilleurs."
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En votant cette loi, l’Allemagne a rejoint Malte, le seul pays de l’UE à avoir interdit jusqu’alors les thérapies de conversion. L’archipel méditerranéen avait voté une loi en 2016 qui interdit aux médecins et professionnels de santé de prescrire des "thérapies" pour changer l’orientation sexuelle ou l’identité de genre de quelqu’un. Les amendes vont de 5000 à 10.000 euros et jusqu’à un an de prison.
De son côté, l’Albanie n’a pas voté de loi sur le sujet, mais l’ordre des psychologues a statué que ces pratiques étaient interdites en 2020, ce qui selon la Constitution du pays a valeur de loi. Quant à la Suisse, elle n’a pas non plus prononcé d’interdiction officielle, mais les "thérapies de conversion" sont illégales de facto depuis 2006 pour les enfants et 2016 pour les adultes. Elles peuvent être sanctionnées par les autorités cantonales.
Les pays qui les ont (presque) interdites
Dans plusieurs communautés autonomes d’Espagne, les thérapies de conversion sont désormais interdites. Il s’agit des régions de Madrid, de Murcie (toutes deux en 2016), de Valence (depuis 2017), puis de l’Andalousie (2018) et d’Aragon (2019). Au niveau national, aucune loi n’encadre ni n’interdit ces pratiques dans un pays très catholique où certains groupes ont été accusés de proposer des "thérapies". Mais en 2019, la ministre de la Santé Maria Luisa Carcedo Roces estimait qu’il s’agissait de "fake news". "Ils [ces groupes catholiques] enfreignent la loi, ces pratiques doivent donc être complètement abolies en première instance", affirmait-elle.
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Aux Pays-Bas, les "thérapies de conversion" ne sont pas interdites, mais elles ne sont pas considérées comme relevant de la médecine, et ne sont donc pas remboursées par la sécurité sociale. En juin 2020, une étude montrait que 30% des personnes LGBT interrogées avaient expérimenté des "thérapies de conversion". "Ces pratiques ont des conséquences très douloureuses pour les victimes et pour cette raison, elles doivent être écartées", avait réagi le porte-parole du ministre de la Santé, cité par Reuters.
Les pays où le sujet est en discussion
Outre le Royaume-Uni, qui a annoncé qu’il lançait une consultation, notamment auprès des chefs religieux du pays, pour statuer sur l’interdiction des "thérapies de conversion", le sujet est discuté dans plusieurs pays d’Europe. C’est le cas de la république d’Irlande voisine. Une proposition de loi a été votée en 2018, mais elle n’a pas pu être discutée à cause de la dissolution du Parlement en 2020. Cette année, le ministre irlandais chargé de la Protection des Enfants a annoncé que le dossier allait être rouvert. "Nous devons être proactifs dans l’interdiction de pratiques qui non seulement font la propagande de messages violents et discriminatoires, mais ont des conséquences sérieuses sur la santé mentale des jeunes personnes", a-t-il déclaré à The Journal.
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En France, la question est brûlante : de nombreux documents, comme le livre 'Dieu est amour' de Timothée de Rauglaudre et Jean-Loup Adénor en 2019, ont levé le voile sur une pratique répandue dans les communautés spirituelles et notamment catholiques, même si souvent cachées. Depuis, une proposition de loi a été déposée en juin 2020. Le gouvernement s’est dit favorable à une loi, même si elle n’est pas à l’ordre du jour, faute de place, avant la fin du mandat du président Emmanuel Macron, en 2022.
La question des droits des personnes LGBT en Pologne est revenue plusieurs fois dans l’actualité. Avec des zones "sans LGBT", qui refusent de rendre certains services aux personnes discriminées, et des autorisations pour les commerces de les refuser au nom de la liberté religieuse, le pays est depuis longtemps montré comme un des plus homophobes d’Europe. Pourtant, en 2019, une proposition de loi a été déposée par le parti libéral Nowoczesna. A ce jour, elle n’a pas débouché sur une loi. En Italie, un projet de loi a été déposé en 2016, mais il n’a jamais été voté.
Et en Belgique ?
Chez nous, le sujet est rarement évoqué. Pourtant, en 2014, une femme a été brûlée vive lors d’un exorcisme à Anvers, parce qu’elle était lesbienne. "Les témoignages récoltés confirment que ces pratiques existent au sein d’organisations sectaires nuisibles", explique Kerstine Vanderput, directrice du service analyse du Centre d’information et d’avis sur les organisations sectaires nuisibles (CIAOSN), à l’Avenir. Pour l’instant, aucun projet de loi n’a été déposé pour interdire ces pratiques. "En Belgique, à part porter plainte pour discrimination, on ne peut pas encore faire grand-chose", regrettait en 2020 Philippe Artois, coordinateur de l’association LGBT Tels Quels, cité par L’Avenir.