Belgique

Interconnexion des réseaux électriques : le courant passe entre la Belgique et l'Allemagne

La station de conversion de Lixhe est située à l'extrémité belge de la connexion ALEGrO, la liaison entre les réseaux électriques belge et allemands.

© Johan Roggeman - Broadcast Assistance (Elia)

Après une dizaine d’années de travaux et une dépense de 500 millions d’euros, les réseaux électriques d’Allemagne et de Belgique sont enfin reliés, grâce à une ligne à haute tension souterraine. Cette liaison assurera un meilleur approvisionnement énergétique à la Belgique et permettra de mieux valoriser l’énergie renouvelable, notamment celle produite par les éoliennes off-shore de la mer du Nord et de la mer Baltique. La liaison entrera en service le 18 novembre.

L'inauguration officielle de ce projet, baptisé "ALEGrO", s'est tenue ce lundi à Aix-La-Chapelle.  Le premier ministre belge, Alexander De Croo et la Chancelière allemande, Angela Merkel, n'étaient pas présents sur place, contexte "Covid" oblige, mais y assistaient à distance.  

Capable de transporter la capacité de production d’un réacteur nucléaire

La ligne à haute tension s’étend sur 90 km, dont une cinquantaine en territoire belge. A chaque extrémité, une station de conversion, à Lixhe en région liégeoise et à Oberzier, en Allemagne, entre Aix-la-Chapelle et Cologne. Entre ces deux stations, la ligne a été enterrée. En Belgique, pour limiter l’impact pour les 14 communes belges traversées, la ligne suit le tracé des chemins de halage, de l’autoroute ou de la ligne de chemin de fer d’Infrabel.

Dans le sol, deux câbles de 12 cm de diamètre assurent une capacité de transport de 1000 MW (Mégawatts). C’est à peu près l’équivalent de la production d’un réacteur de la centrale nucléaire de Tihange et cela correspond à 1/14e de la consommation électrique belge moyenne. Le câble transporte un courant continu, la technologie la plus adaptée dans ce cas, qui est transformé en courant alternatif dans les cabines de conversion, puisque le courant alternatif est celui qui est le plus utilisé sur le réseau belge. Les travaux qui ont duré dix ans ont coûté un demi-milliard d’euros, à charge égale d’Elia, le gestionnaire du réseau belge et son alter ego allemand, Amprion.

La Belgique est connectée à ses principaux voisins

Le projet ALEGrO est d’une grande importance pour la Belgique. Il lui permet en effet d’être connectée avec l’ensemble des pays voisins. Il y a quasiment deux ans, Elia inaugurait en grande pompe une connexion similaire entre la Belgique et la Grande-Bretagne, une liaison électrique sous-marine baptisée "Nemo", d’une capacité, elle aussi, de 1000 MW. Autant d’investissements qui sont utiles pour améliorer la sécurité énergétique belge et pour accélérer la transition énergétique voulue la Belgique. " Comme tout le monde le sait, l’Allemagne et la Belgique ont posé les mêmes choix stratégiques en termes de production d’électricité : sortir du nucléaire et miser intensément sur les sources d’énergie neutres en carbone. ALEGrO forme le maillon entre ces deux stratégies. Il permettra une meilleure distribution de l’énergie éolienne durant les pics et les creux. Ce projet est particulièrement important dans le sens où il relie notre pays à une région telle que la Rhénanie du Nord-Westphalie, dans le peloton de tête allemand en matière de production éolienne ", a estimé le Premier ministre belge, Alexander De Croo.

En effet, ces interconnexions, qu’il s’agisse d'ALEGrO ou de Nemo ont aussi pour objectifs, outre la sécurité d’approvisionnement, d’intégrer de manière plus efficace les énergies renouvelables au réseau. L’idée est de pouvoir mieux utiliser l’électricité produite par les éoliennes. " Dans un contexte où la Belgique est un petit territoire avec beaucoup de consommation énergétique et peu d’énergie renouvelable, il est vraiment super important qu’elle soit très bien interconnectée avec les autres pays, sinon elle n’aura pas accès aux champs d’énergie renouvelable des autres pays ", explique Damien Ernst, Professeur à l’ULG et spécialiste des réseaux électriques.

Faire baisser les prix

Un autre objectif de cette nouvelle connexion avec un pays voisin, est de permettre d’acheter de l’énergie à meilleur prix, par exemple celle produite dans les champs éoliens de la mer Baltique ou d’exporter plus facilement l’énergie produite par la Belgique. Plus il y a de connexions entre réseaux, plus l’énergie renouvelable est intéressante. " Pour avoir une énergie renouvelable bon marché au niveau européen, il faut avoir un réseau électrique qui permet des échanges massifs. Il y a une règle dans le renouvelable, plus vous connectez les renouvelables sur une grande zone et plus vous pouvez mutualiser les ressources sur une grande zone, plus le problème de fluctuation des renouvelables disparaît. C’est ce problème de fluctuation qui augmente vraiment le prix des renouvelables. Chaque fois qu’on crée une nouvelle connexion électrique, c’est chaque fois une construction qui est faite pour diminuer le prix du renouvelable et faciliter la décarbonisation de notre société ", estime Damien Ernst, Professeur à l’ULG et spécialiste des réseaux électriques. En d’autres termes, plus le réseau électrique européen sera connecté, plus il sera possible, par exemple, d’utiliser en Belgique l’énergie produite en masse par les éoliennes de la mer Baltique lorsque, chez nous, le vent ne souffle pas assez, et vice-versa. Plus il sera possible aussi d’exporter, via la Belgique l’électricité produite par les éoliennes de la mer du Nord.

Les liaisons entre pays ont aussi tendance à favoriser la convergence des prix de l’électricité entre ces pays. Si l’on produit beaucoup d’électricité avec des coûts plus bas dans un pays et que cette électricité peut être exportée en plus grande quantité vers un pays voisin, on s’attend à ce que les prix soient tirés vers le bas dans ce pays également. " C’est toujours difficile de savoir quel sera l’impact sur les prix à la fois en Allemagne et en Belgique. Parfois la Belgique va gagner, elle va pouvoir importer de l’électricité peu cher de l’Allemagne. Parfois ce sera l’Allemagne qui gagnera et pourra importer de l’électricité peu cher de la Belgique ", estime Damien Ernst, de l’ULG. " Les études démontrent que d’un point de vue global, vous gagnez vraiment énormément à créer ces interconnexions ", poursuit Damien Ernst, spécialiste des réseaux électriques.

Cette intégration des réseaux allemand et belge s’inscrit aussi dans un plan plus vaste, celui de l’interconnexion des différents réseaux européens. C’est le projet " European super grid ", un super réseau européen intégré, destiné à couvrir toute l’Union européenne. Un nouveau pas qui devra être suivi d’autres. Selon Damien Ernst, il faudrait doubler, tripler, voire quintupler les investissements dans les connexions entre pays pour permettre une réelle transition vers une décarbonisation de nos économies, grâce à une utilisation massive de l’énergie renouvelable.

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