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Insoumis et écologistes s’unissent : "À 70 ans, Jean-Luc Mélenchon a compris que c’était sa dernière chance"

Insoumis et écologistes s’unissent : "À 70 ans, Jean-Luc Mélenchon a compris que c’était sa dernière chance".

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Par Catherine Tonero

La France insoumise et les écologistes d’Europe Écologie-Les Verts se sont accordés dimanche soir pour former une "Nouvelle Union populaire écologiste et sociale", en vue des élections législatives prévues le mois prochain.

"Nous voulons faire élire des députés dans une majorité de circonscriptions, pour empêcher Emmanuel Macron de poursuivre sa politique injuste et brutale et battre l’extrême droite", écrivent dans un communiqué la France insoumise (LFI) et Europe Ecologie-Les Verts (EELV), qui espèrent maintenant rallier les socialistes (PS) et les communistes (PCF), dans une coalition des partis de gauche.

Un accord historique

"Jamais il n’y avait eu d’accord entre ces deux formations, et il est d’autant plus historique qu’il est probable que cet accord facilite dans la foulée un accord avec les socialistes et les communistes. Cela donnerait, pour la première fois depuis 1997, un accord de l’ensemble des forces de gauche en France", analyse Pierre Mathiot, directeur de Sciences Po Lille.

Le professeur de sciences politiques relève aussi l’ironie d’un accord que les écologistes avaient proposé aux insoumis l’an dernier pour avoir un candidat unique de la gauche à l’élection présidentielle. "Les insoumis avaient refusé cet accord et maintenant ce sont eux qui sont à la manœuvre, parce qu’ils sont en train de comprendre qu’en allant divisés aux élections législatives, ils n’auraient aucune chance de l’emporter. Pire, ils risqueraient d’avoir un nombre de députés très réduit par rapport au poids que pèse l’ensemble de la gauche", soit un peu plus de 30% au premier tour de l’élection présidentielle.

La stratégie Mélenchon

Pour rappel, Jean-Luc Mélenchon est arrivé troisième au premier tour de l’élection présidentielle le 10 avril, avec près de 22% des voix, juste derrière la candidate d’extrême droite Marine Le Pen (23,15%), finalement défaite au second tour, le 24 avril, par le président sortant Emmanuel Macron.

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Dans le discours qu’il prononçait ce soir-là, le leader de LFI avait déclaré ce dernier "président le plus mal élu des présidents de la cinquième République", sur base du vote d'"à peine plus du tiers des électeurs inscrits", exhortant ses soutiens à ne pas se résigner : "La démocratie peut nous donner de nouveau le moyen de changer de cap, le troisième tour commence ce soir". Confirmant sa candidature comme Premier ministre, J.-L.Mélenchon invitait alors à battre Emmanuel Macron dans les urnes, en élisant à la majorité une nouvelle union populaire.

En cas de majorité obtenue, stipule aujourd’hui l’accord conclu avec les écologistes, "le Premier ministre serait issu du plus grand groupe à l’Assemblée, soit Jean-Luc Mélenchon".

Personnaliser l’élection législative

"En règle générale, on constate qu’aux élections législatives qui ont lieu un bon mois après la présidentielle, les électeurs des candidats battus se mobilisent moins que les autres. Ce qui confirme le vote de la présidentielle et donne une large majorité au président", commente Pierre Mathiot.

"Jean-Luc Mélenchon a bien compris, dès son élimination au premier tour, l’intérêt de personnaliser l’élection législative. Il a très vite lancé le slogan "Mélenchon, Premier ministre", et c’est d’ailleurs sa photo qui apparaît sur les affiches qui commencent à sortir. Il sait que la seule chance d’avoir des élus pour la gauche, c’est que les insoumis se remobilisent, et ils ne le feront que s’ils savent que leur candidat a une chance d’y arriver. La seule condition à cela, c’est l’union de la gauche".

"Nouvelle union populaire écologique et sociale"

"Nous souhaitons fédérer sur la base d’un programme ambitieux, toutes les forces qui le partagent, en respectant leur pluralité et leur autonomie", indiquent LFI et EELV désormais rassemblés sous une bannière commune : la "Nouvelle union populaire écologique et sociale". L’investiture des candidats de cette nouvelle formation aura lieu le 7 mai.

Au programme : hausse du smic à 1400 euros, retour à la retraite à 60 ans, blocage des prix sur les produits de première nécessité, planification écologique ou encore VIRépublique. Et sur l’Europe, un compromis qui cherche l’équilibre entre respect de l’Etat de droit et désobéissance à certaines règles européennes (notamment économiques), conformément aux souhaits des insoumis.

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Selon des sources proches des négociations, les écologistes [qui n’ont actuellement pas de députés à l’Assemblée nationale, ndlr] ont eux obtenu dans cet accord l’attribution de 100 circonscriptions pour son camp. "Comme il n’y a à ce stade que les écologistes dans l’accord, les insoumis ont accepté que les écologistes soient les candidats de la gauche dans 100 circonscriptions mais à partir du moment où les socialistes et les communistes peuvent entrer dans l’accord, eux aussi vont demander à obtenir des circonscriptions […] Or plus les alliés de LFI vont avoir des circonscriptions, moins LFI en aura. Et en interne, ça risque de tanguer un peu", prédit Pierre Mathiot.

Bref, alors que les deux forces aujourd’hui rassemblées disent "se donner tous les moyens" pour inclure dans cette alliance le PS et le PCF, la base de cet accord pourrait encore être revu. Mais l’enjeu, aujourd’hui, n’est pas encore là.

12,5% d’électeurs inscrits

"L’enjeu est, en étant le plus uni possible, d’arriver à obtenir au moins 12,5% des électeurs inscrits au premier tour", explique le spécialiste, rappelant que c’est à cette condition qu’un candidat accède au deuxième tour de l’élection législative.

"En l’état actuel des choses, quand on regarde le score total de la gauche au premier tour, ils ne sont pas en situation d’avoir la majorité absolue […] Or, pour que Mélenchon ait une chance d’être Premier ministre, il faudrait que la gauche unie ait la majorité absolue à l’Assemblée nationale, Macron devrait alors le nommer Premier ministre, c’est ce qu’on appelle la cohabitation en France".

 

Il faudrait que des gens qui n’ont pas voté à la présidentielle, se déplacent pour voter Mélenchon.

Pour Pierre Mathiot, cette option ne sera possible qu’à une autre condition : "il faudrait que des gens qui n’ont pas voté à la présidentielle, se déplacent pour voter pour ce candidat […] A toutes ces conditions, il y a une petite chance que Jean-Luc Mélenchon devienne Premier ministre. A 70 ans, il a en tout cas compris que c’était sa dernière chance".

Pendant que la gauche tente de s’unir et la majorité présidentielle de s’organiser, le Rassemblement National a lui commencé à faire campagne avec ses candidats, rappelle en outre le professeur de sciences politiques, sommant de ne pas oublier cette "menace fantôme".

L’enregistrement des candidatures dans toutes les circonscriptions de France aura lieu du 16 au 20 mai. Les deux tours des élections législatives sont eux programmés les 12 et 19 juin prochains.

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