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INSIDE – Le Palais Royal invite-t-il les journalistes tous frais payés pour couvrir ses déplacements officiels ?

Visite de la Reine et de la Princesse Elisabeth en Egypte

© RTBF

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Par Annick Merckx, journaliste à la rédaction Info, pour Inside

La Reine Mathilde et la Princesse Elisabeth en Egypte, La Roi et la Reine en Afrique du Sud,… Les visites royales se sont succédé ces derniers temps, couvertes à chaque fois par la RTBF.

Via la Médiation, un téléspectateur s’étonne en particulier du choix de couverture de la visite en Egypte. Et s’interroge : le Palais Royal paye-t-il les frais de déplacements et d’hôtels ? Si oui, pourquoi n’est-ce pas mentionné ? Si non, pourquoi la RTBF accorde-t-elle une priorité à ce type de voyage au détriment d’une autre actualité ?

La réponse, sur le terrain financier, est celle-ci : la RTBF paye toujours elle-même les voyages de ses équipes - déplacements, hôtels, repas,… Avec quelques précisions : si le voyage officiel se fait à bord d’un des avions du 15e Wing de la Force Aérienne, basés à Melsbroek, le voyage est payé par l’Etat. Pour le logement, payé par la RTBF, il arrive que les ambassades sur place négocient des tarifs plus intéressants avec les hôtels. Quant aux repas, hormis l’un ou l’autre dîner plus "officiel", ou un déjeuner limité parfois à un "lunchpacket", ils sont aussi à la charge de la RTBF.

Pourquoi participer à une visite royale ?

Mais pourquoi décider de se joindre à un voyage royal ou princier ? "Tout d’abord," explique Laurence Brecx, responsable de la Rédaction belge, "il faut savoir que chaque année, il y a une multitude de propositions qui proviennent du Palais. Des visites en Belgique (usines, écoles, projets associatifs,…), des visites à l’étranger.

Si le Roi ou la famille royale se déplacent, cela donne d’office un coup de projecteur sur le lieu qu’ils visitent. Mais c’est à nous de faire le tri et de choisir. On ne les couvre pas tous, il faut un aspect spécifique, qui peut intéresser nos publics. Par ailleurs, cette année est celle des dix ans de règne du Roi Philippe : nous allons, d’office, y accorder une attention plus particulière et cela nous permettra de montrer plus précisément en quoi consiste son travail de souverain".

Choisir de couvrir un déplacement du Palais au détriment d’un autre reportage ?

Choisit-on de suivre la famille royale en déplacement à l’étranger au détriment d’autres projets de reportage ? "Honnêtement, non !" répond Caroline Hick, responsable de la Rédaction internationale. "En moyenne, nous partons en reportage à l’étranger une fois par semaine, toute l’année. Des idées proposées par des journalistes, des responsables éditoriaux, la direction de l’information. Un voyage "officiel" n’arrive pas toutes les semaines, loin de là. Et en tout cas, cela n’empêche pas d’autres reportages de se mettre en place. Peut-être faut-il les postposer à certains moments, mais quoi qu’il en soit, en cas d’urgence (exemple : le tremblement de terre en Turquie et en Syrie), on trouve toujours une équipe, et le financement, pour partir."

Reine et Princesse au pays des Pharaons

Mais revenons à ce voyage royal mère-fille en Egypte : pourquoi ce choix ?

"C’était un voyage de travail, un voyage d’étude à caractère officiel", explique Françoise Baré, responsable éditoriale au sein de la cellule Société, qui a couvert ce voyage. "Pas un voyage officiel à proprement parler". Dans ce cas précis, l’équipe est partie indépendamment de la Reine et sa fille, par ligne régulière. "Il y avait, vraiment, un côté exceptionnel à ce voyage : les cent ans de la Fondation égyptologique Reine Elisabeth, (rebaptisée Association égyptologique Reine Élisabeth-ndlr) qui fut dirigée par Jean Capart, sous le mécénat de la Reine Elisabeth, arrière-arrière-grand-mère de la Princesse Elisabeth".

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Une Princesse qui allait, également, donner sa première interview officielle à l’occasion de cette mission. "Et c’est, quoi qu’on en dise, un événement institutionnel, même si cela relève aussi d’un plan de communication du Palais". Et puis, ajoute cette archéologue de formation, toutes les universités belges ont un site de fouilles important en Egypte, ainsi que les Musées royaux d’Art et d’Histoire.

Égypte : Première interview officielle d Elisabeth

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Une communication balisée

Ce n’est pas lors d’un déplacement de la famille royale belge, que ce soit en Belgique ou lors d’un voyage à l’étranger qu’on va saisir "la" petite phrase ou la mimique qui fera le tour des réseaux sociaux. "Le protocole est bien présent, on ne pose pas de question ex abrupto, tout est extrêmement policé," reconnaît Françoise Baré, "même si on "perche" (capte le son à l’aide d’un micro au bout d’une perche), il n’y a rien à capter, rien qui sorte des sentiers battus, pas de moment d’intimité. Mais lors de l’interview de la Princesse, qui était préparée, les questions données à l'avance, nous avons eu des échanges de qualité". Et une bonne première interview officielle de la future reine. "Après, de notre côté, en discutant avec les collègues, on a du off, et cela nous sert à la mise en contexte, à comprendre, aussi, où veut aller le service communication du Palais, et c’est intéressant".

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Mais il y a aussi parfois des surprises

Ainsi l’exemple cité par Fabien Van Eeckhaut, journaliste à la rédaction belge, de retour de la visite royale en Afrique du Sud : "le Roi sur le skate-board : ce n’était pas prévu du tout ! Au contraire : on nous l’avait dit en off, avant : pas question qu’il grimpe dessus, n'espérez rien! Et puis voilà, contre toute attente, le Roi a décidé d'y aller. Un bon exemple que tout n'est pas figé et décidé à l'avance."  Et que le Roi peut aussi décider d'imprimer son style, hors communication.

Et le journaliste de souligner également la volonté royale d’aller à la rencontre des "vraies gens". Et d’activer son propre agenda : "en Afrique du Sud, le Roi qui a une vraie admiration pour Nelson Mandela, a rencontré hors caméras et micros des activistes anti-apartheid. On l’a su, après. Un Roi qui, plus que son père, et loin du style compassé de son oncle, communique par ses actes et au travers de ses discours (4 en Afrique du Sud) autour de ses centres d’intérêt : les plus défavorisés, l’écologie, les thématiques liées à l’histoire, en particulier la colonisation et l’apartheid".

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Avantages et inconvénients du voyage "organisé"

Faire un voyage "organisé" en délégation officielle (Palais royal, ministres ou ONG) a ses avantages et ses inconvénients. "Côté avantages", relève Laurence Brecx, "cela nous permet d’aller dans des endroits difficilement accessibles pour la presse, par exemple, au niveau sécurité ou accessibilité. Cela peut permettre également de rencontrer des personnalités d’envergure. Mais", nuance-t-elle immédiatement, "ces voyages peuvent aussi être (et sont souvent) extrêmement courts et touffus. Ce qui ne laisse pas forcément le temps de voir autre chose et de sortir d’un discours officiel".

"Il m’est arrivé", ajoute Caroline Hick "de renoncer à traiter un aspect d’une visite officielle car on n’avait tout simplement pas le temps de faire la part des choses, de faire correctement notre travail". "D’où l’intérêt," renchérit Laurence, "d’envoyer des journalistes ou des responsables de l’info qui connaissent déjà bien le terrain pour contrebalancer un discours trop lissé. Et cela vaut tant pour les voyages royaux que pour les voyages ministériels".

Pas des vacances

"Les voyages organisés par le Palais royal sont toujours très denses, plus que les voyages ministériels, confirme Fabien Van Eeckhaut : "ce ne sont pas des vacances, même si on va dans un pays de carte postale. Des journées de boulot de 5 à 21 heures, des déplacements fatigants, des repas au lance-pierres… Pas vraiment la possibilité, ou le temps, d’aller plus loin".

Le programme des voyages ministériels est également passé au crible par la RTBF avant de décider de s’y joindre. "On a une ministre des Affaires étrangères (Hadja Lahbib ndlr) qui voyage énormément. Mais on ne la suit pas si souvent que cela", note Laurence Brecx : "on est allés au Qatar avec elle, par exemple, parce qu’on pensait qu’il en sortirait quelque chose d’intéressant. Tout comme nous sommes allés avec le Premier ministre De Croo et Hadja Lahbib lors de leur voyage gardé 'ultrasecret' jusqu’au dernier moment à Kiev."

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"En général, on a, lors des voyages ministériels un peu plus de latitude, de temps, et la possibilité d’interviewer le/la ministre, forcément," reprend Fabien Van Eeckaut. "Le Roi et la Reine, jamais. Même si des apartés, en off, ont lieu avec la famille royale, en général à l’aller et au retour de ces voyages."

Reste que dans un cas comme dans l’autre, la liberté d’exercer son métier de journaliste est totale. "Ce voyage en Afrique du Sud a été en demi-teinte", explique Fabien Van Eeckhut. "La voilure a été réduite à cause de problèmes intérieurs au pays. Notre collègue du Het Laatste Nieuws en a fait écho dès le lendemain. Nous aussi, en télé, en radio et sur le site, nous en avons fait part. On n’est pas là pour donner une image expurgée, mais relater ce qu’on voit. Après, il arrive qu’on en discute avec le service de communication du Palais, qui suit notre travail. Une équipe de communication moderne et bien consciente également des impératifs journalistiques : les besoins de la presse écrite, de la télé, de la radio, sont pris en compte. Et le Palais est actif sur les réseaux sociaux."

"Comme disait mon prof (et ancien journaliste RTBF) Jean-Jacques Jespers, résume Françoise Baré, "on a un devoir d’ingratitude. Ce n’est pas parce qu’on est "invité" qu’on doit perdre notre esprit critique".

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