Inondations 2021

Inondations : quatre sinistrés sur dix toujours dans l’attente des assurances, "On n’a toujours pas de nouvelles, ça fait six mois"

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Par Marianne Klaric

"Voilà, c’est ce qui reste de la boulangerie, nous explique Françoise De Groote, la patronne. Ici c’était le comptoir, ici, il y avait mes pains, des armoires… Quand on est descendus, les armoires étaient parties par là-bas, le comptoir en marbre était soulevé […] l’expert est venu, il a dit qu’il fallait tout arracher…"

C’était le 14 juillet, ou le 15, elle ne sait plus vraiment. Six mois après la catastrophe, la boulangerie Louis, à Angleur (Liège) n’est toujours pas rouverte. L’assurance n’a pas encore clôturé le dossier. "Franchement, je ne pensais pas que ça durerait aussi longtemps, dit Michel Louis, le mari de Françoise, je peux comprendre que je ne suis pas le seul à être inondé […] j’espérais qu’en tant que petit commerçant, je serais prioritaire, mais c’est plutôt le contraire. Mon courtier m’a dit que c’était plus compliqué d’estimer la valeur des machines et tout ça".


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Un tour de l’atelier suffit à comprendre l’ampleur des dégâts : "Voilà, les machines, plus rien ne fonctionne, poursuit l’artisan-boulanger, tout est à refaire. Depuis six mois, je descends tous les jours dans mon atelier, ça me rend malade, ça s’aggrave avec l’humidité…".

Ce matin, il est allé aux nouvelles chez son courtier. Il a dû renvoyer des devis qu’il avait déjà fournis. Il n’y comprend plus rien. "Ça n’a pas encore bougé, il va renvoyer les devis que le lui ai donné et on attendra des nouvelles de l’expert…".

Trop de devis et trop d’expertises

"Ces retards dans les dossiers s’expliquent par la quantité de sinistres, nous dit Nevert Degirmanci, porte-parole d’Assuralia, l’union professionnelle des compagnies d’assurances. Il y a tellement de devis à faire que les artisans sont débordés, ensuite, il y a souvent des contre-expertises, demandées soit par l’assureur, soit par l’assuré, et enfin, il faut le temps que les maisons sèchent, on ne peut pas aller trop vite dans l’évaluation des dégâts".

Assuralia a fait les comptes : 60% des sinistrés, toutes catégories confondues, voitures, habitions et petits commerces ont été indemnisés.

Toute une famille sans emploi

"Le chômage est dégressif, explique Cassandre Louis, au début c’est 70% et puis ça diminue. Si on rouvre dans six ou sept mois, qu’est-ce que je vais faire. Je vais finir avec rien ".

"On n’a plus rien, il faut tout reconstruire, nous dit Michel Louis, tout redémarrer. Après une fermeture d’un an (ndlr : le temps des travaux), qu’est-ce qu’on va récupérer comme clientèle ? La clientèle avoisinante peut-être, mais ceux qui venaient de plus loin ? Est-ce qu’ils n’auront pas pris de nouvelles habitudes ?"


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A Ensival, le dossier de l’assurance enfin clôturé

A une demi-heure d’Angleur, dans la commune verviétoise d’Ensival, dans la rue A. Snoeck, toutes les maisons ont été sinistrées. Chez Charlotte Hodiaumont, il y a eu plus de quatre mètres d’eau. Les meubles ont été soulevés jusqu’au plafond, même le vieux bureau, "qui pesait une tonne", la machine à laver, le congélateur, tout a volé. Tout est détruit. Après six mois d’un combat épuisant avec la compagnie d’assurances, ça y est enfin le dossier a été accepté. Si tout va bien, la famille de Charlotte touchera l’indemnité, et les travaux pourront enfin commencer.

"Ça a été très dur, raconte la jeune mère de famille. Quand on envoyait un mail, on attendait un mois pour avoir une réponse, pas toujours complète, on devait redemander des précisions, et on attendait encore trois ou quatre semaines pour avoir une nouvelle réponse, là aussi, pas toujours complète. Cela concernait les devis".

Vos châssis, il suffit de les nettoyer un peu

Et quand le devis était accepté, l’argent n’était pas versé au fur et à mesure, il fallait attendre que l’expert vienne encore une fois. Impossible de commencer les travaux dans ces conditions. "Et pour chaque demande, il a fallu batailler, ajoute Charlotte, pour les châssis, on nous disait, il suffit de les nettoyer un peu, alors que le châssis, qui venait d’être posé, est maintenant bombé. Quand on l’ouvre, il y a encore de l’eau qui en sort, les quincailleries vont rouiller, si on ne fait pas appel à des gens qui s’y connaissent, on se fait avoir. Il y a quand même un minimum de décence à avoir pour que les gens puissent se reconstruire".


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La famille Hodiaumont a dû se reloger. Au début l’assurance payait une indemnité pour le loyer, mais cela n’a duré que trois mois : "On nous a dit, ce n’est qu’une inondation, ce n’est pas un gros sinistre. Vous n’aurez que trois mois. Si vous avez une réclamation, envoyez un mail. On n’a jamais eu de réponse".

Les économies ont fondu

Entre le loyer et le remboursement du prêt hypothécaire, leurs économies ont fondu. Les dégâts sont tellement importants dans la maison, que les travaux, une fois commencés vont prendre des mois.

"Regardez, ici, c’était la chambre de ma fille", nous montre Charlotte. Il ne reste que quatre murs nus, des poutrelles au sol, des trous au plafond. Et dans la maison, tout est à l’avenant. Même le mur du jardin a été arraché. A l’étage, seules deux pièces ont été préservées. Mais il n’y a plus de chauffage, plus d’eau dans la salle de bains, plus un meuble. "Si on était sans les filles, on aurait pu camper et se laver au lavabo, mais avec les petites, ce n’est pas possible".

" En tout, on a eu une avance de 7500 euros, mais on n’a plus rien. On a dû avancer 6000 euros pour la chaudière, 1600 euros pour le nettoyage de la cave et 2500 pour l’électricité. Sans compter les déshumidificateurs et les produits de première nécessité. On a très vite dépassé ce montant. Nos économies ont fondu ".

Dans la maison il y a cinq déshumidificateurs. Deux fois par jour, il faut les vider. Il en ressort encore des litres d’eau.


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Charlotte nous montre une vidéo, sur son téléphone. Son mari, la plus petite de leurs filles sur les épaules, qui quitte la maison sous eaux. Elle filme la scène, en emmenant la plus grande. "Un policier nous a dit, emportez ce que vous pouvez et partez, ça va continuer à monter. On n’aurait jamais cru que l’eau serait montée à ce point. On est partis à temps".

Si tout va bien, l’assurance versera l’argent à la fin du mois de janvier. Les travaux pourront alors commencer, s’il n’y a pas trop de retard chez les entrepreneurs. "Peut-être qu’on pourra revenir à la maison d’ici à la fin de l’année. On avait pensé vendre. Mais qui achèterait dans une zone à ce point sinistrée ?", conclut Charlotte.

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