À l’occasion de notre journée spéciale "6 mois après les inondations" qui ont gravement touché la Belgique, La Première a reçu Jacques Teller, professeur d’urbanisme à Liège, où il dirige le laboratoire LEMA (Local Environment Management and Analysis). On sait que le changement climatique va apporter plus d’épisodes pluvieux intenses comme on en a connu en juillet dernier. Est-ce qu’on peut dès lors aménager notre manière de vivre, aménager le territoire pour éviter que se reproduise la catastrophe du 15 juillet ?
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Donner d’avantage de place aux cours d’eau
"Je pense qu’il faut effectivement envisager la manière dont on peut aménager le territoire pour répondre à ce type d’événements, non seulement pour répondre aux risques d’inondations, mais également aux risques de sécheresse. Ça fait également partie du changement climatique et il faut le prendre en compte. Dans ce cadre-là, il y a deux types d’actions qui peuvent être mises en place. Premier type d’action, c’est dans les fonds de vallée, et en particulier dans un fond de vallée comme celui de la Vesdre, extrêmement vulnérable parce que les bâtiments sont extrêmement près des cours d’eau, voir comment on peut donner davantage de place aux cours d’eau. Et par ailleurs, sur les versants, sur les plateaux, voir comment on peut mieux aménager ces versants de manière à éviter que l’ensemble des eaux qui sont récoltées sur les plateaux déboule directement dans les fonds de vallée."
Aussi travailler sur les cultures et forêts
Arrêter de bétonner le haut pour que l’eau n’arrive pas en bas, est-ce une partie de la solution ?
"Ça fait partie des choses qui doivent être prises en considération, mais je voudrais insister sur le fait que ce n’est pas seulement sur les nouvelles constructions qu’il faut agir, c’est également sur le bâti existant. Quand vous dites d’arrêter de bétonner le haut, je pense que c’est aussi de voir comment on réaménage les zones déjà urbanisées sur les plateaux, de manière à garder l’eau à la source. Par ailleurs, ce ne sont pas uniquement les zones urbanisées. Si vous regardez le bassin versant de la Vesdre, les espaces urbanisés représentent 10 à 15% de la superficie totale. Il faut aussi travailler sur les composantes agricoles et forestières."
Faudrait-il, au final, arrêter de construire des habitats près des cours d’eau ?
"Je crois qu’on continuera à construire près des cours d’eau. C’est ce qu’on observe dans le monde entier et c’est ce qu’on observe également en Belgique. Les cours d’eau restent des endroits attractifs pour la population et pour les activités. La question est de savoir comment on peut construire à proximité des cours d’eau. Évidemment, il ne s’agit pas de répéter les erreurs du passé. Par ailleurs, il faut pouvoir corriger le territoire tel qu’il existe, pouvoir voir quels sont les bâtiments qu’il convient de reconstruire tels qu’ils étaient et ceux qu’il ne faudrait pas reconstruire tels qu’ils étaient. Et dans ce cadre-là, les nouvelles constructions ont un rôle à jouer dans la mesure où elles permettent effectivement de réinvestir dans des endroits qui demandent ce type d’aménagement."
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