Inondations 2021

Inondations en Belgique, six mois après : comment aménager notre manière de vivre aux abords des cours d’eau ?

À l’occasion de notre journée spéciale "6 mois après les inondations" qui ont gravement touché la Belgique, La Première a reçu Jacques Teller, professeur d’urbanisme à Liège, où il dirige le laboratoire LEMA (Local Environment Management and Analysis). On sait que le changement climatique va apporter plus d’épisodes pluvieux intenses comme on en a connu en juillet dernier. Est-ce qu’on peut dès lors aménager notre manière de vivre, aménager le territoire pour éviter que se reproduise la catastrophe du 15 juillet ?


►►►Retrouvez notre dossier spécial : inondations en Belgique, 6 mois après


Donner d’avantage de place aux cours d’eau

"Je pense qu’il faut effectivement envisager la manière dont on peut aménager le territoire pour répondre à ce type d’événements, non seulement pour répondre aux risques d’inondations, mais également aux risques de sécheresse. Ça fait également partie du changement climatique et il faut le prendre en compte. Dans ce cadre-là, il y a deux types d’actions qui peuvent être mises en place. Premier type d’action, c’est dans les fonds de vallée, et en particulier dans un fond de vallée comme celui de la Vesdre, extrêmement vulnérable parce que les bâtiments sont extrêmement près des cours d’eau, voir comment on peut donner davantage de place aux cours d’eau. Et par ailleurs, sur les versants, sur les plateaux, voir comment on peut mieux aménager ces versants de manière à éviter que l’ensemble des eaux qui sont récoltées sur les plateaux déboule directement dans les fonds de vallée."

Aussi travailler sur les cultures et forêts

Arrêter de bétonner le haut pour que l’eau n’arrive pas en bas, est-ce une partie de la solution ?

"Ça fait partie des choses qui doivent être prises en considération, mais je voudrais insister sur le fait que ce n’est pas seulement sur les nouvelles constructions qu’il faut agir, c’est également sur le bâti existant. Quand vous dites d’arrêter de bétonner le haut, je pense que c’est aussi de voir comment on réaménage les zones déjà urbanisées sur les plateaux, de manière à garder l’eau à la source. Par ailleurs, ce ne sont pas uniquement les zones urbanisées. Si vous regardez le bassin versant de la Vesdre, les espaces urbanisés représentent 10 à 15% de la superficie totale. Il faut aussi travailler sur les composantes agricoles et forestières."

Faudrait-il, au final, arrêter de construire des habitats près des cours d’eau ?

"Je crois qu’on continuera à construire près des cours d’eau. C’est ce qu’on observe dans le monde entier et c’est ce qu’on observe également en Belgique. Les cours d’eau restent des endroits attractifs pour la population et pour les activités. La question est de savoir comment on peut construire à proximité des cours d’eau. Évidemment, il ne s’agit pas de répéter les erreurs du passé. Par ailleurs, il faut pouvoir corriger le territoire tel qu’il existe, pouvoir voir quels sont les bâtiments qu’il convient de reconstruire tels qu’ils étaient et ceux qu’il ne faudrait pas reconstruire tels qu’ils étaient. Et dans ce cadre-là, les nouvelles constructions ont un rôle à jouer dans la mesure où elles permettent effectivement de réinvestir dans des endroits qui demandent ce type d’aménagement."


►►► Six mois après les inondations, la crue de la Vesdre n'en a pas fini avec la vallée et ses habitants


Une réflexion collective pour la reconstruction des bâtiments

On sait qu’il y a beaucoup de maisons le long de la Vesdre, de l’Ourthe et de la Meuse qui datent d’il y a plus de 50 ans. Qu’est-ce qu’on fait avec ces bâtiments-là pour les protéger d’éventuelles nouvelles inondations ?

"75% des bâtiments qui sont dans la zone inondée du bassin versant de la Vesdre datent d’avant 1950. La priorité est donc de voir ce qu’on va faire avec ces bâtiments. Il y a des bâtiments qui sont quasiment les pieds dans l’eau, très vulnérables, très fragiles, qui ont été fortement impactés et par rapport auxquels il faut se poser la question de la reconstruction. Cette réflexion ne peut pas se faire de manière générale, on ne peut pas donner une réponse par noir ou blanc pour l’ensemble des bâtiments qui sont dans cette situation."

"Il faudra étudier par ensembles de bâtiments, voir s’il convient ou non de reconstruire à l’identique. Un des risques est de voir des reconstructions s’opérer bâtiment par bâtiment, en fonction de ce que les propriétaires pourront retrouver au niveau des assurances. Je crois que ce serait très dommageable pour l’ensemble de la vallée. Il y a donc une réflexion collective à mener sur ces ensembles de bâtiments. Et par ailleurs, il y a toute une série d’autres bâtiments par rapport auxquels il faut adopter des mesures de protection. Et pour ces bâtiments, il y a déjà une série de références qui existe. La première protection, c’est d’éviter que l’eau ne rentre lorsqu’on voit des inondations qui se développent. Et par ailleurs, lorsque l’eau rentre, il faut limiter les dégâts. Ces deux types de stratégies — éviter que l’eau rentre et limiter les dégâts — sont aujourd’hui bien décrites et peuvent être mises en place. On ne parle évidemment pas de niveaux d’inondation de 1,50 mètre à deux mètres comme ceux qu’on a eus ici en juillet, mais pour des niveaux d’eau de 30 à 60 cm, elles sont très efficaces."


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Est-ce qu’on est prêts aujourd’hui en Wallonie à faire face au changement climatique et aux conséquences de ce changement climatique, ou bien il faut tout changer et c’est un investissement quasi irréaliste ?

"Je pense qu’on doit davantage consacrer d’efforts pour les mesures d’adaptation au changement climatique. C’est là la difficulté actuellement : on doit à la fois investir pour l’atténuation et éviter d’émettre davantage de gaz à effet de serre, et dans un autre temps, au vu de la vitesse du changement climatique, nous devons aussi adapter notre territoire aux modifications auxquelles nous aurons à faire face."

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