Nutrition

Ingrédient de base hier, la levure nous nourrira demain

Ingrédient de base hier, la levure nous nourrira demain.

© Beachmite Photography

Temps de lecture
Par RTBF avec ETX

Dans le pain, le vin ou la bière, on ne peut pas faire sans elle : la levure. Sans connaître les principes de la fermentation, les premiers hommes savaient déjà comment tirer le meilleur parti de ce micro-organisme.

A l'heure où l'on cherche une solution pour nourrir dix milliards d'êtres humains à l'horizon 2050 tout en amoindrissant les émissions de gaz à effet de serre engendrées par les chaînes de production alimentaires, on compte sur ce champignon vieux comme le monde pour sculpter la texture autant que le goût et l'odeur des aliments de demain.

Des Babyloniens à Louis Pasteur

Découvert et décrypté par Louis Pasteur en 1857, ce processus de fermentation qui génère dioxyde de carbone et éthanol est à l'origine aussi bien de l'odeur que du goût du pain, souligne Lesaffre, le géant français de la production de levure dans le monde, basé à Marcq-en-Baroeul (Nord). Attention toutefois à ne pas confondre la levure fraîche de boulanger avec la levure chimique, qui est constituée d'un mélange de bicarbonate de sodium, d'acide tartrique et d'amidon. Ce n'est pas de la levure à proprement parler et les Anglais l'ont bien compris puisqu'ils font la distinction entre "baking powder" ("poudre à lever") et "yeast" ("levure").

Si le rôle majeur des levures n'est connu que depuis peu de temps, cela fait pourtant plus de 5000 ans que l'Homme en utilise.

Leur existence remonte même à 16000 ou 14000 ans lorsqu'en provenance de Chine, elles partent à la conquête du monde.

De pain ou de bière, c'est la même chose : les pouvoirs des Saccharomyces cerevisiae étaient jadis reliés à un phénomène divin. Dès le début de l'Histoire de l'humanité, elles permettent d'abreuver et d'alimenter diverses communautés. D'abord les Babyloniens, qui signent les toutes premières recettes de bière tandis que dans l'actuelle Géorgie, on s'en sert pour fabriquer du vin. On enfouit sous terre de grandes jarres en forme d’œufs dans lesquelles on rassemble le jus de raisin avec les peaux, les pépins et les rafles et on laisse fermenter durant de nombreux mois. Non seulement la levure Saccharomyces cerevisiae permet de transformer les sucres en alcool mais elle participe aussi à la production de composés aromatiques donnant du goût au breuvage qui deviendra plusieurs siècles plus tard un symbole christique.

En Egypte, où l'on consomme de la bière épaisse au goût de gingembre et de miel, on invente une autre recette fermentée : le pain. L'histoire raconte qu'un mélange d'eau, de lait, d'orge et de millet aurait été oublié mais aurait tout de même été cuit, donnant naissance à la toute première pâte au levain. Dans la Grèce antique, on fait fermenter la pâte en utilisant de la soude ou du jus de raisin. Et puis, 200 ans avant Jésus-Christ, les Grecs enseignent aux Romains les principes d'utilisation de la levure de bière.

La levure, c'est (aussi) de la nourriture !

Ce n'est pas seulement parce qu'ils contiennent beaucoup de vitamines que l'on recommande des compléments alimentaires à base de levure aux végétaliens ou pour réparer la flore intestinale lorsque des antibiotiques ont mis à mal le microbiote.

Ingrédient de base de recettes millénaires, la levure est elle-même de la nourriture. Elle est en effet constituée entre 45 et 50% de protéines et contribue à apporter de l'énergie à l'organisme. Dans la revue Cell Systems, on a ainsi appris en 2018 que dans une seule cellule de levure de boulanger, il pouvait y avoir environ 42 millions de protéines selon les recherches du Centre de recherche cellulaire et biomoléculaire Donnelly de l'Université de Toronto.

D'habitude, on pense d'abord à remplacer les protéines animales par des protéines végétales contenues dans les pois, le soja ou les légumineuses. Outre la présence d'une liste importante d'additifs dans diverses recettes de steaks végétaux, la question de l'empreinte carbone de la culture de soja pose aussi un problème environnemental : la plante fait partie de l'accord historique pris par l'Union européenne début décembre pour interdire l'importation d'aliments dont la production a contribué à la déforestation.

Levure en 3D dans l'espace ?

Récemment, la start-up Yeasty a levé des fonds pour concrétiser son projet de valoriser les déchets contenus dans le fond des cuves des brasseries pour en extraire une levure protéinée sous forme de farine. Contenant entre 50 et 60% de protéines, cette matière pourrait être utilisée dans des alternatives végétales à la viande mais aussi dans des biscuits ou des fromages végans.

D'ores et déjà, on sait que l'on nourrira les voyageurs de l'espace avec une alimentation à base de la fameuse levure Saccharomyces cerevisiae. Au moyen de la technologie d'impression alimentaire en 3D, la levure pourrait alors devenir le maillon d'une chaîne de production capable de reproduire aussi bien les couleurs que les textures ou les odeurs des aliments que l'on consomme sur Terre.

La fermentation produira les aliments du futur

En Finlande, la start-up Solar Foods s'est inspiré d'une technologie déployée par la NASA dans les années 60. Cela consiste à cultiver des microbes à l'aide de CO2, de bulles d'hydrogène et de nutriments.

A force d'être stimulées, ces bactéries rejettent des protéines que l'on peut isoler puis déshydrater pour obtenir une poudre hyper protéinée.

On croirait une histoire de science-fiction et pourtant, Singapour vient bel et bien d'autoriser la commercialisation de ce produit à l'horizon 2024...

Inscrivez-vous aux newsletters de la RTBF

Info, sport, émissions, cinéma...Découvrez l'offre complète des newsletters de nos thématiques et restez informés de nos contenus

Sur le même sujet

Articles recommandés pour vous