Informer en 1 minute : le challenge des journalistes de Mise à Jour sur TikTok

Comme pour la plupart des journalistes RTBF, la journée commence à 9h, par une petite réunion d’équipe… plutôt informelle. "On est tout le temps à trois dans le même bureau donc on échange en permanence", explique Sara Brarou, social editor du compte. L’équipe aborde les chiffres de la vidéo postée la veille. "Elle n’a pas trop marché", commente Pierre Galhaut, journaliste. "On considère qu’en-dessous de 10.000 vues, c’est un échec. On est contents à partir de 100.000 vues". Le dernier carton en date, c’est la vidéo de l’audience du boss de TikTok, justement. Elle s’approchait du million de vues. "C’est logique qu’elle soit poussée par TikTok vu qu’elle parle plutôt positivement de son boss. Cependant, la vidéo du conflit entre la Chine et Taiwan cartonne aussi. Et ça, ça nous étonne un peu plus."

Pour l’équipe, cette dernière vidéo est un bon contre-exemple face aux détracteurs de l’info sur TikTok, souvent accusée d’être une plateforme 'vide' et uniquement divertissante. "Il y a souvent des stéréotypes sur les ados, on pense qu’ils ne s’intéressent à rien", déplore Laura. " Ce genre de vidéos prouve le contraire. Les vidéos qui marchent, elles sont dans l’info, explicatives". Mise à jour s’adresse à un public difficile à convaincre : les ados entre 12 et 17 ans. "Mon job, c’est que ces ados apprennent quelque chose, dans chaque vidéo. Certaines personnes considèrent que l’info, c’est uniquement la grande enquête. Mais ça, c’est une niche et c’est une vision très fantasmée du journalisme. Expliquer rapidement et efficacement un concept à un ado, c’est un défi stimulant".

Laura a rejoint l’équipe Mise à jour en décembre 2022, elle a dû repenser sa façon de travailler, après une expérience au JT et chez Vews. "Quand j’écris mon texte ; je me pose la question : est-ce que j’ai appris quelque chose ? Est-ce que mes cousins de 14 ans ont appris quelque chose ? On peut raconter une info de façon drôle et c’est ça qui est chouette avec TikTok".

"On est un peu les Jamy de la RTBF", plaisante Pierre en référence à l’animateur de l’émission "C’est pas Sorcier".

La réunion du matin se poursuit avec quelques idées de sujets puis chacun avance sur son travail, devant son PC. Laura produit la vidéo qui sortira le jour même, sa journée va donc être plus intense que celle de Pierre. "La pression de la production est répartie chaque jour entre les deux journalistes", explique Sara. "Si Laura travaille sur la vidéo du jour, Pierre est plus cool et avance sur le sujet de demain. Et demain, ce sera l’inverse". À 10h30, l’équipe descend dans le 'patio radio' pour rencontrer des adolescents qui visitent la RTBF.

Pour Pierre, Sara et Laura, ces rencontres directes avec leur cible sont une aubaine. "On leur demande ce qu’ils consomment comme médias, ce qu’ils voudraient voir sur notre compte. Ça nous donne des idées de sujets". Pendant une heure, l’équipe va échanger avec des ados entre 14 et 15 ans. Une question revient de façon récurrente : la rémunération de la RTBF sur TikTok. "Il faut qu’on fasse un sujet là-dessus ", décide Sara. " Les ados pensent que la RTBF touche de l’argent de TikTok, comme un influenceur. On doit leur expliquer qu’on est journaliste, soumis à une déontologie très stricte et qu’en plus, on est un service public. On ne touche pas 1 euro de TikTok".

Après une petite photo souvenir, l’équipe remonte dans son bureau. Le travail de Pierre et Laura est très différent de celui des autres journalistes puisqu’ils font tout eux-mêmes, sans cameraman ou monteur : écriture, tournage (avec un Iphone) et montage (sur leur PC). "J’aime bien mettre les mains dans le cambouis, produire, être au four et au moulin. Je trouve ça vraiment cool de tout faire de A à Z. J’ai tout appris grâce à des tutos sur Youtube et en pratiquant beaucoup", explique Pierre, qui a travaillé trois ans sur Vews avant de rejoindre Mise à jour. "Moi depuis que je suis petite, je tourne des vidéos avec mes sœurs, je fais du montage", raconte Laura. "Il faut être débrouillarde et autodidacte. Ce que je préfère, c’est la créativité qu’on peut mettre dans nos vidéos, c’est notre signature".

Pierre et Sara partent en pause lunch, Laura mange devant son PC car elle doit terminer son montage à 16h. Aujourd’hui, elle produit une vidéo tout en images, où elle posera sa voix. Parfois, elle passe devant la caméra pour une vidéo 'incarnée", un exercice qu’elle a dû apprivoiser. "Ce n’est clairement pas mon exercice préféré. J’étais très stressée au début mais maintenant, je le fais avec plaisir quand le sujet s’y prête".

À l’inverse, Pierre a toujours aimé se mettre en scène et le fait avec une certaine facilité. "J’ai toujours bien aimé faire le clown", sourit le journaliste. "J’ai fait de la scène enfant. J’ai été dans des chorales, j’ai fait du seul en scène devant 500 personnes quand j’avais 7-8 ans. J’aime bien divertir, faire sourire, intéresser". Le modèle de Pierre, c’est David Castello-Lopes. " Il fait des vidéos très drôles grâce auxquelles tu apprends beaucoup. C’est toute la difficulté : rendre des sujets intéressants, drôles, captivants et ne pas avoir peur du ridicule. Je pourrais être encore plus dans la folie, dans le second degré mais il y a quand même une pression du milieu qui sous-entend que les journalistes doivent être sérieux. Si l’humour permet de parler aux jeunes et de leur apprendre quelque chose, c’est gagné pour moi".

À 16h, Laura a fini sa vidéo. Elle l’envoie pour validation à Sara et Mehdi Kehlfat, le manager de l’équipe. "Je suis contente de ce que j’ai fait. Comme d’habitude, je me dis que j’aurais aimé donner encore plus d’informations mais je dois faire des choix pour que ça reste dans le format".

La vidéo est validée et publiée par Sara. C’est elle qui sera en charge de modérer et vérifier les commentaires. "Les interactions sont souvent intéressantes, les ados posent des questions, demandent des précisions. On leur répond d‘égale à égale".

La journée se termine vers 17h30, l’équipe a un dernier mot avant de fermer le bureau. "Ce qui est vraiment cool avec le journalisme sur les réseaux sociaux, c’est qu’on doit toujours se remettre en question. On doit s’intéresser aux nouveaux formats, aux nouvelles tendances, apprivoiser un langage sans jouer un rôle de 'vieux qui joue au jeune'. On ne peut pas rester sur nos acquis et nos croyances. Je suis certaine que si on montrait nos productions à des personnes plus âgées, elles apprendraient des choses et aimeraient ce dynamisme".

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