Le président de l’organe représentatif du culte musulman en Belgique annonce qu’il ne veut plus des subsides de l’état. Il dit en avoir "marre de l’ingérence politique" dans l’Exécutif des Musulmans. Du coup, Déclic a voulu en savoir davantage sur le fonctionnement de cette institution qui a enchaîné les polémiques depuis sa création.
Pour Caroline Sägesser, chercheuse au CRISP, et spécialiste des cultes, le constat est clair : "cet exécutif n’a jamais bien fonctionné depuis sa création, en 99" au point, selon elle, que l’on peut se demander si ce modèle d’un organe " chef de culte " peut vraiment fonctionner pour l’Islam.
Un trait d’union entre l’Etat et le culte islamique
Revenons sur le sens même d’avoir un tel exécutif chez nous. C’est lié au fait que la religion musulmane est un culte officiellement reconnu en Belgique. Il fallait donc une instance qui représente cette confession pour toute une série d’enjeux liés à sa reconnaissance officielle : la reconnaissance des Mosquées et le contrôle de leur budget, la reconnaissance des Imams (salariés par l’Etat belge, au titre de ministres du culte), l’agréation des enseignants de religion islamique ou encore l’agréation des aumôniers.
Le problème, c’est que contrairement à la religion Catholique romaine, par exemple, il n’y a pas, dans l’Islam sunnite (le plus représenté chez nous) de véritable hiérarchie. Chaque Mosquée jouit d’une grande autonomie.
Il a donc fallu construire un mécanisme complexe d’élection, au départ des Mosquées, tenant compte des puissantes fédérations de Mosquées qui sont encore très connectées aux pays d’origine de la plupart des Musulmans de Belgique : la Turquie et le Maroc.
Une influence étrangère encore très forte
Cette influence, elle se matérialise notamment à travers un organe lié à l’Exécutif des Musulmans de Belgique, à savoir le Conseil de coordination des institutions islamiques de Belgique. Dans ce conseil, on retrouve la Diyanet (l’administration religieuse turque, directement liée à Ankara), le Millî Görüs (association très proche de l’AKP, le parti d’Erdogan, au pouvoir en Turquie), on trouve aussi le Rassemblement des Musulmans de Belgique qui, lui, représente plutôt l’Islam marocain en étant financé directement depuis le Maroc.
Le lien avec les pays d’origine reste donc très fort, au point qu’il a fallu imaginer un système d’alternance à la présidence de l’exécutif (des mandats coupés en deux) pour partager le pouvoir entre musulmans marocains et turcs. " Vous vous rendez compte, précise un très bon connaisseur de l’exécutif, lui aussi musulman, on a encore en 2021 une vraie ethnicisation de l’Islam chez nous ". Pas simple de faire émerger un vrai Islam de Belgique dans ces conditions. " Un exemple ? ajoute une autre source préférant aussi rester discrète, il y a quelques années on a voulu développer une formation des Imams au départ de l’exécutif, mais les représentants turcs se sont arrangés pour faire capoter le projet, estimant que les Imams devaient continuer à être formés en Turquie ".
Les élections de 2020 se tiendront en 2022
Et ce ne sont pas les seuls problèmes dénoncés par ceux qui suivent de près le chemin chaotique de l’EMB. " Ce n’est quand même pas normal que ce soient quelques personnes qui décident de tout, que l’on retrouve à tous les niveaux de décision, pour une gestion qui n’est pas très professionnelle, ni à la hauteur des attentes " ajoutent plusieurs sources convergentes.
Le président de l’exécutif, Mehmet Üstün, lui, rejette ces critiques. " Il n’y a que ceux qui s’engagent qui se font critiquer ", lâche-t-il, agacé. Sur les influences étrangères (notamment pointées aussi par la sûreté de l’État), sur les accusations récurrentes de dysfonctionnement ? " C’est une volonté du cabinet du ministre de la justice de nous déstabiliser pour pouvoir s’ingérer dans la gestion du culte islamique, en Belgique ". Quant à l’organisation des élections pour le renouvellement de l’EMB qui devaient déjà avoir lieu en 2020 et qui n’ont toujours pas eu lieu, Mehmet Üstün estime qu’elles pourront se tenir au début de l’année prochaine, en 2022 et plaide les circonstances atténuantes du COVID pour ce très long report.
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