Pourquoi ce bâtiment plus que centenaire, situé dans un parc classé, est quasiment laissé à l’abandon et ne bénéficie pas de travaux urgents de rénovation ? Depuis la fin, en mars 2019, de la concession ayant permis à l’Arabie saoudite de gérer la mosquée et le centre culturel islamique du Cinquantenaire depuis 1967, le bâtiment est entre les mains de l’AGMB, l’Association de gestion de la grande mosquée. En son sein, notamment, des représentants de l’Exécutif des musulmans de Belgique, l’académie de formations des imams, un comité de gestion provisoire du lieu de culte, mais aussi des représentants des SPF Justice, Intérieur, de la Régie fédérale des Bâtiments, propriétaire, ainsi que de la Région bruxelloise.
Les moyens d’action de l’ASBL sont limités depuis que le ministre de la Justice Vincent Van Quickeborne (Open VLD) a décidé de stopper, en décembre 2020, le processus de reconnaissance de la grande mosquée suite à un rapport de la Sûreté de l’Etat parlant d’ingérence du pouvoir marocain. Il évoquait également des activités d’espionnage de la part de l’ancien président de l’Exécutif Salah Echallaoui, lequel a fait condamner l’Etat belge. En septembre 2022, le tribunal civil de Bruxelles a estimé que le ministre de la Justice, s’était illégalement ingéré dans les activités d’une autorité religieuse.
Ajoutez à ces tensions, le retrait, en 2022, de la reconnaissance de l'Exécutif des musulmans par le même ministre, vous obtenez une méfiance entre les différentes parties en charge de la gestion de la grande mosquée qui pénalise la mise en œuvre d’une rénovation.
Un projet de rénovation avant le départ de l’Arabie saoudite
"Il y a", suppute Ramadan Gjanaj, "une volonté délibérée de créer l’impossibilité de faire fonctionner ce bâtiment et de laisser la responsabilité à l’Exécutif. Mais celui-ci ne peut pas fonctionner puisque ses seuls revenus sont les subsides de l’Etat."
Un projet d’envergure avait pourtant été déposé juste avant le départ de l’Arabie saoudite souhaitant faire du lieu un modèle en matière environnementale et de consommation d’énergie avec pose d’une double peau, panneaux solaires et récupération des eaux de pluie. Les plans avaient fait même l’objet d’une enquête publique avant d’être rangés par les architectes après le transfert de la gestion.
Aujourd’hui propriété de l’Etat, le bâtiment meurt sur pied et les fidèles s’interrogent. "La situation dans ce bâtiment s’est à tel point dégradée que des citoyennes et des citoyens sont venus me trouver pour me dire que, par exemple, cet hiver, ils sont venus prier dans le bâtiment et qu’il faisait froid, humide", indique Ahmed Mouhssin, député bruxellois Ecolo.
Les fidèles ne comprennent pas
"Ils voient cette mosquée se dégrader et ils ne comprennent pas la situation. Il faut que le bâtiment soit rénové et à nouveau chauffé. Ce bâtiment est symbolique. Et puis, il y a eu des engagements de l’Etat fédéral de maintenir ce bâtiment comme mosquée et centre culturel musulman. Pour l’ensemble de la communauté musulmane, il est important qu’il y ait à Bruxelles un lieu symbolique musulman dans un état digne. Ce n’est pas du tout le cas aujourd’hui. Avec l’Etat qui ne prend pas ses responsabilités, c’est qu’on entend aussi des personnes dire que c’était mieux géré avant avec les Saoudiens. Il y a un message qui est dissonant qui jette le discrédit sur un islam de Belgique. Ce problème, il faut le résoudre."
L'immobilier qui n'est plus entretenu, l'Exécutif qui lance un appel à l'aide, des fidèles inquiets... A ceci s’ajoute, si ce n'est pas assez, la question des assurances. Le bâtiment de la grande mosquée est-il correctement assuré ? "Au jour d’aujourd’hui, je n’en suis pas certain", avance Ramadan Gjanaj, se basant sur des informations internes évoquant un non-paiement des primes par le Fédéral. Une crainte évoquée déjà dans un mail de 2021.