Coronavirus

Infecté par le Covid-19, on risque beaucoup plus de développer une forme grave si on est un homme : pourquoi ?

© Getty

Par Xavier Lambert

Le constat n'est pas neuf, mais il a été étayé depuis, et on commence à l'expliquer: le genre est un facteur important pour la gravité des infections Covid. Les hommes développent beaucoup plus fréquemment des formes graves de Covid que les femmes, et le risque est plus grand qu'ils en meurent. Il y a des éléments liés au comportement mais surtout à la génétique pour expliquer ces constatations.

1. Les constats chiffrés

Une des premières études solides chiffrées a été réalisée en Italiedans les Pouilles, du 29 février au 30 juin 2020, lors de la première vague, donc. Un total de 1 175 cas ont été identifiés parmi 55 131 tests effectués:

  • les cas étaient équitablement répartis entre les sexes: 50,7% de femmes
  • la proportion d'hospitalisations était de 45,4% chez les hommes contre 37,9% chez les femmes
  • le taux de létalité était de 16,4% chez les hommes, contre 10,4% chez les femmes

Une autre étude internationale portant sur plus de 3 millions de cas , issus de 46 pays différents dans le monde, est allée dans le même sens: pas de différence de proportion pour l'infection, mais l'étude conclut que " les patients de sexe masculin ont presque trois fois plus de chances de nécessiter une unité de traitement intensif" et "un risque de décès plus élevé" d'environ 40%

En Belgique, le nombre total de décès semble plus équitablement réparti, avec 51,7% de décès qui concernent les hommes, mais il y a deux biais à éliminer: les femmes sont plus nombreuses, et surtout, elles vivent plus âgées. Et donc, leur nombre est beaucoup plus important dans la tranche d'âge des plus de 85 ans qui est justement la plus à risque de décès pour le Covid. Si on isole la tranche des 45-64 ans par contre, sur les 2204 décès depuis le début de l'épidémie, 66,3% concernent des hommes, 33,6% seulement des femmes. Un homme de 45 à 64 ans a donc statistiquement deux fois plus de risques de mourir du Covid qu'une femme du même âge.

"Il n'y a pas plus d'hommes infectés, pas plus de sensibilité au virus", nous confirme Pierre Coulie, généticien à l'Institut de recherche biomédicale De Duve, qui a accepté de commenter pour nous les études sur le sujet. "Mais on observe dans toutes les études 2 à 3 fois plus de cas graves chez les hommes, et un taux de mortalité environ 40% plus élevé. La différence est maximale entre 55 et 65 ans où la mortalité est deux fois plus élevée chez les hommes"

2. Les biais liés au comportement et aux comorbidités

Si on ne tient pas compte du sexe, il y a deux facteurs importants pour la sévérité des cas Covid : l’âge, et la présence de comorbidités. Pour les comparaisons hommes/femmes, il importe donc de comparer des tranches d’âge comparables (et d’éventuellement ramener à l’incidence de chaque sexe). Mais certaines comorbidités ne sont-elles pas plus présentes chez les hommes, pour des raisons de comportement ou génétiques ?

  • Les maladies cardiovasculaires sont par exemple plus présentes chez les hommes, notamment à cause des hormones sexuelles, comme on le détaillera ci-dessous.
  • Le mode de vie peut aussi jouer : selon une étude, le COVID‐19 était plus sévère chez les fumeurs que chez les non‐fumeurs. Ce serait lié à l’utilisation des mains, sans masque, pour inhaler la fumée et à une prédisposition des poumons à l’inflammation à cause du tabagisme.

"Oui, il y a un rôle des comorbidités, admet Pierre Coulie, mais l’influence n’est pas si claire : il y a un peu plus souvent d’hypertension chez les hommes, mais pour le diabète c’est à peu près la même chose".

Et surtout différentes études qui ont tenu compte de ces comorbidités (et ont donc comparé des populations avec le même taux de comorbidités) aboutissent toujours à une différence de gravité selon le sexe : ce n’est donc pas le seul élément qui joue.

 

3. Le facteur génétique : la réponse immunitaire selon les chromosomes

Un des facteurs le plus souvent mis en avant dans ces études comparant la gravité du Covid-19 selon le sexe est la réponse immunitaire différente. Une équipe de Strasbourg s’est penchée sur le suivi à 6 mois d’un groupe composé de 308 personnes qui ont présenté une forme légère de Covid-19. Les chercheurs ont globalement observé que les femmes avaient une protection immunitaire plus performante que celle des hommes "La réponse immunitaire est parfois meilleure et souvent plus longue chez les femmes. C’est ce qui explique qu’elles sont plus sensibles aux maladies auto-immunes, mais dans le cas du Covid-19, ça leur procure un avantage, elles éliminent plus vite le virus" explique Pierre Coulie.

Une différence génétique : "Il y a des gènes sur le chromosome Y qui peuvent jouer un rôle négatif pour les hommes, tandis qu’il y a beaucoup de gènes qui ont un rôle positif dans le système immunitaire sur le chromosome X", explique Pierre Coullie. " La présence de deux chromosomes X chez la femme renforce le système immunitaire, selon cette étude. Les gènes de régulation immunitaire codés par le chromosome X chez le sexe féminin entraîneraient des niveaux de charge virale plus faibles et moins d’inflammation que chez l’homme, tandis que les niveaux de lymphocytes T sont plus élevés, avec une meilleure réponse immunitaire.

Ce qui fait que les réponses immunitaires sont plus fortes chez les femmes. "Immédiatement après l’infection, le taux d’anticorps anti-Covid-19 est en moyenne inférieur chez les femmes. Mais avec le temps, il suit un déclin qui est généralement moins prononcé chez elles que chez les hommes, quel que soit leur âge ou leur poids" conclut une étude de l’INSERM.

4. Une question d'hormones

Si la réponse immunitaire est plus forte, c’est aussi en raison de facteurs hormonaux, explique Pierre Coulie : les hommes ont plus de testostérones, les femmes ont des œstrogènes qui ont un impact positif sur cette immunité : "Une étude du CDC d’octobre 2020 montre que parmi les femmes enceintes, le taux de mortalité est diminué de façon impressionnante par la quantité importante d’œstrogènes produit".

Les œstrogènes, mais aussi la progestérone ont en effet un rôle anti-inflammatoire connu, mais aussi de régulation immunitaire, alors qu’il s’agit justement d’un des facteurs d’aggravation du Covid-19 : "l’orage de cytokines", lié à la dérégulation immunitaire, survient moins chez les femmes que chez les hommes.

En bref, une plus grande production d’anticorps et un risque moindre de dérèglement immunitaire chez les femmes peuvent expliquer ces différences de gravité entre les sexes des résultats après une infection au COVID‐19. La diminution de ces hormones sexuelles

D’autres facteurs moins clairs, comme la taille des poumons

Un élément avancé par certains pour expliquer ces différences hommes femmes, c’est aussi la taille des poumons, plus grands chez les hommes : ils constitueraient ainsi un terrain fertile plus large pour une plus grande réplication du SRAS-COV-2 chez les hommes. Or, une réplication virale élevée entraîne une charge virale plus élevée et une exacerbation de la maladie. "Ça peut jouer" estime Pierre Coulie, sans que ce soit l’explication principale.

Certaines études ont aussi évoqué l’influence des hormones sexuelles sur les récepteurs du virus, les fameux ACE2 "mais ce n’est pas vraiment probant" estime Pierre Coulie.

Pas d’impact sur la prévention

Malgré ces spécificités avérées, aucune différence dans la prévention de la maladie n’est préconisée selon le sexe : les Instituts de santé publique ne jugent pas la différence suffisamment significative que pour cibler plus particulièrement les mesures. Les conseils de vaccination et les gestes barrières valent en effet pour tous les profils, quels que soient l’âge et le sexe.

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