Emploi à ses plus hauts niveaux
Avec un total de 97.420 jobs, l’emploi dans ce secteur est à son plus haut niveau depuis 2001. Un marché dynamique qui ne masque pas des difficultés de recrutements : "Je pense qu’on aurait pu être à 100.000 si on avait trouvé toutes les capacités de main-d’œuvre que nous recherchons" détaille Yves Vershueren qui complète : "Nous sommes très actifs sur le marché du recrutement, nous sommes aussi très actifs sur la formation des jeunes. Nous constatons qu’il n’y a pas encore suffisamment de talents en préparation dans les générations qui viennent pour remplacer tous ceux qui vont arriver à l’âge de la pension."
Une difficulté que ne nie pas non plus Hugues Bultot, d’Universcells : "Mais le rôle d’un entrepreneur, c’est de passer outre les difficultés. L’économie mondiale manque de ce type de profil donc il y a très clairement une guerre de talents. On est très créatifs et on mise sur une bonne anticipation : on n’hésite pas à recruter dans d’autres secteurs et à former, on n’hésite pas à recruter à l’étranger, et malgré l’étroitesse du marché, on sur performe par rapport aux multinationales" lance le chef d’entreprise.
Et au niveau des postes vacants ? "Il faut savoir que ce ne sont pas uniquement des profils scientifiques. Puisque nous sommes dans le domaine industriel de la biotechnologie, nous offrons des profils très variés allant du logisticien jusqu’au scientifique, de l’ingénieur jusqu’à l’automaticien, donc nous avons la possibilité d’offrir tout le panel d’emploi" complète M. Bultot.
D’ailleurs, 80% des nouveaux postes vantés par le secteur sont des métiers dits "de production" : des opérateurs sur ligne, déposer les matières premières, s’occuper des mélanges, mais aussi le conditionnement et donc les aspects plus logistiques, ou encore des techniciens pour la supervision de la chaîne et sa maintenance.
Un marché sous tension qui n’a d’ailleurs pas empêché l’année dernière plusieurs grèves dans des entreprises du secteur chimique et même la menace d’une journée de grève nationale : la paix sociale n’était plus garantie, les syndicats demandaient une revalorisation de tous ces travailleurs actifs durant les confinements et accusaient les fédérations patronales d’avoir mis "abruptement" fin aux discussions. La grève sera finalement évitée de justesse : un accord a finalement été trouvé, il prévoyait une augmentation salariale de 0,4% dès le 1er janvier de cette année, avec un minimum de 10 centimes d’euros par heure et une prime corona de 200€. Dans le même temps, l’administrateur délégué Yves Verschueren souligne que le secteur est aussi très exposé à la concurrence internationale c’est pourquoi il demande au gouvernement de "maintenir la loi sur les normes salariales."
Une croissance spectaculaire, grâce aux vaccins anti-Covid…
Tensions sociales passées, le secteur veut se tourner vers le positif. D’abord, avec un chiffre d’affaires reparti à la hausse l’an dernier (+22%) pour atteindre 74€ milliards, "principalement dû à de fortes hausses de prix", note Essenscia qui observe aussi que "les entreprises du secteur ont investi l’année dernière un montant record de 2,7 milliards d’euros (+17%) et les dépenses d’innovation en recherche et développement se sont également maintenues à un niveau historiquement élevé de 5,5 milliards d’euros, soit le double d’il y a dix ans."
Les exportations ont été boostées par la crise sanitaire et singulièrement par la production de vaccins contre le Covid-19 avec pour résultat une croissance spectaculaire : +33%.
Pour autant, "Il ne faut pas uniquement y voir une opportunité pour les pharma", alerte Hugues Bultot d’Univercells avant de préciser : "L’industrie a été mise à forte contribution, certes, on parle beaucoup de ceux qui ont gagné, mais très peu de ceux qui ont perdu. Il y avait un moment plus de 200 candidats vaccins, si je vous demande aujourd’hui d’en citer cinq vous rencontrerez des difficultés. Ce qu’on ne voit pas, ce sont tous les efforts entrepris par toute l’industrie, et puis les sacrifices qui ont dû être faits : tout ce qui a été consacré au Covid n’a pas été consacré à d’autres projets qui étaient tout aussi prometteurs et qui ont été mis en pause. Donc le bilan est mitigé : il y a eu des accélérations et des opportunités, mais on a souffert comme tout le monde."
Essenscia revendique la place de premier exportateur belge avec 37% du total des exportations. "Au sein de l’Union européenne, la Belgique est même devenue le deuxième plus important pays exportateur de produits chimiques, plastiques et pharmaceutiques, après l’Allemagne" précise la fédération. Si le secteur prend en 2021 une deuxième place européenne, l’Allemagne reste la championne des exportations dans le domaine.
… mais beaucoup d’incertitudes, voire d’inquiétudes
Mais l’avenir sera-t-il aussi rose ? "Il est déjà certain que les chiffres de cette année 2022 ne seront pas aussi bons", prévient d’emblée le secteur. En cause : la crise ukrainienne.Avec la hausse des prix de l’énergie, les coûts de production augmentent, alors que l’inflation devient un comme un handicap. Le secteur devra-t-il reporter des investissements et revoir à la baisse ses prévisions de recrutements ? "Ce n’est plus impensable" glisse-t-on.