Là-bas, elle étudie pour devenir institutrice maternelle, et travaille pendant 4 ans dans une école. En revanche, du côté personnel, c’est très dur, elle est coincée dans une relation violente et décide de quitter son compagnon. "J’étais maman célibataire et la situation était très compliquée. J’avais 27, 28 ans, j’ai décidé de quitter le pays. Je me suis dit : ‘si je pars d’Équateur, je ne retourne pas là-bas’ et depuis je ne suis pas retournée, sauf une fois il y a quatorze ans. Mon fils est resté sur place avec ma maman."
Un départ vécu comme une déchirure, mais si Zoila Rosa Palma quitte tout, c’est pour reconstruire une vie meilleure. Elle arrive en Espagne où sont installées ses sœurs. "C’est le patron de ma première sœur qui a fait la demande de papiers pour ma sœur et moi. Il a vu qu’on était courageuses. Je travaillais dans l’agriculture. J’envoyais l’argent en Équateur pour les études de mon fils."
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Au début des années 2000, elle vient en Belgique pour des vacances. "J’ai adoré la Belgique, c’est international, moins chaud que l’Espagne, c’est stable." Elle s’apprête à rentrer chez elle après 15 jours quand par le plus grand des hasards, elle tombe sur une ancienne collègue d’Équateur. "J’ai entendu ‘señorita palma qu’est-ce que vous faite là ?’ Quelle surprise !" Son amie lui propose de rester et de travailler ici.
Quelque temps plus tard, elle revient, mais l’expérience bruxelloise tourne mal : "Le patron ne voulait pas me déclarer, mais moi, je ne voulais pas travailler au noir, je voulais cotiser pour ma pension." Entre temps, elle tombe amoureuse et rencontre celui qui deviendra son futur mari. "Il est greco-belge, mais plutôt belge que grec parce qu’il ne parle pas grec." Elle retourne travailler en Espagne, mais revient visiter son cher et tendre à chaque vacance. Et puis, arrive la demande en mariage suivie de son installation officielle au plat pays.
Très vite, elle dépose des CV partout pour stabiliser sa situation. "C’est comme ça que j’ai trouvé un travail de nettoyage dans un hôtel de l’aéroport."
Friterie à reprendre
"J’en avais marre de ce travail, je voulais rigoler, parler avec les client·es, mais mon patron ne me laissait pas… Chaque fois, on avait des heures supplémentaires qui n’étaient pas payées. C’était trop." Et puis le destin lui sourit… "J’avais peur de conduire toute seule, je ne passais jamais par ici, mais un jour, j’ai pris la voiture, j’ai roulé par ici et j’ai vu la petite affiche sur la baraque."
En effet, en 2009, la friterie St Josse est à la recherche d’un·e concessionnaire pour remplacer Martin Aspers qui gérait les lieux depuis les années 70, après avoir pris la place de ses parents qui avaient démarré l’activité en 1931 !
"Quand j’ai vu la friterie fermée avec un petit papier, j’ai dit à mon mari : ‘Moi, je suis capable de faire ça, si je dois nettoyer vingt chambres, pourquoi pas tenir une friterie ? Et comme ça, je peux parler avec les gens, je peux rigoler, c’est plus familial…’" Elle se met en ordre pour devenir indépendante et s’inscrit dans une école à Namur pour suivre des cours techniques en cuisson de frites. "C’est une femme, Madame Nathalie qui m’a tout appris."
Enfin, quand tout est prêt, elle remplit le dossier de la commune, croise les doigts et apprend avec joie qu’elle reçoit la concession. C’est ainsi que celle qui se fait appeler "Madame Palma" parce que "Zoila, c’est dur à prononcer pour les Belges" reprend le flambeau de Monsieur Martin le 28 février 2011.
"Une fois par an, Madame Nathalie vient me rendre visite pour voir comment je vais. À l’école on apprenait avec des pommes de terre sous vide, elle était contente quand elle a vu que je travaillais avec des vraies pommes de terre." Son secret ? Des bintjes du Payottenland entières, coupées à la main, et cuites deux fois dans la graisse de bœuf. "Pour qu’elles soient croustillantes à l’extérieur." Miam !