Elle entre au Conservatoire Supérieur de Varsovie en section direction. Là, surprise, elle découvre que l’un des professeurs est de sa famille."Je me suis rendu compte que j’avais un oncle chef d’orchestre, on me l’avait caché pour ne pas m’influencer. Je n’ai pas pu suivre sa classe. À la fin des études, mon oncle m’a prise dans les bras et il a dit : ‘Je suis vraiment navré que ce se soit passé comme ça entre nous, tu es une fille, tu auras la vie d’un chien, mais ça vaut la peine d’essayer.’" Ce "ça vaut la peine d’essayer" ne cessera, aussi, de l’accompagner…
Varsovie, Bruxelles, Bouillon
Elle sort du Conservatoire de Musique avec la meilleure note en 1971. La Pologne vit alors une page sombre de son Histoire. "J’avais ce papier [le diplôme, ndlr]. Je me suis demandé ce que j’allais faire… Rentrer au village où mes parents m’attendaient avec la dot pour me marier ? Non !"
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Un jour, elle se promène à Varsovie et passe à côté du Théâtre Contemporain. Elle entre et se présente. Ils sont justement à la cherche d’une personne pour guider les musicien·nes lors des 350 représentions de l’année. Elle est prise. Petit à petit, elle s’ancre dans la scène culturelle polonaise, mais Zofia Wislocka a envie d’autres choses que de s’occuper de la musique pour le théâtre. Elle veut des compositions, des orchestres.
Une amie polonaise arrivée en Belgique après les vagues antisémites de 1968 et mariée avec un pianiste lui propose de les rejoindre. Zofia Wislocka débarque seule au Plat Pays vers 74-75. Elle devient copiste de partitions pour la radio, l’Opéra. "Petit à petit, j’ai commencé à connaitre les gens. Je parlais très mal français. J’ai repris des cours de direction au Conservatoire de Bruxelles." Elle y obtient le Prix de direction d’orchestre.
Je me suis demandé ce que j’allais faire… Rentrer au village où mes parents m’attendaient avec la dot pour me marier ? Non !
Elle découvre alors une offre d’emploi pour l’Académie de Bouillon et postule. "J’y ai donné cours pendant 15 ans ! Le samedi, je prenais le premier train, entre les postiers, habillée comme une princesse, à 9h j’étais à Libramont. On venait me chercher à la gare. Une fois, une voiture s’est arrêtée et le mec a pris les chemins dans les bois, j’ai sauté de la voiture, je me suis cassé le bras, mon bras fort à la baguette. Finalement, j’ai commencé à voyager en voiture…", raconte-t-elle.
"Personne ne voulait une femme"
Tandis qu’elle enseigne en Académies, elle continue de rencontrer des musicien·nes. En 81, on lui propose de diriger l’orchestre de l’ULB formé de profs et d’étudiants. "René Defossez [compositeur et chef d'orchestre belge décédé en 1988, ndlr] m’a dit un jour : ‘les amateurs sont sensibles et veulent connaître quelque chose de leur âme.’" Censée rester un mois, Zofia Wislocka dirigera l’orchestre 36 ans. "Je suis rentrée à l’ULB il y a 40 ans. Il y a quatre ans, j’ai quitté ma place pour laisser entrer l’air frais…"
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