Dans cette série In… We Trust (en français : "Nous croyons en"), Les Grenades vont à la rencontre de femmes arrivées là où personne ne les attendait. Pourquoi We Trust ? Parce qu’elles ont suivi leur passion, elles y ont cru. Et nous aussi. Des femmes de caractère qui déconstruisent les stéréotypes à leur manière… Troisième épisode consacré à Siré Kaba, qui crée la belgitude métissée et stylée.
Le rendez-vous est donné à Molenbeek, à l’arrêt Comte de Flandres. On repère la créatrice de loin, Siré Kaba est stylée de la tête aux pieds. Elle ouvre les bras et affiche un large sourire : "Molenbeek, c’est un symbole, c’est ici que tout a commencé. J’y ai mon atelier, j’y travaille comme chargée de com’ au CPAS et j’y ai habité 16 ans". Nous nous asseyons au soleil sur la place communale, elle nous raconte son histoire… Fille de diplomate, avant d’arriver en Belgique à l’âge de 16 ans, elle a grandi entre le Guinée, le Ghana et la Tanzanie. Le mélange des cultures fait partie de son identité, elle se présente d’ailleurs comme une véritable zinneke.
"Et nous alors ?"
Si c’est à Molenbeek qu’elle a démarré, en tant qu’indépendante complémentaire son projet de mode éthique et métissée Erratum Fashion, l’envie de créer des vêtements lui est venue durant un voyage au Sénégal en 2014. "J’avais complètement flashé sur des tissus, j’en ai ramené plusieurs dans ma valise sans pour autant savoir que j’allais créer une collection."
De prototype en prototype, Siré Kaba affine ses pièces, et réalise petit à petit que ses créations belges aux couleurs d’ailleurs portent en elles des récits de représentation. Elle se souvient du jour où elle a pris conscience qu’elle pouvait être actrice de changement : "C’était la journée internationale des droits de la femme 2015, il y avait une expo qui mettait à l’honneur les femmes d’Afrique. Ma fille avait adoré l’événement, moi aussi. En rentrant à la maison, elle est tombée sur un prospectus d’Océade. Elle l’a regardé, et tout d’un coup, elle a perdu son enthousiasme. Elle n’a plus rien dit. On était dans le métro, quand soudainement elle m’a demandé ‘Et nous alors ?’. Je ne comprenais pas, ‘nous quoi ?’ Elle m’a répondu : ‘Toi, moi, papa, on n’existe pas ?’ Sur le prospectus il n’y avait que des familles blanches, elle ne se reconnaissait pas. Ça a été horrible pour moi d’entendre ça, de réaliser qu’on était invisibles."
À ce moment-là, pour la créatrice tout fait sens : "Je me suis dit que ce que je voulais vraiment faire, c’était créer une marque belge, bruxelloise avec des tissus d’ailleurs." En 2015, elle sort sa première collection.
Un vestiaire idéal
Toutes ses pièces sont produites en Belgique, et les tissus sont achetés en Afrique. Siré Kaba travaille avec l’atelier de couture Vk du projet de welvaartkapoen, une initiative qui offre du travail aux personnes fragilisées, tout en boostant la création locale.
"Le coté sociale est hyper important pour moi. Il faut donner la chance à celles et ceux qui en ont moins. En plus, j’ai découvert qu’il y avait beaucoup de personnes d’origines étrangères qui y travaillent, dont plusieurs personnes d’Afrique de l’Ouest. Par rapport à mon projet, ça a beaucoup de sens. Par exemple, là, il y a un Guinéen, évidemment, quand j’apporte de l’indigo ça lui évoque des choses…"
Quand je dis que c’est une marque belge, parfois, on me regarde bizarrement… Les gens ont une idée bien précise de ce qu’est une marque belge, mais oui, c’est une marque belge inspirée par l’ailleurs, comme moi