Les Grenades

In Sandra Zidani We Trust, l’humour pour raconter le monde

© Etienne Pixel

Par cawe

Dans la série In… We Trust (en français : "Nous croyons en"), Les Grenades vont à la rencontre de femmes arrivées là où personne ne les attendait. Dans cet épisode, place à la reine des personnages, Sandra Zidani. Sur les planches, à coups de textes irrévérencieux et engagés, l’humoriste fait travailler les zygomatiques et titille les neurones.

Lartiste bruxelloise Zidani sera sur la scène du W : Halll, du 6 au 8 octobre avec sa dernière création "Les pingouins à laube". Une belle occasion, en amont du spectacle, de revenir sur son parcours et sa démarche. Autour d’un café, elle nous raconte son histoire…

La scène, un lieu qui brise les barrières

"Mon père est algérien, ma mère est belge", introduit-elle. Cest à Anderlecht, dans les années 70, que Sandra Zidani plus connue sous le nom de Zidani passe son enfance. Destinée ou hasard, c’est à l’âge de neuf ans, dans le cadre scolaire que la jeune bruxelloise fait ses premiers pas sur les plateaux.

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"Dans mon école primaire, un atelier théâtre s’est ouvert le mercredi après-midi. Je me suis inscrite sans vraiment savoir à quoi m’attendre ; dans ma famille, on n’allait pas au théâtre." Dès ses débuts sur scène, elle trouve sa place. À travers le jeu, la comédienne en herbe découvre que les barrières tombent, que les cultures priment sur les nationalités. "Du côté de la famille de ma mère, je ressentais que j’étais ‘la fille de l’Algérien.’ Le théâtre m’a permis de trouver un espace où la nationalité de l’être humain est ‘terrienne'."

C’est tout naturellement que l’humour vient à elle : son premier rôle à la base dramatique révèle ses talents de comique et fait office de propulseur. "J’ai directement éprouvé beaucoup de plaisir en entendant le public rire dans la salle." Très vite, nait chez elle l’envie d’écrire ses textes, de raconter ce qu’elle observe, d’imiter celles et ceux qui l’entourent…

Les humoristes sont des philosophes qui racontent ce qu’ils ou elles observent.

L’art, une source d’oxygène

Âgée de 12 ans, elle découvre Yolande Moreau au festival de Rochefort : une grande révélation et une source d’inspiration. Le temps passe, en secondaire, elle continue de se former au théâtre et à la déclamation. "Je dois dire que culturellement, l’école a été un véritable levier ! J’y ai toujours trouvé des personnes liées au théâtre qui m’ont encouragée."

Après ses humanités, puisque dans sa famille on répète que "le théâtre ce n’est pas un métier", elle se dirige vers des études d’histoire de l’art à l’ULB : à nouveau, c’est le coup de cœur. "J’ai tout de suite adoré ça ! Pour moi l’art, c’est une véritable source d’oxygène. D’ailleurs, je pense que la société sans art ne survit pas." À l’époque, elle passe des auditoires aux salles de spectacles ; c’est d’ailleurs grâce à ses premiers contrats en tant qu’humoriste qu’elle finance ses études.

De manière générale, les médias ne laissent pas beaucoup de place aux femmes, y compris en humour.

Une fois son diplôme en poche, nouvelle surprise de la vie : elle devient professeure de religion protestante. "C’était un remplacement de trois mois qui a finalement duré dix ans", sourit-elle. En 2004, c’est le grand saut : elle quitte l’enseignement et s’engage pleinement sur la voie artistique. Sa carrière s’envole ; elle enchaine les spectacles, les tournées et les émissions télé.

Un milieu qui reste masculin

Si Sandra Zidani y est arrivée, prendre sa place en tant que femme dans le monde de l’humour, ce n’est pas si simple. Il suffit de regarder les affiches de festival ou de réaliser une rapide recherche internet pour se rendre compte que les femmes y sont en minorité. "De manière générale, les médias ne laissent pas beaucoup de place aux femmes, y compris en humour. La plupart des chroniques radio sont réalisées par des hommes. Aussi, je remarque que souvent, on invite les femmes pour des raisons spécifiques ou pour respecter des quotas… ça m’agace beaucoup."

Selon notre interlocutrice, les stéréotypes sont nombreux. "Par exemple, on va dire d’une humoriste qui a une voix particulière qu’elle est irritante, tandis qu’un homme, sa voix sera qualifiée d’intéressante… Aussi, je crois que le regard masculin est influencé par des critères de beauté ; pour certains hommes être ‘belle’selon les standards de la société et drôle, c’est incompatible."

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Dans un autre registre, l’artiste dénonce une pureté militante qui censure parfois la parole. "C’est fatigant cette police du verbe. Cela étant, je comprends ; nous vivons un moment important où il faut insister pour changer les mentalités, mais je rêve d’un monde où on ne devra plus se justifier ou être catégorisée selon ses origines, son genre, son orientation sexuelle…"

©Moulaert

Une écriture fine et engagée

Poreuse au monde qui l’entoure, Sandra Zidani se dit inspirée par les gens. "Les humoristes sont des philosophes qui racontent ce qu’ils ou elles observent. J’aime bien croquer les personnes, accentuer certains traits. J’ai un humour très impertinent, mais comme je passe par des personnages, je ne choque pas trop. L’humour sert de catharsis, il peut nous aider à éduquer les gens à la différence."

Durant sa carrière, elle a écrit une dizaine de spectacles à travers lesquels elle a exploré des thématiques variées : l’enseignement (inspiré de ses années comme prof), la critique du racisme ou encore le féminisme. "Lorsque j’ai écrit mon spectacle ‘Quiche toujours’, je me suis rendu compte que je ne connaissais pas grand-chose en droits des femmes, c’était intéressant, je me suis beaucoup renseignée. À la maison, c’était mon père qui cuisinait et reprenait nos vêtements, je n’ai pas eu une éducation très genrée, du coup je suis passée à côté de certaines réalités. En écrivant, j’ai beaucoup appris."

Le théâtre m’a permis de trouver un espace où la nationalité de l’être humain est ‘terrienne'.

Place à son dernier spectacle "Les pingouins à l’aube". L’histoire met en scène Rosine Valentin, ouvreuse depuis plus de 46 ans au Brussel’s Whalll Palace, une institution culturelle bruxelloise contrainte de fermer ses portes. C’est durant la pandémie que lui est venu ce texte qui rend un hommage aux invisibles, et au monde culturel. "C’était très étrange d’entendre de la bouche des dirigeants que la culture n’était pas essentielle… Dans ce spectacle un peu plus ontologique, je propose un parallèle entre la fonte de la banquise et la disparition des arts."

L’artiste pointe par ailleurs la précarité du métier, tout en espérant que la reconnaissance de l’humour comme arts de la scène subsidiable fasse bouger les choses.

Envie de rire tout en vous posant des questions : rendez-vous au W : halll, le Centre Culturel de Woluwe-Saint-Pierre pour découvrir Les pingouins à l’aube les 6, 7 et 8 octobre.

Infos & tickets par ici.

Zidani pour "Les Pingouins à l’aube"

Zidani pour "Les Pingouins à l'aube"

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Dans la série In… We Trust (Nous croyons en)


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Les Grenades-RTBF est un projet soutenu par la Fédération Wallonie-Bruxelles qui propose des contenus d’actualité sous un prisme genre et féministe. Le projet a pour ambition de donner plus de voix aux femmes, sous-représentées dans les médias.

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