Le Covid Safe Ticket a du plomb dans l’aile. Le tribunal de première instance de Namur a constaté, en référé, l’apparente illégalité du CST en Wallonie. Le gouvernement ira en appel.
Oui, le Covid Safe ticket sera peut-être déclaré illégal en droit - on attendra la décision en appel. Mais il semblait de toute manière dépassé par les faits. Depuis quelques semaines les experts, et surtout épidémiologistes, remettent en cause son efficacité. Sur La Première et sur QR Marius Gilbert a expliqué en quoi le Covid Safe Ticket n'avait selon lui pas atteint ses objectifs. D’abord à cause de la baisse de l’efficacité vaccinale en matière de transmission. Ensuite, par la fausse impression de sécurité qu’il crée.
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D’autres experts vont également dans ce sens depuis plusieurs semaines. Le Gems, le groupe d’experts qui conseille le gouvernement, favorable au CST, convenait par exemple qu’il faudrait l’appeler autrement parce que le CST n’a en fait rien de "safe".
Pour le dire simplement, le CST a été pensé, et c’est vrai un peu partout en Europe, comme une mesure d’incitation vaccinale, mais assez peu comme une mesure strictement sanitaire. C’est sans doute un des éléments qui a pesé dans la décision du tribunal pour considérer que le CST semblait contrevenir au principe de proportionnalité au regard des buts poursuivis.
Vers l’obligation ?
Si le CST ne fonctionne pas, il faudra sans doute passer à autre chose. Mais quoi ?
De plus en plus de gouvernements en Europe songent à l’obligation vaccinale. Après l’Autriche, l’Allemagne en prend le chemin. Chez nous aussi, les récents déboires du CST vont sans doute accélérer le débat.
L’obligation présente le grand avantage d’être légalement plus simple à mettre en place. Obligation qui existe déjà chez nous pour la polio. Mais là aussi, il faudra que les autorités justifient la mesure sur base scientifique et que le degré de contraintes (les sanctions) soit proportionné à l’objectif visé.
Dans un avis, le comité consultatif belge de bioéthique posait les balises éthiques d’une éventuelle obligation. "Sur le plan éthique, la vaccination sur une base volontaire doit, autant que possible être privilégiée. Elle reflète l’attachement important de nos sociétés envers la préservation de l’autonomie de la volonté, d’une part, et l’intégrité physique, d’autre part. Néanmoins, le respect de ces deux valeurs doit être articulé avec la solidarité qui conduit à considérer, comme déjà évoqué, l’immunité collective comme un bien commun, et impose un devoir de protection à l’égard des plus fragiles. Sans ce devoir de protection, cette solidarité risquerait d’être un vœu pieux."
Voici les balises :
Premièrement, il faut que la vaccination obligatoire s’avère absolument nécessaire à la protection des groupes les plus fragiles. C’est le point le plus important. Il faudrait donc démontrer que passer de 75% de toute la population vaccinée à, par exemple, 90% change la donne et constitue un impératif de santé publique.
Deuxièmement, il faut que les autres moyens (notamment le recours à la vaccination volontaire) se sont montrés insuffisamment efficaces malgré les efforts mobilisés.
Troisièmement, il faut que la nature et les moyens de contrainte restent proportionnés à l’objectif visé. Ici débat très compliqué en vue sur les sanctions.
Quatrièmement, il faut qu’aucun événement nouveau n’est venu imposer une révision importante de la balance bénéfices-risques ayant permis l’approbation des vaccins par l’autorité réglementaire. Ce dernier point semble poser le moins de problèmes, mais il faudra attendre très certainement une approbation définitive annoncée pour ce début d’année.
Un débat nécessaire
La vaccination obligatoire ne risque-t-elle pas d’avoir un effet contreproductif, comme un rejet du vaccin ? C’est un risque évident. C’est d’ailleurs pour cela que le comité de bioéthique privilégie la vaccination volontaire et qu’il souligne qu’une obligation augmente la nécessité de transparence, et d’information de la part de l’Etat. Et surtout qu’une telle obligation ne sera possible sans un vaste débat sociétal.
"Une décision en faveur de l’obligation vaccinale doit faire l’objet au préalable d’une discussion sociétale large et transparente, dont la forme est laissée à l’appréciation des autorités publiques mais qui doit, a minima, reposer sur une compagne d’information large et suffisante pour permettre aux citoyens de s’approprier les différents scénarios envisageables et les retombées concrètes associées à chacun d’eux."
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Ce point est loin d'être acquis. Après l'annulation par la justice des mesures anti-covid en mars (qui à débouché sur une loi pandémie) et la déclaration d'apparente illégalité du CST, le crédit et le sérieux des exécutifs sont fortement entamés aux yeux d'une partie de la population. Ce crédit et ce sérieux sont pourtant indispensables pour envisager l'adhésion à une éventuelle obligation vaccinale.
Puisque le CST semble aux soins intensifs juridique, et sauf guérison miracle, il faudrait que les exécutifs annoncent désormais quel chemin ils comptent emprunter.