Dans ses œuvres, l’artiste écrit sous forme calligraphique des mots porteurs de messages positifs, des expressions qui ont du sens pour elle, à l’instar des mots ‘amour’ et ‘respect’, ‘beauté’. Aussi dans Roots, Makoto revient sur son histoire familiale. "J’ai réalisé un portrait de mes parents quand ils sont arrivés en Belgique du Maroc dans les années 70. C’était ma manière de leur rendre hommage, de poser quelque chose de symbolique, de significatif."
C’est en devenant adulte qu’elle a pris la mesure de l’importance de la transmission. "C’est après mes trente ans, dans des endroits branchés que j’ai réentendu la musique de mes parents. Ça m’a fait l’effet de madeleine de Proust : par exemple la radio Al Manar passait des musiques de Fayrouz, Oum Kalthoum ou Nass El Ghiwane, les Rolling Stones d’Afrique. J’ai un projet Roosts 2 sur cette transmission culturelle très riche qui s’est faite de manière silencieuse. C’est mon héritage, je dois me le réapproprier et ne pas laisser quelqu’un d’autre le faire."
►►► Pour recevoir les informations des Grenades via notre newsletter, n’hésitez pas à vous inscrire ici
Garder son âme d’enfant
Makoto est artiste bien sûr, mais aussi professeure à Molenbeek, et ce depuis une quinzaine d’années. "Je donne cours de philo à des enfants de 6 à 12 ans. C’est génial ! En classe, on parle de racisme, de sexisme. Je sens que ça me nourrit, les petits me donnent tellement. Ils me permettent de garder mon âme d’enfant, mon émerveillement. Quand on est adultes, on met souvent des masques... "
Au fil des années, cette artiste-prof-sociologue observe les changements de mentalités auprès des jeunes. "Il y a 10, 15 ans, les élèves ne posaient pas trop de questions sur le genre, les sexualités, la religion. Aujourd’hui, les filles osent beaucoup plus. Je répète toujours, moi je ne suis ni l’imam, ni papa, ni maman. Je n’ai pas l’autorité morale de dire ‘c’est bien ou c’est mal’, cependant on discute et on réfléchit ensemble. Je n’ai pas de réponses toutes faites, moi-même j’ai des questionnements."
Son travail à ¾ temps lui laisse de l'espace pour la création. "Pendant plusieurs années, j’étais concentrée sur la calligraphie, mais une fois qu’on m’enferme dans une case, je veux en sortir. C’est mon côté un peu rebelle. J’ai commencé la poterie l’année dernière. À nouveau, le fait d’utiliser le geste me permet de ne pas toujours être dans le cérébral. Je peux être artiste, prof, maman, amie, amante. On est chacune tellement de choses..."
"Nous n’avons pas besoin d’être sauvées"
Résolument engagée, nous lui demandons si elle se considère comme féministe. "Encore une fois, je n’aime pas les étiquettes, mais oui je suis féministe. Mes créations parlent de liberté, d’amour, de respect."
Comme concernant ses élèves, Makoto remarque de grands changements au niveau de la jeunesse, notamment via les réseaux sociaux. "J’aime bien bousculer les codes, mais je garde une certaine réserve en comparaison aux jeunes filles nées dans les années 90. Elles, elles gueulent, elles ne prennent pas de gants. Je les encourage à 100%. Le féminisme a longtemps été très blanc, et le message aujourd’hui, c’est qu’on n’a pas besoin d’être sauvées, on se sauve nous-même. Ce serait bien que toutes les femmes soient sur un pied d’égalité."
Je peux être artiste, prof, maman, amie, amante. On est chacune tellement de choses
Avant de nous quitter, elle ajoute : "Je n’aime pas trop ça me mettre en avant, c’est rare que j’accepte les interviews, mais j’ai kiffé la conversation !" Qu’on se le dise, le plaisir est partagé. En attendant son expo, ce samedi soir, l’Espace Magh accueille une autre femme qui décloisonne à travers l’art et la poésie : la chanteuse franco-tunisienne Nawel Ben Kraïem. "Je serai au concert, c’est marrant, elle m’avait contactée sur Insta parce que je fais des customs de baskets justement !" La boucle est bouclée !
Roots à découvrir du 20 octobre au 13 novembre à l’Espace Magh.
Dans la série In... We Trust (Nous croyons en...)
Si vous souhaitez contacter l’équipe des Grenades, vous pouvez envoyer un mail à lesgrenades@rtbf.be
Les Grenades-RTBF est un projet soutenu par la Fédération Wallonie-Bruxelles qui propose des contenus d’actualité sous un prisme genre et féministe. Le projet a pour ambition de donner plus de voix aux femmes, sous-représentées dans les médias.