Elle se forme aux bases de la viticulture. "Nous avons fait plein d’erreurs au début." Mais à force d’enthousiasme, la recette prend et les bouteilles s’accumulent rapidement. "Nous avions trop de vin, alors j’en ai proposé aux voisin·es de Profondeville. Une voisine a pris sa bouteille au restaurant et le Chef s’est dit : ‘j’aimerais bien travailler avec du vin de terroir’. " Et c’est comme ça, qu’au début des années 2000, l’histoire des vins Château Bon Baron commence pour de bon… et que Jeanette alors âgée d’une quarantaine d’années devient vigneronne !
Pionnière en Wallonie
Ce qui nous frappe directement chez cette femme rigoureuse et joyeuse, c’est son sens de l’observation et de l’analyse. Ces compétences, elle les a acquises au fil des expériences, dans sa carrière précédente notamment, où elle accompagnait les entreprises à sortir du modèle pyramidal.
Sa sensibilité et sa ténacité semblent être ses plus belles clés. De quelques bouteilles en amatrice à l’une des plus grandes productions de la région, il n’y a qu’un pas, ou presque… "On a donc commencé avec un demi-hectare chez nous, puis on a planté chez des amis à gauche à droite, on a loué des terrains à la commune... Nous sommes arrivé·es à deux hectares et demi."
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Le couple venu à la base dans la région pour lever le pied, réfléchit à arrêter l’extension ou à se lancer pour de bon… Infatigables, ils optent pour la seconde option ! "On a acheté ce terrain-ci en 2010", dit-elle en pointant les quinze hectares de vignes devant lesquels nous nous trouvons. "On a quatorze cépages. C’est une vallée vierge, très propre parce qu’il n’y a pas d’industrie." Dans le bas de la vigne, coule la Meuse, qui constitue la source de vie de ce sol caillouteux.
Acquérir ce terrain, est à l’époque un sacré défi. "Nous savions que faire du vin en Belgique coûtait plus cher… Il fallait tout démarrer à zéro. En France, il y a une culture de la vigne, il y a les écoles, les fournisseurs, des laboratoires. Ici, tout est plus compliqué."
La Belgique, un royaume de bières, sans culture du vin ? Eh bien oui et non ! Au Moyen Age, on retrouvait une multitude de vignobles en Wallonie, mais la culture du vin s’est perdue au fil des siècles. Et si le vin local fait son grand come-back, c’est notamment grâce à Jeanette Van der Steen et son mari, Piotr, qui font partie des vigneron·nes précurseur·ses de Wallonie qui ont ouvert la voie. Ces dix dernières années, les surfaces ont quadruplé et la Wallonie compte à présent 70 vigneron·nes.
Il fallait tout démarrer à zéro. En France, il y a une culture de la vigne, il y a les écoles, les fournisseurs, des laboratoires. Ici, tout est plus compliqué
Curiosité, sensibilité, responsabilité
L’objectif de Jeanette Van der Steen : un vin de super qualité. "Seuls des cépages provenant de cépages classiques ont été plantés dans nos vignobles. Les plus importants sont le Chardonnay et le Pinot Noir, suivi par le Cabernet, Pinot gris, Auxerrois, Müller-Thurgau et Acolon", peut-on lire sur le site. La viticultrice suit toute la chaîne, du sol à la bouteille, et continue année après année, de questionner et d’optimiser toutes les étapes. Mi-chimiste-mi-poète, elle porte un regard curieux sur tout ce qu’elle observe et n’en finit pas d’apprendre.
Depuis ses débuts, la vigneronne s’est lancée dans une production durable et responsable. "On utilise ni herbicide, ni insecticide. J’utilise des vrais bouchons de Liège, les bouteilles sont produites en Belgique. On a des panneaux photovoltaïques. Je lave le matériel avec de la vapeur d’eau, on n’utilise pas des produits chimique… La durabilité, c’est une quête pour la vie", explique-t-elle en nous faisant visiter la cuverie.
Château Bon Baron embouteille entre 50 et 100 000 bouteilles par an, ce qui les classe parmi les grandes productions belges (en 2019, 1.496.186 litres de vin ont été produits en Belgique dont près de la moitié en Wallonie). Tout allait pour le mieux jusqu’à l’arrivée de la pandémie. "On vend principalement à des restaurateurs de Haute Gastronomie. Soudainement, tout était fermé. Les réservations, les commandes, les visites, les avances, les foires, tout a été annulé. J’ai vraiment eu peur, je n’ai pas dormi pendant plusieurs semaines. Je pensais aux personnes qui travaillent pour nous… Les futs étaient pleins, je me suis dit : ‘qu’est-ce que tu peux faire pour récupérer un peu d’argent et payer les ouvriers…’ J’ai contacté Delhaize et je leur ai proposé un assemblage, ils ont accepté, ça nous a sauvés."