"L’un demandait des massages, l’autre ne voulait que des femmes jeunes" : des Ukrainiennes victimes de chantage au logement

© pcess609 – Getty Images

Par Eric Boever avec Céline Biourge

Il n’y a visiblement pas de limite à l’indécence. Les Ukrainiens et Ukrainiennes qui arrivent chez nous doivent parfois affronter des comportements scandaleux. Certaines réfugiées se voient ainsi proposer un logement contre du travail ménager, des massages ou des faveurs sexuelles. Le ministère de l’Intérieur a même diffusé une circulaire pour alerter les communes et les commissariats de police. Côté wallon, la plateforme Solidarité Ukraine multiplie les contrôles. Une trentaine d’offres d’aide suspecte a déjà été retirée. Nous avons recueilli le témoignage d’une réfugiée.

"L’un demandait des massages, l’autre ne voulait que des femmes jeunes, minces et jolies"

Irina est arrivée en Belgique le 23 mars. Hébergée dans une famille belge avec laquelle tout s’est bien passé, cette jeune Ukrainienne de 27 ans a vite cherché un autre logement car sa mère allait la rejoindre. Elle s’est adressée à un groupe venant en aide aux réfugiés mais elle ne s’attendait pas à recevoir des propositions indécentes. "J’ai posté un message sur un groupe Facebook où je demandais un hébergement en Belgique et j’ai aussitôt reçu des messages privés de la part d’hommes qui me demandaient des massages. Ces types me demandaient quel âge j’avais, ils disaient qu’ils ne pouvaient accueillir que des jeunes femmes sans enfant ou parfois ils écrivaient qu’ils préféraient seulement les jeunes femmes minces et belles. Il y avait aussi des propositions d’échange où on me disait : 'Tu peux rester chez moi, mais à condition de faire le ménage', ou 'je peux aussi pratiquer les langues avec toi', et ainsi de suite…"

Face à ces propositions douteuses, Irina n’a pas osé se plaindre, ni à la police ni à ses hébergeurs. "J’ai directement effacé ces messages et j’ai bloqué leurs auteurs. Depuis, j’ai vu sur Facebook que d’autres femmes ont reçu le même genre de propositions. En général, les administrateurs de ces groupes les effacent et évitent d’accueillir ce type de profils sur leur page mais c’est parfois difficile car il y a beaucoup de messages à contrôler et beaucoup de personnes qui demandent de l’aide. Donc, ce n’est pas facile de tout comprendre et de faire le tri entre ce qui est clair et ce qui ne l’est pas, entre les gens qui veulent vraiment vous aider et ceux qui attendent quelque chose de votre part."

Une circulaire ministérielle alerte les communes et les commissariats

Cette situation de vulnérabilité des réfugiés et surtout des réfugiées ukrainiennes, nos autorités en sont conscientes à tel point que les ministres de l’Intérieur, de la Justice et de l’Asile et de la Migration viennent d’adresser une circulaire aux bourgmestres et aux chefs de corps de la police pour attirer leur attention sur le phénomène et leur demander la plus grande vigilance concernant le contrôle des familles candidates à l’hébergement des personnes fuyant l’Ukraine.

Extraits : "Afin de prévenir les abus et l’exploitation, les autorités locales doivent demander à tous les membres majeurs des familles candidates à l’hébergement un extrait du casier judiciaire ou l’autorisation de le consulter. Toute personne chargée par une autorité compétente d’une mission dans le cadre de l’hébergement et l’assistance des personnes en fuite est tenue de signaler à la police tout fait indiquant un risque pour l’intégrité physique des personnes en fuite. La police procédera alors à un contrôle approprié."

Le ministre de la Justice Vincent Van Quickenborne promet d’ailleurs des contrôles : "80% des personnes en fuite sont des femmes et des enfants. Les Belges tentent de les aider en leur proposant un hébergement. La grande majorité d’entre eux le font avec de bonnes intentions. Mais en même temps, nous voulons prévenir autant que possible les abus commis par des personnes malhonnêtes, tels que l’exploitation et/ou la traite des êtres humains. C’est pourquoi des contrôles proportionnés sont effectués."

Trente offres d’aide supprimées car suspectes

La circulaire a beau être fédérale, la gestion des places d’accueil relève des entités locales et fédérées. Ce sont donc les régions et communautés qui sont chargées de contrôler l’infrastructure d’hébergement des personnes en fuite et les normes de sécurité, de salubrité, de qualité et d’équipement du lieu d’hébergement.

En Wallonie, cet hébergement est géré par la plateforme solidaire mise en place par le SPW. Comme l’explique sa responsable, Stéphanie Ernoux, ce site compte un millier de propositions de logements et il y a des contrôles. "Une équipe va checker la description du lieu proposé et quand on estime qu’il y a des aspects qui nous semblent discriminants, on essaie d’aller voir un peu plus loin, on se demande ce qu’il y a derrière et on procède à un échange de mails avec cette personne. Et bien sûr, si l’échange n’est pas satisfaisant, l’offre est supprimée." Environ trente offres suspectes ou non conformes ont déjà fait les frais de ces contrôles et ont été retirées d’autorité de la plate-forme.

Reste que des personnes malintentionnées arrivent néanmoins à passer entre les mailles du filet. Dans ce cas, le conseil à suivre est celui donné à ses compatriotes par une autre réfugiée ukrainienne, sur la page du groupe Facebook Belgique-Ukraine : "Si des personnes proposent de vous héberger contre des faveurs sexuelles ou si vous ne vous sentez pas en sécurité, alertez la police ! Le numéro à former est le 101 et si vous ne parlez pas la langue, dites simplement ‘Help’et donnez votre adresse. La Belgique prend au sérieux les cas de harcèlement sexuel, ne vous laissez pas intimider, alertez les autorités !"

 

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