Mais qui étaient ces 13 activistes qui ont décidé de braver la ségrégation ?
Parmi eux, on compte aussi bien des hommes que des femmes. On compte sept noirs et six blancs. L’objectif des activistes était de former un convoi aussi hétéroclite que possible. "Il semblerait que Martin Luther King avait été approché pour faire le trajet mais il l’avait jugé beaucoup trop dangereux", indique Serge Jaumin.
Il faut dire que la période est propice à la violence quotidienne, "c’est une période où la répression est très violente, des organisations comme le Ku Klux Klan ont une force considérable et prônent la violence. Face aux actions non-violentes, la violence est toujours présente. Les agressions sont monnaie courante avec la complicité de certains membres de la police", détaille Serge Jaumin.
Parmi les freedom riders, plusieurs d’entre eux deviendront des grandes figures, dans l’histoire américaine, de la lutte pour les droits civiques. De nombreuses femmes ont participé à ce trajet.
Deux organisations sont à l’initiative de l’action. Le Congress of Racial Equality (CORE) et Student Nonviolent Coordinating Committee (SNCC). C’est le président du CORE qui organise le tout, James Farmer. Dans la lutte pour les droits civiques, il est considéré comme l’un des "big six", une des figures majeures du mouvement.
Dans les années 1940, James Farmer, avec Martin Luther King entre autres, est l’un des pionniers de l’action non-violente. C’est aussi la solution du désespoir mais qui s’avérera particulièrement puissante.
Nous sommes dans les 1960, c’est une période où l’on prône la non-violence. Martin Luther King l’avait bien compris. C’est ce qui a donné toute la force à leur action
C’est donc une tactique de mobilisation réfléchie. Des entraînements à la non-violence sont organisés. Les militants sont entraînés à rester assis des heures, à se faire insulter, cracher dessus, frapper. Les freedom riders ont reçu ce type d’entraînement.
Avant le départ du convoi, ce 4 mai 1961, tout indiquait que la violence serait au rendez-vous. Beaucoup leur disaient d’attendre que les choses se calment. A cela, John Farmer a répondu : "cela fait 350 ans que nous attendons que les choses refroidissent. Si nous attendons encore davantage nous seront dans le grand gel", raconte le site de l’Université de Stanford.
Comme l’explique le site de PBS, c’était une idée assez radicale de se lancer dans cette action.
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Les freedom riders savaient que la violence risquait d’être au rendez-vous, mais la loi est de leur côté. Pour peu que les entités fédérées acceptent de la faire appliquer. "L’outil de la non-violence c’est la grande victoire du mouvement pour les droits des Afro-Américains, face à la violence traditionnelle de la police ou encore du Ku Klux Klan. Cela donne un véritable impact. Par ailleurs, nous sommes dans les 1960, c’est une période où l’on prône la non-violence. Martin Luther King l’avait bien compris. C’est ce qui a donné toute la force à leur action", souligne Serge Jaumin.
Une guerre d’images
Cette non-violence a deux atouts : "cela permet de contrer les stéréotypes qui sont véhiculés sur les personnes noires, selon lesquels, elles seraient 'dangereuses', 'déviantes'. Ce sont d’ailleurs des stéréotypes qui existent encore aujourd’hui. Donc quand un noir est paisible, irréprochable, ça empêche d’avoir des images qui véhiculent ces stéréotypes. Et puis cela permet de montrer que la violence émane du sud et de ces groupes suprémacistes", souligne Esther Cyna.
L’objectif de cette action c’est aussi d’attirer l’attention médiatique sur leur sort, l’illégalité et la violence des autres. Même si la télévision est encore en noir et blanc, on entre dans l’ère de l’image. Celle que l’on renvoie et celle que l’on diffuse. C’est aussi une guerre d’images.
'Freedom riders', c’est presque un nom de super-héros
D’ailleurs, l’image, le symbole tient aussi à l’attachement culturel américain pour la route. "Le symbole de la route, du 'road trip' comme symbole de liberté est très fort aux Etats-Unis. Alors montrer que, pour les noirs, c’est impossible de voyager librement, c’est important. D’ailleurs 'freedom riders', c’est presque un nom de super-héros. Donc les voir se faire violenter ce sont des images puissantes", dépeint Esther Cyna.
A la guerre d’image, s’ajoute celle du droit. Se montrer poli. Carré. C’est aussi pour cela que les 13 freedom riders décident d’acheter leur billet pour un trajet planifié et proposé sur le marché, comme les citoyens lambda qu’ils sont. À nouveau, la loi est de leur côté.
A bord du bus, ils décident d’avoir au moins un binôme interracial assis ensemble, et au moins un siège à l’avant occupé par un freedom rider noir. Ces sièges que les ségrégationnistes tenaient à se réserver pour eux-mêmes. Enfin, l’un des freedom riders devait s’asseoir à l’arrière et respecter les règles ségrégationnistes à la lettre afin de pouvoir prévenir les organisations telles que CORE, en cas de problème avec les forces de l’ordre ou avec la foule.