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Il y a 50 ans, Neil Young sortait son plus grand chef-d’œuvre

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Par Laurent Rieppi via

Le plus célèbre et l’un des plus grands chefs-d’œuvre de la carrière de Neil Young célèbre son 50e anniversaire. Harvest est un album que tout amateur de musique rock se doit de posséder et sur lequel on retrouve des classiques tels que "Heart of Gold", "Old Man" ou encore "Alabama".

Harvest de Neil Young est l’un des albums majeurs de la carrière du musicien canadien et est même considéré comme son œuvre absolue par de nombreux critiques.

Harvest est également l’album du succès, il sera en effet le "best seller" section album de l’année 1972 aux Etats-Unis.

Avant de parler plus en profondeur de l’album, resituons celui-ci dans son contexte musical et historique.

Harvest : la concrétisation

En 1972, Neil Young compte déjà trois albums solos à son actif. Il a connu également un succès énorme avec l’album Déjà Vu en 1970 (aux côtés de ses camarades Crosby, Stills & Nash). Young est musicien professionnel depuis 1966, date de sortie du premier album de Buffalo Springfield, dont il était membre.

En 1971, Neil Young se lance dans une tournée en solo (c’est-à-dire sans les Crazy Horse), tournée durant laquelle il teste quelques-uns des titres que l’on retrouvera sur l’album Harvest.

Après avoir testé ces titres sur scène, il va assembler un nouveau groupe qu’il baptiser"The Stray Gator".

Ce groupe, très branché country-rock, se compose de Ben Keith : pedal steel guitar (musicien qui accompagnera notamment plus tard Emmylou Harris), Kenny Buttrey à la batterie (qui a alors déjà travaillé pour Joan Baez et Bob Dylan par exemple), Tim Drummond à la basse (qui a lui accompagné James Brown) et finalement Jack Nitzsche (au piano, à la slide guitar, Nitzsche qui produira également l’album et arrangera quelques titres).

Encore un petit mot sur Jack Nitzche, qui n’est pas vraiment un inconnu à cette époque. Il a été en effet l’un des assistants de Phil Spector pour quelques-unes de ses plus grandes productions et a collaboré également aux arrangements de quelques grands standards des Stones.

C’est avec ce background particulièrement riche en expérience et en musiciens de qualité que se déroulent les sessions d’enregistrements d’Harvest.

Neil Young au Royal Albert Hall de Londres en 1971
Neil Young au Royal Albert Hall de Londres en 1971 © Gijsbert Hanekroot/Redferns/Getty

Un succès fulgurant et inattendu par Neil Young

A sa sortie, Harvest est un véritable triomphe. Celui-ci dépasse Neil Young qui, pendant un moment, rejette ce nouveau statut de superstar puis finit par devoir l’accepter.

L’album Harvest, succès fulgurant donc, reste bien présent dans les mémoires des amateurs de musique et est célébré à de très nombreuses reprises ensuite, que ce soit par les musiciens qui s’en inspirent et/ou en reprennent quelques titres ou par les fans qui classent cet album dans leurs listes de favoris.

Pour preuve, en 1998 les lecteurs du magazine britannique "Q" classent Harvest à la 64e position des plus grands albums de tous les temps.

Un peu plus tard, en 2003, le magazine américain Rolling Stone classe Harvest à la 78e place des meilleurs albums de tous les temps…

Et finalement en 1996, 2000 et 2005 l’album se hisse à la deuxième position des plus grands albums canadiens de tous les temps, juste devancé, à la première place, par l’album Blue de Joni Mitchell.

Handicap et invités prestigieux…

Les conditions de travail durant la réalisation de l'album sont très particulières et engendrent cette ambiance très douce, très feutrée et lente de l’album. A cette époque Neil Young a de sérieux problèmes de dos et porte une attelle, il ne peut donc physiquement pas jouer beaucoup de guitare électrique et sa condition le dirige vers un style plus acoustique et "laid-back".

En plus des Stray Gators, sa nouvelle formation, on retrouve également de nombreux invités sur l'album.

Il y a notamment James Taylor (banjo et chant sur le titre "Old Man") ainsi que David Crosby, Graham Nash, Stephen Stills et Linda Ronstadt (dans les chœurs).

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Qui est le "Old Man" du titre de Neil Young ?

"Old Man", grand classique de l'album, évoque un certain Louis Avila, qui n’est autre que le gardien du ranch que Neil Young acquit en 1970 pour la "modique" somme de 350.000 dollars. Lorsqu’il fait visiter la propriété pour la première fois à Neil Young, Avila lui demande comment il peut se permettre d’acheter un tel ranch à un si jeune âge… Young lui répond de façon très modeste : "Juste la chance, Louis, j’ai eu beaucoup de chance".

Dans ce superbe "Old Man", Neil Young compare sa vision à celle de ce vieux monsieur, gardien du ranch. On y retrouve beaucoup de tendresse aussi qu’une sagesse rare chez un aussi jeune homme (Neil Young n’a alors que 26 ans quand il écrit et enregistre ce morceau).

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Amoureux d’une actrice…

Un des titres les plus particuliers d’Harvest est sans aucun doute : "A Man Needs A Maid". Un morceau qui tranche avec l’ambiance générale de l’album.

Cette différence est notamment due aux arrangements très "classique" signés ici par le London Symphony Orchestra et Jack Nitzsche.

Ce titre apprécié par beaucoup sera aussi critiqué par les puristes ne supportant pas l’aspect "pompeux" de ses arrangements. Mais "A Man Needs A Maid" n’est pas critiqué que pour ses arrangements mais également pour son contenu.

En effet différentes associations féministes condamnent les paroles du titre qui prétendent qu’un homme a besoin d’une servante pour s’occuper de lui, et notamment pour garder sa maison propre et pour cuisiner…

Neil Young, alors tout juste sorti d’une douloureuse rupture et entamant une toute nouvelle relation avec une jeune actrice, plaide la confusion, s’expliquant en y voyant une métaphore d’un besoin de protection. Il dit alors qu’il n’arrive plus à accorder sa confiance à personne. Il se défend également en expliquant que le titre parle de l’histoire de Robin des Bois et du personnage de "Maid Marion", la petite amie du héros.

Zeke

Dans le titre, Neil Young chante “I feel in love with the actress”, il s’agit ici d’une référence claire à sa nouvelle passion pour l’actrice Carrie Snodgress.

Neil Young et Carrie Snodgress ont par la suite un enfant, Zeke, qui est malheureusement atteint d’une paralysie cérébrale, un handicap qui l’accompagne toute sa vie.

Leur idylle ne dure que l’espace de quelques années ("A Man Needs A Maid" ne sera cependant pas le seul titre de Neil Young à être dédié à Carrie), et peu à peu l’actrice met sa carrière de côté pour s’occuper de son fils.

Carrie Snodgress décède le 1er avril 2004 à l’âge de 57 ans après avoir consacré toute une partie de sa vie à son fils Zeke.

Mais elle ne sera pas seule à prendre du temps pour élever l’enfant, Neil Young, s’occupe encore aujourd’hui très souvent de Zeke, ce dernier l’accompagnant notamment en tournée…

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Critique du racisme ambiant…

Sur Harvest, Neil Young critique le racisme ambiant que l’on peut retrouver, à l’époque, dans certains états du sud des Etats-Unis et principalement dans l’Alabama. Ce n’est pas la première fois qu’il s’attaque à cette problématique. Il l’avait en effet déjà fait en 1970 sur l’album After The Gold Rush à travers le titre "Southern Man". Ici il signe donc un "Alabama" bien mordant.

Bien plus tard, en 2012, dans son autobiographie, il reviendra sur ce titre

Je n’aime pas les mots que j’ai utilisés dans ce titre quand je l’écoute aujourd’hui. Ils sont accusateurs et condescendants, pas assez réfléchis, et ils peuvent être véritablement mal interprétés

Le groupe Lynyrd Skynyrd écrira son "Sweet Home Alabama" par la suite pour répondre à ces deux titres accusateurs de Neil Young.

Un classique antidrogue

Titre antidrogue par excellence, "The Needle and The Damage Done" évoque notamment de Danny Whitten, ancien guitariste de Crazy Horse.

Musicien que Neil Young voudra engager pour la tournée précédant la sortie d’Harvest mais qu’il est contraint de virer à cause de sa dépendance à l’héroïne.

Le 18 novembre 1972, Young achète un billet retour pour Los Angeles pour Danny Whitten et ajoute un billet de 50 dollars pour qu’il puisse se soigner.

Malheureusement, à peine arrivé à LA, Danny Whitten utilise l’argent pour acheter de l’héroïne et fait une overdose le soir même. Il était âgé de 29 ans.

La meilleure introduction pour ce titre est celle-ci, il s’agit des propres mots de Neil Young :

C’est un titre à propos de toutes les superbes œuvres artistiques qui ne sont jamais sorties à cause de l’héroïne…

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